La gestion des débiteurs : aspects financiers et techniques

AuteurOlivier Vincent
Occupation de l'auteurCoach pour PME et indépendants
Pages43-68

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Une fois que le fonctionnement de l'entreprise est assimilé, le plus difficile reste à faire : chiffrer les différents éléments entrant en ligne de compte et estimer les risques inhérents au crédit octroyé aux clients. Ce point de vue est d'autant plus important qu'il permet de comprendre, dans les grandes lignes, le raisonnement que tiennent les banques lorsqu'on leur demande un crédit.

En résumé, on pourra estimer, lors de cette évaluation, quelle est la santé financière du client (ou sa capacité à nous payer) et quelles sont les garanties que l'on peut lui demander pour se prémunir contre une défaillance de sa part.

A La notion de credit management

Les Anglo-Saxons ont bien identifié la problématique sous-jacente à la gestion des débiteurs, puisqu'ils parlent de credit control ou de credit management.

Mais que renferme cette notion ?

Si l'on reprend les composantes de la structure d'un secteur de Porter, on peut ajouter, dans les éléments déterminants du pouvoir d'un client, et à coté du prix, les délais de paiement qui lui seront accordés.

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Ces délais sont devenus un enjeu essentiel dans les négociations commerciales, au même titre que la qualité des produits vendus ou des remises de fin d'année octroyées.

Accorder un crédit à un client, c'est augmenter son pouvoir d'achat. Celui-ci pourra donc régler d'autres dépenses avec l'argent qui vous est normalement dû.

D'un autre côté, ce crédit fait courir des risques importants aux fournisseurs. En effet, il est impossible d'exclure une défaillance des clients entre le moment où les marchandises sont livrées (ou facturées) et celui où elles sont effectivement payées. Ce risque est d'autant plus grand si les délais de paiements sont importants.

Quelles sont les conséquences de ce délai17 ?

1. Les répercussions auprès des fournisseurs et le coût des intérêts

Chaque entreprise est à la fois client et fournisseur. Elle doit donc obtenir de ses propres fournisseurs le crédit qu'elle a accordé à ses clients. Toutefois, ceux-là ne lui proposeront pas nécessairement les mêmes largesses que celles qu'elle a offertes, volontairement ou non. Dès lors, le risque est tel que l'entreprise risque de se trouver dans une position l'obligeant à payer ses fournisseurs avant d'avoir obtenu le règlement de ses clients, et donc de connaître un sérieux problème de trésorerie. Dans ce cas, faute de financement, elle risque très vite d'acquérir une réputation de mauvais payeur. Elle ne pourra plus bénéficier de crédit commercial auprès de ses fournisseurs et devra payer ses achats contre remboursement. L'engrenage présenté dans les causes de faillite (chapitre 1) est en place.

Pour éviter ce cas extrême, l'entreprise devra financer auprès de sa banque le montant que son client ne lui a pas encore réglé. Un intérêt sera alors dû, lequel, dans la plupart des cas, n'entrera pas en ligne de compte lors de l'établissement des offres de prix. La marge réalisée sur les ventes s'en voit donc réduite.

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Exemple

Supposons que le financement coûte 1 % par mois (c.-à-d. 12 % par an) et que la marge soit de 10 %, cela veut dire qu'octroyer un terme de paiement de 30 jours représente 1 % de la facture et donc, que la marge réelle après un mois n'est plus de 10 % mais bien de 9 %. Idéalement, le prix devrait donc tenir compte de ce financement.

2. Les frais de recouvrement

Ici sont compris tous les frais intervenant jusqu'au règlement intégral de la facture. On y trouve les frais de personnel, de correspondance (rappels), les recommandés, les visites sur places... Tous rongent un peu plus la marge bénéficiaire de la société.

3. La perte pure et simple

C'est là, bien entendu, la pire des situations. Plus la créance tarde à être récupérée, plus le risque de perte augmente. Cela implique non seulement la perte du chiffre d'affaires escompté, mais également la nécessité de générer un chiffre d'affaires supplémentaire afin de récupérer la perte en question.

Ainsi, une entreprise qui réalise normalement un bénéfice de 2 % sur son chiffre d'affaires doit, en cas de perte d'une créance, réaliser un chiffre d'affaires supplémentaire de 50 fois le montant de cette créance, uniquement pour récupérer cette perte. A la fin de ce chapitre, un test permettra au lecteur de mesurer notamment le chiffre d'affaires supplémentaire à réaliser en cas de perte d'une créance.

Le délai de paiement peut également devenir un enjeu stratégique.

Nonobstant les considérations commerciales que nous avons citées ci-dessus, une utilisation efficace des délais de paiement favorise aussi l'externalisation des activités. Celle-ci et la sous-traitance ont un sens quand elles permettent de profiter de la spécialisation des acteurs. En revanche, les réaliser pour des raisons financières ne présente aucun intérêt économique réel.

