Les engagements individuels de pension au profit des salariés

AuteurDelphine Castiaux/Marie-Pierre Donéa
Occupation de l'auteurLicenciée en droit et diplômée d'études spécialisées en droit social/Licenciée en droit et en sciences fiscales
Pages191-206

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I L'assurance dirigeant d'entreprise (ou ADE)
A La définition

A l'origine, et historiquement, l'assurance dirigeant d'entreprise n'était pas une assurance contractée au profit du dirigeant mais simplement une assurance souscrite par une entreprise à son propre profit. Elle avait alors pour objectif de se prémunir contre le dommage qu'elle subirait en cas de départ du dirigeant (pour cause de décès, invalidité, ...).

Mais dans la pratique, on a toutefois progressivement constaté que l'entreprise n'était pas le seul bénéficiaire du contrat. Dans cette optique, l'assurance dirigeant d'entreprise est en réalité devenue une opération de financement de l'entreprise, dont le but était de faire face à certaines obligations dont la plus usuelle est actuellement la promesse de payer un capital tenant lieu de pension à un dirigeant d'entreprise.

En pratique, nous considérons qu'il y a en réalité lieu de distinguer aujourd'hui les trois hypothèses suivantes:

- l'entreprise souscrit un contrat d'assurance à son profit exclusif (elle est seule bénéficiaire) sur la tête d'un de ses dirigeants (hypothèse 1);

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- l'entreprise souscrit un contrat d'assurance à son profit exclusif (elle est le seul bénéficiaire) sur la tête d'un de ses dirigeants, et parallèlement, prend un engagement contractuel de pension à l'égard de ce dirigeant (hypothèse 2);

- l'entreprise souscrit un contrat d'assurance sur la tête d'un de ses dirigeants, qui est désigné comme bénéficiaire. Dans ce dernier cas, il y a lieu de distinguer selon que le dirigeant est un bénéficiaire acceptant ou non (hypothèse 3).

L'assurance dirigeant d'entreprise se réduit exclusivement à ces trois situations.

B Le traitement fiscal des primes

L'administration fiscale a réglementé la matière dans une circulaire administrative du 20 avril 1987210.

Elle opère les distinctions suivantes:

- Première hypothèse: contrat ADE non lié à une promesse de pension

Est visé le contrat ADE non lié à une promesse de pension contractuelle au bénéfice du dirigeant.

Quel est le régime fiscal selon la circulaire?

* Dans le chef de l'entreprise: les primes versées par l'entreprise sont, en principe, déductibles dans son chef sans limite, comme frais professionnels, sur base de l'article 49 du C.I.R. 1992.

Ces primes échappent ainsi aux conditions et limitations fixées par l'article 59 du C.I.R. 1992 (à savoir la limite des 80 % et l'obligation de verser les primes à une société d'assurances agréée établie en Belgique ou à un établissement belge de pareille société étrangère).

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Toutefois, la déduction des primes sera refusée si, et dans la mesure où, eu égard aux résultats de l'entreprise, il y a lieu de considérer qu'elles dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels (article 53, 10° du C.I.R. 1992).

* Dans le chef du travailleur: les primes versées par l'entreprise restent sans incidence fiscale dans son chef.

- Deuxième hypothèse: le contrat d'assurance est conclu en vue de garantir une obligation en matière de pension

Est visé le schéma classique selon lequel un contrat ADE (conclu entre l'entreprise et l'assureur) et une promesse contractuelle (convenue entre l'entreprise et le dirigeant) coexistent comme deux contrats juridiquement indépendants mais liés, l'ADE assurant à l'entreprise les moyens requis pour exécuter ses engagements de pension envers le dirigeant.

Selon la circulaire, une ADE est notamment réputée avoir été conclue en vue d'assurer l'attribution d'un capital ou d'une pension au travailleur:

- lorsque cet objectif résulte d'une clause du contrat ADE luimême ou d'une convention séparée;

- lorsque le travailleur peut prélever des avances sur le contrat ou le mettre en gage.

Pour qu'il soit question du schéma classique de l'ADE, il faut que le droit aux prestations soit uniquement acquis au travailleur ou à ses ayants droits lors de la mise à la pension ou en cas de décès.

Ce résultat est obtenu en évitant que le travailleur ne soit désigné comme bénéficiaire du contrat ADE et en prévoyant dans la convention de pension une série d'événements ayant pour effet de rendre le droit à la prestation de pension purement conditionnel. Classiquement, les conventions de pension prévoient ainsi la perte du droit à la prestation en cas de faillite de l'entreprise, de difficultés économiques de l'entreprise, de licenciement pour motif grave du travailleur ou en cas de départ prématuré du travailleur, à son initiative.

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Une abondante jurisprudence a confirmé que le travailleur n'acquiert pas de droit définitif sur les prestations définies par la promesse de pension lorsque les parties respectent dans toutes ses conséquences l'indépendance juridique du contrat ADE et la promesse de pension.

La prudence est toutefois de rigueur dans la mesure où certaines décisions de jurisprudence ont considéré, dans certains cas, qu'il y avait simulation, notamment en raison d'une prétendue absence d'intérêt de l'entreprise.

Quel est le régime fiscal?

* Dans le chef de l'entreprise: l'administration fiscale soumet les primes versées par l'entreprise aux mêmes limites et conditions de déductibilité que celles applicables au régime des cotisations patronales versées dans le cadre d'un engagement collectif.

La déduction est ainsi notamment soumise à la limite des 80 %. Dans la mesure où cette limite est dépassée, les primes constituent des DNA. La position administrative paraît contraire à la loi. En effet, la limite des 80 % trouve sa base légale dans les articles 59 et 60 du C.I.R. 1992. Or, l'article 60 n'impose cette limite qu'au niveau des prestations attribuées et non pas au moment du versement des primes. Quant à l'article 59, il ne vise que les cotisations patronales d'assurance complémentaire contre la vieillesse et le décès prématuré versées à titre définitif à un fonds de pension ou à une assurance-groupe. Or, les primes payées en vertu d'un contrat ADE ne constituent pas de pareilles cotisations.

Par ailleurs, l'assimilation des primes aux allocations visées à l'article 59 du C.I.R. 1992 pose problème car ces primes ne sauraient en aucune façon satisfaire à la condition requise par cet article d'être versées «à titre définitif». Cette condition signifie que l'entreprise ne devrait avoir aucune faculté de récupérer les primes. Or, en l'absence d'une acceptation du bénéfice du contrat ADE par le salarié (hypothèse envisagée), l'entreprise est en droit de révoquer le contrat ou d'en effectuer le rachat ou une réduction.

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En outre, lorsque les prestations deviennent exigibles, celles-ci transiteront normalement par l'entreprise211.

* Dans le chef du salarié: le versement des primes n'aura aucune incidence fiscale immédiate dans son chef.

- Troisième hypothèse: droit immédiatement acquis au salarié

Sont visées les situations où le bénéfice de l'ADE est immédiatement et définitivement acquis au travailleur.

Selon...

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