Extrait de l'arrêt n° 12/2021 du 28 janvier 2021 Numéro du rôle : 6968 En cause : le recours en annulation de l'article 89 de la loi-programme du 25 décembre 2017 (modification de l'article 18

Extrait de l'arrêt n° 12/2021 du 28 janvier 2021

Numéro du rôle : 6968

En cause : le recours en annulation de l'article 89 de la loi-programme du 25 décembre 2017 (modification de l'article 18, alinéa 1er, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992), introduit par Florence Lebel.

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, R. Leysen, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

  1. Objet du recours et procédure

    Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 juin 2018 et parvenue au greffe le 29 juin 2018, Florence Lebel, assistée et représentée par Me T. Afschrift, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l'article 89 de la loi-programme du 25 décembre 2017 (modification de l'article 18, alinéa 1er, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992), publiée au Moniteur belge du 29 décembre 2017.

    (...)

  2. En droit

    (...)

    Quant à la disposition attaquée et à son contexte

    B.1. La partie requérante demande l'annulation de l'article 89 de la loi-programme du 25 décembre 2017, qui a modifié l'article 18, alinéa 1er, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992).

    Cette disposition concerne la taxation des distributions effectuées par les constructions juridiques, en lien avec l'obligation de déclaration de ces constructions juridiques et en lien avec la taxation dite « de/par transparence » des revenus perçus par ces constructions juridiques.

    La notion de « construction juridique », définie à l'article 2, § 1er, 13°, du CIR 1992, est examinée en B.9.2 et en B.11.

    B.2.1. Avant sa modification par l'article 89, attaqué, de la loi-programme du 25 décembre 2017, l'article 18, alinéa 1er, 3°, du CIR 1992 disposait :

    Les dividendes comprennent :

    [...]

    3° les sommes, autres que celles visées au 1°, 2°, 2°bis et 2°ter, attribuées ou mises en paiement par une construction juridique visée à l'article 2, § 1er, 13°, b), à la suite de sa dissolution ou du transfert total ou partiel qui n'a pas été conclu de manière [commutative], de ses actifs pour la partie qui excède le montant des avoirs apportés

    .

    B.2.2. En vertu de cette disposition, étaient uniquement imposables, au titre de dividendes, sur la partie excédant le montant des avoirs apportés : les distributions effectuées par les constructions juridiques visées à l'article 2, § 1er, 13°, b), du CIR 1992 (ci-après : les constructions juridiques de catégorie b)), à la suite de leur dissolution ou du transfert total ou partiel de leurs actifs « [non] conclu de manière [commutative] », c'est-à-dire conclu sans contrepartie équivalente.

    En conséquence, les distributions effectuées par les constructions juridiques visées à l'article 2, § 1er, 13°, a), du CIR 1992 (ci-après : les constructions juridiques de catégorie a)) n'étaient pas imposables, au titre de dividendes, sur la base de cette disposition.

    B.3.1. L'article 89, attaqué, de la loi-programme du 25 décembre 2017 dispose :

    Dans l'article 18, alinéa 1er, 3°, du [CIR 1992], rétabli par la loi du 26 décembre 2015, les modifications suivantes sont apportées :

    1° les mots ' visée à l'article 2, § 1er, 13°, b) ' sont supprimés;

    2° les mots ' à la suite de sa dissolution ou du transfert total ou partiel qui n'a pas été conclu de manière commutatif, de ses actifs ' sont remplacés par les mots ' y compris les revenus qui sont censés être attribués ou mis en paiement conformément à l'article 5/1, § 2 ';

    3° les mots ' pour la partie qui excède le montant des avoirs apportés ' sont remplacés par les mots ' dans la mesure où le contribuable n'a pas établi que cette attribution ou mise en paiement entraînerait une diminution du patrimoine de la construction juridique jusqu'à un montant inférieur aux capitaux apportés par le fondateur '

    .

    B.3.2. Depuis sa modification par la disposition attaquée, l'article 18, alinéa 1er, 3°, du CIR 1992 dispose :

    Les dividendes comprennent :

    [...]

    3° les sommes, autres que celles visées au 1°, 2°, 2°bis et 2°ter, attribuées ou mises en paiement par une construction juridique y compris les revenus qui sont censés être attribués ou mis en paiement conformément à l'article 5/1, § 2, dans la mesure où le contribuable n'a pas établi que cette attribution ou mise en paiement entraînerait une diminution du patrimoine de la construction juridique jusqu'à un montant inférieur aux capitaux apportés par le fondateur

    .