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La culture du résultat telle qu'elle est présentée aujourd'hui sur les marchés a donc dépassé cette limite. Au lieu de payer des salaires à la fin du mois, il peut être intéressant, du point de vue de la trésorerie des entreprises, d'acheter une prestation à un sous-traitant en la réglant 90 jours plus tard, avec ce que cela implique en matière de compétence et de sécurité. De nombreux accidents nous le rappellent chaque année.

Cette notion de crédit commercial, avec tout ce qu'elle peut avoir comme répercussions, est donc un élément à manier avec la plus grande prudence.

B Les moyens de contrôle d’une entreprise

Afin de mieux mesurer les impacts sur la gestion quotidienne, nous allons aborder l'analyse financière sous deux angles :

  1. l'équilibre financier des processus;

  2. l'analyse globale.

L'analyse financière, telle qu'elle est présentée ici, ne diffère que très peu de l'analyse pratiquée par un banquier lorsqu'il est sollicité pour un crédit. Seul l'ordre des paramètres contrôlés changera, ainsi que l'importance apportée à d'autres.

1. L’équilibre financier des processus

Afin de pouvoir estimer les différents mécanismes régissant l'entreprise, reprenons le graphique de la page 37 d'un processus de fonctionnement standard.

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Même s'il est techniquement possible d'aller beaucoup plus loin dans les détails analytiques, ce n'est pas le but recherché ici.

Quelles sont les phases de ce mécanisme ?

Trois phases se distinguent :

[1] Les achats

On y trouve non seulement les achats de marchandises destinées à être transformées, mais également ceux de biens et services divers comme l'électricité, l'eau, les loyers éventuels, les assurances.

Pour mesurer le délai moyen dans lequel sont réglés les fournisseurs, on calculera le ratio de rotation suivant la formule suivante :

(Dettes commerciales à 1 an au plus (*) / Achats marchandises + Services et biens divers + TVA sur achats) X 365

(*) Dettes commerciales à 1 an au plus : Fournisseurs + effets à payer + factures à recevoir. Dans ce cas-ci, les dettes commerciales à plus d'un an peuvent être assimilées à des dettes financières. En ce qui concerne les dettes commerciales incluant la TVA, le montant de la TVA doit être additionné aux achats.

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Ce ratio exprime, en jours, le délai moyen de paiement obtenu des tiers. L'allongement de la durée du crédit obtenu des fournisseurs augmente le volume des capitaux extérieurs dont dispose l'entreprise pour financer son exploitation. On en revient donc à la notion de credit management sauf que, dans ce cas-ci, c'est l'entreprise qui « joue » avec la trésorerie de son fournisseur.

Attention toutefois à l'interprétation du résultat. Une rotation élevée peut signifier soit une grande confiance des fournisseurs envers l'entreprise, soit que celle-ci est en difficultés et n'est pas en mesure de faire face à ses échéances.

De même, une faible rotation peut indiquer soit que les fournisseurs n'ont pas ou peu confiance dans l'entreprise (ils paieraient alors contre remboursement), soit que l'entreprise est en bonne santé financière et paie rapidement (éventuellement pour bénéficier d'escomptes pour paiement comptant).

[2] La production

Pour simplifier, nous y avons inséré les stocks de matières premières et de produits finis. Il est clair que dans la réalité, l'importance de la logistique et de la gestion des stocks n'est plus à démontrer. L'évaluation peut alors être décomposée selon les catégories de biens. On y trouvera les biens acquis (approvisionnements et marchandises) et les stocks de fabrication (en cours de fabrication et produits finis). Ces distinctions sont importantes notamment pour les entreprises industrielles.

- La rotation des stocks

Cette rotation permet de calculer le nombre de jours de détention des stocks. Pour une entreprise de distribution, elle se calculerait de la manière suivante :

(Prix de revient des ventes (*) / Stock moyen (**) ) X 365

(*) Le prix de revient des ventes = valeur du stock initial + total des frais opérationnel - valeur du stock final.

(**) Valeur du stock moyen = (valeur du stock initial + valeur du stock final) / 2

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Pour calculer la rotation de stock marchandises (ou biens acquis à transformer), le prix de revient des achats sera : stock initial + total des frais opérationnels concernés - stock final.

Remarque

Pour connaître la rotation en mois, et non en jour, il suffit de multiplier par 12 et non par 365.

En règle générale, une rotation des stocks élevée (donc un ratio bas) signifie que les stocks ne traînent pas, ce qui résulte d'une politique commerciale dynamique, couplée à une gestion efficace des stocks.

Ici aussi, il faut se garder de toute simplification abusive. En effet, un ratio de rotation élevé peut être la conséquence d'un niveau insuffisant de stocks, causant des...

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