Extrait de l'arrêt n° 61/2014 du 3 avril 2014 Numéro du rôle : 5626 En cause : le recours en annulation des articles 2, 3, 4

Extrait de l'arrêt n° 61/2014 du 3 avril 2014

Numéro du rôle : 5626

En cause : le recours en annulation des articles 2, 3, 4, 14 et 15 de la loi du 20 septembre 2012 instaurant le principe « una via » dans le cadre de la poursuite des infractions à la législation fiscale et majorant les amendes pénales fiscales, introduit par l'ASBL « Ligue des Contribuables ».

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

  1. Objet du recours et procédure

    Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 18 avril 2013 et parvenue au greffe le 22 avril 2013, l'ASBL « Ligue des Contribuables », dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue Lens 13, a introduit un recours en annulation des articles 2, 3, 4, 14 et 15 de la loi du 20 septembre 2012 instaurant le principe « una via » dans le cadre de la poursuite des infractions à la législation fiscale et majorant les amendes pénales fiscales (publiée au Moniteur belge du 22 octobre 2012).

    (...)

  2. En droit

    (...)

    B.1. La partie requérante poursuit l'annulation, d'une part, de l'article 2 et, d'autre part, des articles 3, 4, 14 et 15 de la loi du 20 septembre 2012 « instaurant le principe ' una via ' dans le cadre de la poursuite des infractions à la législation fiscale et majorant les amendes pénales fiscales ».

    Quant à l'article 2 de la loi attaquée

    B.2.1. L'article 2 de la loi attaquée dispose :

    L'article 29 du Code d'instruction criminelle, modifié en dernier lieu par la loi du 23 mars 1999, est complété par un alinéa 3 rédigé comme suit :

    ' Le directeur régional visé à l'alinéa 2 ou le fonctionnaire qu'il désigne peut, dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale, se concerter sur des dossiers concrets avec le procureur du Roi. Le procureur du Roi peut poursuivre les faits pénalement punissables dont il a pris connaissance lors de la concertation. La concertation peut aussi avoir lieu à l'initiative du procureur du Roi. Les autorités policières compétentes peuvent participer à la concertation. '

    .

    B.2.2. Cette disposition trouve son origine dans une proposition de loi, amendée au cours des travaux parlementaires. Cette proposition fut justifiée de la manière suivante :

    La lutte contre la fraude fiscale requiert une concertation mutuelle entre le directeur régional et les magistrats du ministère public qui exercent les poursuites, et leurs collaborateurs respectifs. Dès lors que ce type de fraude fiscale se manifeste dans des dossiers concrets, pour garantir l'efficacité et l'effectivité de cette concertation en fonction de la lutte contre la fraude, cette concertation doit pouvoir avoir lieu sur la base de dossiers concrets. Cet article permet cette concertation mutuelle.

    Cette concertation vise à permettre au procureur du Roi d'apprécier, en vertu de son pouvoir constitutionnel, la nécessité de procéder à une information ou de requérir instruction, et de déterminer si les faits peuvent donner lieu à des poursuites individuelles dans le cadre du dossier de fraude fiscale. A l'issue de cette concertation, il sera déterminé, conformément au principe ' una via ', si le dossier de fraude suivra la voie administrative ou la voie pénale.

    Si on suit la voie administrative, les administrations fiscales poursuivront et sanctionneront elles-mêmes la fraude dans un dossier fiscal. Si on suit la voie pénale, c'est le ministère public qui enquêtera sur la fraude fiscale et la poursuivra sur le plan pénal. Dans ce cas, les administrations fiscales se limiteront à constater la dette fiscale, sans appliquer de sanctions administratives.

    La concertation nécessaire ne peut toutefois être considérée comme un élément de la procédure, ni limiter le pouvoir d'appréciation du ministère public.

    La concertation doit donc être considérée comme une concertation de travail qui a lieu préalablement à la prise de mesures effectives contre l'infraction fiscale et donc pas comme un acte de procédure

    (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-1973/001, p. 9).

    B.2.3. Il fut encore souligné à cet égard :

    Dans son avis n° 47 426/2 du 9 décembre 2009, le Conseil d'Etat a répété une nouvelle fois que l'immixtion dans l'organisation des services d'administration générale n'était possible que dans le respect de la répartition des compétences - ancrée dans la Constitution - entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif si des circonstances exceptionnelles le justifiaient ou si cela concernait des dispositions qui, selon la Constitution, ne peuvent être fixées que par le législateur.

    Par ailleurs, cet avis rappelle les compétences respectives des pouvoirs exécutif et judiciaire [...].

    [...]

    La Cour constitutionnelle a souligné dans son arrêt n° 52/97 du 14 juillet 1997 que les directives en matière de politique criminelle ' (peuvent) contenir des modalités et critères généraux pour l'exécution de la politique de recherche et de poursuite '. Elles ne peuvent cependant pas ' conduire à la neutralisation d'une loi ou impliquer que le ministre de la Justice exerce un droit d'injonction négatif individuel '.

    L'organisation du principe una via sur la base duquel l'on décide si un dossier de fraude fiscale doit être traité par la voie administrative ou doit faire l'objet de poursuites au pénal, devra donc toujours être confronté aux dispositions constitutionnelles précitées. A cet effet, tout critère préalablement imposé limitera le pouvoir d'appréciation du Ministère public par exemple à la composante morale du fait punissable, du montant de l'impôt éludé ou de la circonstance de récidive et se heurtera donc à l'article 151 de la Constitution.

    Pour n'appliquer qu'une sanction administrative, le Conseil d'Etat estime qu'en principe l'on ne peut accepter que le choix revienne en premier lieu à l'administration. Ceci induirait que, si l'administration décidait d'imposer une sanction administrative, le ministère public ne pourrait plus procéder à des poursuites.

    En outre, il convient de tenir compte du fait que si l'on attribue à un organe de concertation composé de fonctionnaires un pouvoir d'appréciation en matière de poursuites pénales, ces fonctionnaires ne peuvent pas être considérés - contrairement aux magistrats du ministère public - comme ne relevant pas de l'autorité hiérarchique du ministre et, partant, du pouvoir exécutif (avis du CdE 11 461/1).

    [...]

    L'application du principe una via a pour but d'organiser efficacement la lutte contre la fraude fiscale afin d'éviter le double emploi des moyens publics. Il est dès lors nécessaire que le fonctionnaire titulaire d'un grade de directeur ou d'un grade supérieur qui participe à la concertation puisse se faire assister par les fonctionnaires qui assurent le traitement du dossier individuel ou qui disposent d'une expertise dans le domaine du phénomène de fraude étudié.

    Cette concertation entre les autorités judiciaires, policières et fiscales sera possible moyennant le respect des principes généraux du droit et sur la base du principe de subsidiarité et du principe non bis in idem.

    Le principe de subsidiarité implique que la recherche, en ce compris la constatation de fraude fiscale et la dette fiscale et du recouvrement, reste du ressort des administrations fiscales avec tous les moyens légaux dont elles disposent. Si ces moyens légaux devaient ne pas suffire pour s'attaquer à la fraude fiscale et la sanctionner, les moyens d'enquête du pouvoir judiciaire devraient pouvoir être déployés dans les...

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