La faute de gestion

AuteurJean Pierre Renard
Occupation de l'auteurAvocat Juge suppléant au tribunal de commerce de Nivelles
Pages176-183

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Qu'est-ce qu'une faute de gestion ?

487. Le gérant de société, qu'il soit unique ou pas, constitue un organe de la SPRL et «cet organe ne contracte aucune responsabilité personnelle» lorsqu'il agit pour compte et au nom de la société (art.61 CDS).

Cette disposition n'est que l'application d'un principe contenu dans le Code civil suivant lequel le mandataire (le gérant) qui agit au nom et pour compte de son mandant (la société) ne prend aucun engagement personnel. C'est le mandant qui est tenu par les actes accomplis par son mandataire.227

488. C'est également en application des règles générales du mandat contenues dans le Code civil228 que le Code des sociétés énonce que :

Les gérants sont responsables, conformément au droit commun, de l'exécution du mandat qu'ils ont reçu et des fautes commises dans leur gestion.

(art.262 CDS)

Pour apprécier si un gérant a commis une faute de gestion, l'on se référera aux règles générales énoncées plus haut (voir n° 485), et l'on jaugera si l'acte querellé correspond ou non à un comportement raisonnable et prudent d'un gérant normalement compétent et consciencieux placé dans la même situation, et soucieux de l'intérêt social.

Le juge aura un large pouvoir d'appréciation. Le juge tiendra compte d'un certain nombre d'éléments, tels que la formation du gérant, son rôle s'ils sont plusieurs, le caractère rémunéré ou non de son mandat229.

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489. La faute de gestion peut donc être une décision, un comportement, une imprudence, une omission, un oubli, une négligence...

Voici quelques exemples de fautes de gestion souvent cités par la doctrine230, que nous avons regroupés par catégorie :

* Actes positifs de mauvaise gestion :

- accomplissement d'un acte dépassant l'objet social;

- délégation de pouvoirs à une personne incompétente;

- signature d'une convention dont l'intérêt pour la société est discutable;

- signature d'une convention à des conditions manifestement désavantageuses (la location d'un immeuble à un loyer surfait);

- signature d'une convention pouvant avoir des conséquences dangereuses pour la société (un contrat d'entreprise avec un entrepreneur non agréé);

- octroi à un client de délais de paiements soit trop longs soit sans aucune garantie;

- utilisation de biens à des fins étrangères à l'objet social231;

- rupture unilatérale d'un contrat ayant des conséquences calamiteuses pour la société (exemples les plus fréquents : rupture d'un contrat de travail pour un motif grave inexistant ou léger, rupture d'un contrat de concession exclusive de vente avec un préavis manifestement insuffisant, ...);

- paiement d'une dette non exigible;

- divulgation d'informations confidentielles232;

- ...

* Omissions ou négligences considérées comme fautes de gestion :

- non appel en temps opportun de la partie du capital non libéré;

- absences répétées aux réunions du collège de gestion sans motif valable laissant présumer un désintérêt dans la gestion de la société;

- absence ou insuffisance de surveillance ou des personnes à qui des pouvoirs ont été délégués233;

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- non-paiement de dettes à leur échéance entraînant le paiement d'intérêts de retard, de clauses pénales, voire de frais de justice;

- non-paiement d'une traite à l'échéance;

- absence de contestations d'une créance en temps utile;

- absence de déclarations de T.V.A., O.N.S.S., ...;

- non surveillance du Comité de direction;

- ...

Qui peut intenter l'action en responsabilité pour faute de gestion ?

490. Comme nous l'avons vu, le gérant, comme tout mandataire, doit rendre compte de sa gestion à son mandant, la société qui lui a donné mandat234.

Il est donc logique que seule la société puisse agir contre son gérant dans le cadre de cette action fondée sur le contrat de mandat qui les lie. Cette action est d'ailleurs appelée dans le vocabulaire juridique l'actio mandati.

C'est l'assemblée générale (art. 289 CDS) de la société qui décidera, à la majorité simple, d'intenter une telle action contre un ou plusieurs de ses gérants si elle considère avoir subi un dommage à la suite de fautes de gestion de son ou ses gérants.

Dans les limites examinées ci-après, cette action peut être intentée aussi bien contre des anciens gérants235 ou contre des gérants encore en fonction. Dans cette dernière hypothèse sans doute peu fréquente, l'assemblée générale veillera à désigner un mandataire ad hoc pour poursuivre cette procédure236; l'on voit mal le gérant agir contre lui-même.

Compte tenu des éléments indiqués plus haut, l'on ne s'étonnera pas de la rareté des «actio mandati», puisqu'elle suppose que la majorité de l'assemblée générale agisse contre des personnes qu'elle a nommées et qui font partie normalement de l'actionnariat majoritaire, bien que cette affirmation doit être nuancée, depuis 1991, comme expliqué au point suivant.

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491. En effet l'affirmation selon laquelle l'assemblée générale de la société peut seule intenter l'actio mandati doit recevoir deux tempéraments237 :

  1. en cas de faillite, la doctrine...

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