    En vertu de cette disposition et du fait de la suppression du renvoi à l'article 2, § 1er, 13°, b), du CIR 1992, les distributions effectuées par toute construction juridique visée à l'article 2, § 1er, 13°, du CIR 1992 - y compris les constructions juridiques de catégorie a) - sont désormais taxées au titre de dividendes, dans la mesure où le contribuable n'a pas établi que ces distributions constituent le remboursement du patrimoine apporté.

    Conformément aux articles 17, § 1er, 1°, et 171, 3°, du CIR 1992, ces dividendes sont soumis, au titre de revenus de capitaux et biens mobiliers, à une imposition au taux distinct de 30 % .

    B.3.3. Les travaux préparatoires de la disposition attaquée mentionnent :

    Les modifications qui sont apportées par le présent projet à l'article 18, alinéa 1er, 3°, CIR 92, ont pour but de considérer désormais également les distributions des constructions juridiques visées à l'article 2, § 1er, 13°, a), CIR 92 comme des dividendes.

    L'article est ensuite adapté de telle sorte qu'il ressorte mieux que chaque distribution d'une construction juridique, qui ne constitue pas le remboursement du patrimoine apporté, est considérée comme un dividende.

    La distribution du patrimoine apporté n'est censée avoir lieu qu'après la distribution de tous les bénéfices et revenus réservés. Il appartient, le cas échéant, au contribuable de prouver l'importance du patrimoine apporté initialement

    (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2746/001, p. 39).

    Les distributions par des constructions juridiques de type 1 [et] de type 2 seront désormais traitées de la même manière et les deux seront imposables

    (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2746/016, p. 6).

    B.4. En vertu de l'article 100, alinéa 1er, de la loi-programme du 25 décembre 2017, la disposition attaquée s'applique « aux revenus recueillis, attribués ou mis en paiement par une construction juridique à partir du 17 septembre 2017 et, en ce qui concerne l'application du précompte mobilier, aux revenus attribués ou mis en paiement à partir du premier jour du mois qui suit la publication [de la loi] au Moniteur belge », soit à partir du 1er janvier 2018.

    Quant à la recevabilité

    B.5.1. Le Conseil des ministres fait valoir que le recours est tardif, en ce que le moyen unique dénonce une discrimination qui trouverait sa source non pas dans la disposition attaquée, mais dans la loi-programme du 10 août 2015.

    B.5.2. Par un moyen unique, la partie requérante fait valoir que l'article 89, attaqué, de la loi-programme du 25 décembre 2017 fait naître une identité de traitement dépourvue de justification raisonnable entre, d'une part, les constructions juridiques de catégorie a) et, d'autre part, les constructions juridiques de catégorie b), en ce que les distributions effectuées par les constructions juridiques de catégorie a) sont désormais taxables au titre de dividendes, sans que cette taxation soit limitée aux distributions effectuées par les constructions juridiques de catégorie a) qui sont soumises, en vertu de la législation de l'Etat ou de la juridiction où elles sont établies, à un impôt sur les revenus qui s'élève à moins de 15 %, comme c'est le cas pour la taxation des distributions effectuées par les constructions juridiques de catégorie b).

    B.5.3. L'identité de traitement contestée trouve son origine dans la disposition attaquée, dès lors que, comme il a été dit en B.3.2, c'est par l'effet de la modification introduite par cette disposition à l'article 18, alinéa 1er, 3°, du CIR 1992 que les distributions des constructions juridiques de catégorie a) sont désormais taxables au titre de dividendes.

    La circonstance que le grief de la partie requérante porte, en particulier, sur l'absence d'alignement du champ d'application de la mesure attaquée sur celui de la taxation des distributions effectuées par les constructions juridiques de catégorie b) qui découle des articles 2, § 1er, 13°, b), et 18, alinéa 1er, 3°, du CIR 1992, tels qu'ils ont été modifiés par les articles 38 et 40 de la loi-programme du 10 août 2015, n'est pas de nature à modifier ce constat. En adoptant la disposition attaquée, le législateur a de nouveau légiféré dans la matière contenue dans ces dispositions. Il a en effet expressément choisi, d'une part, de maintenir le régime de taxation des distributions effectuées par les entités dotées de la personnalité juridique soumises, en vertu de la législation de l'Etat ou de la juridiction où elles sont établies, à un impôt sur les revenus qui s'élève à moins de 15 % du revenu imposable et, d'autre part, de taxer désormais également, au titre de dividendes, les distributions effectuées par les constructions juridiques de catégorie a), quel que soit le taux à l'impôt sur les...

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