Les faits et les actes juridiques - Le domaine de l'autonomie de la volonté
Auteur | Philippe Quarré |
Pages | 55-64 |
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Disposant maintenant d'une vision suffisamment large des sources du droit, nous pouvons entrer dans le domaine des faits et comportements individuels en ce qu'ils sont porteurs de droits et d'obligations86.
Est un fait juridique tout événement, tout acte qui émane de l'homme ou des choses et qui entraîne des conséquences de droit, conséquences qui, s'il s'agit d'un comportement humain volontaire, ne sont pas la finalité recherchée en soi (même si elle est consciemment acceptée). Il est des faits juridiques involontaires, comme un accident. Il est des faits juridiques qui sont volontaires, comme par exemple commettre une infraction. A tout cela s'attachent des conséquences de droit. Mais, répétons-le, ces conséquences ne sont pas l'objet de l'acte, sa finalité. En principe, si je vole, ce n'est pas pour aller en prison, même si je sais que mon acte risque d'être réprimé et que j'en accepte les conséquences.
La limite entre les faits juridiques et les actes juridiques peut se trouver peut-être dans ce qu'on appelle les «quasi-contrats»87, dont par exemple la «gestion d'affaires». Mon voisin est absent. Un arbre menace de s'écrouler et de détruire sa maison, et je prends les mesures indispensables pour éviter cette catastrophe. La loi me donne le droit d'être indemnisé des frais que j'ai dû engager. Mais c'est un «fait juridique» dans la mesure où je n'ai pas agi pour obtenir ce droit à indemnité, mais pour sauvegarder les intérêts essentiels de mon voisin.
Les actes juridiques sont, quant à eux, volontairement accomplis par l'homme dans le but de produire des effets de droit. Ce sont par exemple les contrats.
On distingue traditionnellement les actes unilatéraux (une donation) et bilatéraux (un contrat de vente qui oblige à délivrer la chose, mais réciproquement à payer le prix)88, à titre gratuit (une donation) ou à titre Page 56 onéreux (une vente), entre vifs (une location, un prêt) ou à cause de mort (un testament). On peut allonger ainsi la liste de distinctions qui ont plus ou moins d'intérêt, sinon théorique. Ajoutons cependant ici les contrats dits commutatifs, qui comportent une certaine équivalence dans les prestations, ou aléatoires, qui comportent pour les parties une chance de perte ou de gain (comme les contrats d'assurances), les contrats principaux et les contrats accessoires (hypothèque, cautionnement) qui disparaissent en cas d'extinction du contrat principal, ou encore les contrats instantanés, qui s'exécutent en une seule fois (la vente), ou successifs, dont l'exécution s'étend dans le temps (louage, contrat de travail).
L'acte juridique doit émaner d'une volonté libre et consciente. A défaut, elle est viciée et il en résultera la nullité de l'acte.
Il faut tenir compte ici de la notion d'erreur, représentation fausse ou inexacte de la réalité, qui implique un défaut de concordance entre la volonté vraie et la volonté déclarée.
Il est impossible de développer plus avant ici une théorie sur l'erreur et les vices de consentement, et nous ne pouvons que conseiller, en cas de besoin, de s'en référer aux auteurs autorisés89.
L'acte juridique suppose la capacité, c'est-à-dire l'aptitude d'une personne à jouir d'un droit, ou à poser un acte juridique valable. Il convient de distinguer ici la «capacité de jouissance» et la «capacité d'exercice».
La capacité de jouissance consiste dans la faculté d'être titulaire d'un droit.
La Constitution précise notamment :
De la jouissance des droits civils
Art. 7. L'exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s'acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle.
Art. 8. Tout belge jouira des droits civils. Page 57
L'étranger jouit en Belgique de tous les droits civils reconnus aux
Belges, sauf les exceptions établies par la loi 90 . L'étranger autorisé à s'établir dans le Royaume et inscrit au registre de la population jouit de tous les droits civils reconnus aux Belges aussi longtemps qu'il continue de résider en Belgique. Art. 15. Un Belge pourra être traduit devant un tribunal de Belgique, pour des obligations par lui contractées en pays étrangers, même avec un étranger.
Mais à côté de la capacité de jouissance, il y a la capacité d'exercice, c'est-à-dire d'exercer le droit. Ainsi, il y a une différence entre être propriétaire d'un immeuble et pouvoir valablement le louer ou le vendre.
Des régimes particuliers de limitation d'exercice des droits, de représentation, d'assistance ou d'autorisation sont prévus par la loi dans divers cas, comme celui du mineur ou du mineur émancipé, celui de la minorité prolongée, de l'administration provisoire des biens, de l'interdiction ou de la mise sous conseil judiciaire91.
L'objet. Pour pouvoir bénéficier de la protection du droit, tout acte juridique doit avoir une «utilité», un sens, une finalité, un objet, même si la volonté individuelle est à cet égard autonome. Pour cela, il doit réunir plusieurs qualités : l'objet doit être déterminé ou à tout le moins déterminable, possible et licite.
Ainsi, l'obligation de prester est nulle lorsque le fait promis est impossible, d'impossibilité absolue (il ne suffit pas d'une inexistence momentanée ou d'une force majeure accidentelle. Exemple : «Si tu réussis cela, je te donnerai la lune»).
L'objet ne doit pas être contraire à l'ordre public (et ajoutons aux «bonnes moeurs», notion traditionnelle qu'on confond actuellement dans la notion d'ordre public). La notion d'ordre public est difficile à définir. Selon DE PAGE :
La loi d'ordre public est celle qui touche aux intérêts essentiels de l'Etat ou de la collectivité ou qui fixe, dans le droit privé, les bases
juridiques fondamentales sur lesquelles repose l'ordre économique ou moral d'une société déterminée 92 .
Un exemple simple : deux malfaiteurs établissent entre eux un contrat, précis et parfaitement rédigé, qui fixe les conditions de...
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