Extrait de l'arrêt n° 165/2023 du 30 novembre 2023 Numéros du rôle : 7868 et 7869 En cause : les recours en annulation des articles 28 à 42 (chapitre 3 - « Taxe sur l'embarquement dans un aéronef »)
Extrait de l'arrêt n° 165/2023 du 30 novembre 2023
Numéros du rôle : 7868 et 7869
En cause : les recours en annulation des articles 28 à 42 (chapitre 3 - « Taxe sur l'embarquement dans un aéronef ») et des articles 30, 31 et 32 de la loi du 28 mars 2022 « portant réduction de charges sur le travail », introduits par la société de droit irlandais « Ryanair D.A.C. » et par l'ASBL « Fédération belge d'aviation - Belgische federatie voor Luchtvaart » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt, K. Jadin et M. Plovie, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
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Objet des recours et procédure
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Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 septembre 2022 et parvenue au greffe le 30 septembre 2022, la société de droit irlandais « Ryanair D.A.C. », assistée et représentée par Me A. Cassart, avocat au barreau de Charleroi, et par Me E. Vahida, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 28 à 42 (chapitre 3 - « Taxe sur l'embarquement dans un aéronef ») de la loi du 28 mars 2022 « portant réduction de charges sur le travail » (publiée au Moniteur belge du 31 mars 2022).
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Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 septembre 2022 et parvenue au greffe le 30 septembre 2022, un recours en annulation des articles 30, 31 et 32 de la même loi a été introduit par l'ASBL « Fédération belge d'aviation - Belgische federatie voor Luchtvaart », Michel Sinove et Paul Windey, assistés et représentés par Me S. Papen et Me T. Pels, avocats au barreau d'Anvers.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7868 et 7869 du rôle de la Cour, ont été jointes.
(...)
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En droit
(...)
Quant aux dispositions attaquées
B.1.1. Les dispositions attaquées mettent en place le régime de la taxe sur l'embarquement dans un aéronef.
Elles font partie de la loi du 28 mars 2022 « portant réduction de charges sur le travail » (ci-après : la loi du 28 mars 2022).
B.1.2. Cette loi a pour but la réalisation d'une réduction de certaines charges sur le travail. Aux fins du financement de cette mesure, des prélèvements sont créés et d'autres sont haussés (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2522/001, p. 4).
Dans cette perspective, les articles 28 à 42 de la loi du 28 mars 2022 introduisent, dans le Code des droits et taxes divers, le « Titre III - Taxe sur l'embarquement dans un aéronef », qui contient les articles 159 à 166/3.
B.1.3. Outre son objectif budgétaire, cette taxe vise à internaliser les externalités négatives du trafic aérien, en répercutant ces coûts sur le prix payé par l'utilisateur afin de l'inciter à modifier ses comportements (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2522/001, p. 30). Les externalités négatives sont les effets négatifs de l'action d'un agent économique sur les tiers ou sur l'environnement, tels qu'en l'espèce la pollution de l'air ou les nuisances sonores. En principe, ces effets ne sont pas compensés spontanément par l'agent économique. L'internalisation consiste à intégrer ces coûts externes dans les charges de l'agent économique qui les provoque, afin qu'il en tienne compte dans ses décisions.
Le montant de la taxe est maximal lorsque la distance du vol est inférieure à 500 kilomètres, et ce, afin d'inciter les voyageurs à privilégier une alternative de transport moins polluante, telle que le train (ibid., p. 34).
Ce faisant, la taxe sur l'embarquement dans un aéronef contribue à la mise en oeuvre du droit à la protection d'un environnement sain, prévu à l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, ainsi qu'à la réalisation des objectifs d'un développement durable, dans ses dimensions sociale, économique et environnementale, conformément à l'article 7bis de celle-ci.
B.2.1. La taxe sur l'embarquement est perçue sur le départ d'un passager à partir d'un aéroport situé en Belgique (article 160, § 1er, du Code des droits et taxes divers).
B.2.2. L'article 162 du Code des droits et taxes divers dispose :
La taxe est de :
1° 10 euros pour un passager dont la destination n'est pas située à plus de 500 km à vol d'oiseau à partir de l'ARP de l'aéroport ayant le plus grand nombre annuel de passagers dans le pays;
2° 2 euros pour un passager dont la destination est plus éloignée que sous 1°, mais est située dans l'Espace économique européen, le Royaume-Uni ou la Suisse;
3° 4 euros pour un passager dont la destination est plus éloignée que sous 1° et est située en dehors de l'Espace économique européen, du Royaume-Uni ou de la Suisse
.
L' « ARP » est le point de référence de l'aéroport, désigné en vertu de la section 2.2 de l'annexe 14, volume I, de la Convention de Chicago relative à l'aviation civile internationale, signée le 7 décembre 1944 (ci-après : la Convention de Chicago).
B.2.3. Le passager est défini comme étant « une personne physique de 2 ans ou plus et qui est transportée par aéronef autrement qu'en tant que personnel de bord » (article 159, 5° ).
B.2.4. Tous les appareils motorisés susceptibles d'être maintenus dans l'atmosphère en conséquence des forces de réaction que l'air exerce sur eux sont qualifiés d'aéronef pour l'application du titre III du Code des droits et taxes divers (article 159, 3° ).
B.3.1. L'article 160, § 1er, alinéa 3, du Code des droits et taxes divers dispose :
N'est pas considéré comme départ d'un passager le départ depuis un aéroport lorsque :
1° ce départ a lieu, dans le cadre d'un seul contrat de transport, après l'arrivée du passager par aéronef dans cet aéroport;
2° la correspondance est la raison principale de l'utilisation de l'aéroport; et
3° le passager n'a pas quitté, pendant plus de 24 heures entre le moment de son arrivée et celui de son départ, la zone de l'aéroport dans laquelle un passager en partance ne peut entrer qu'avec un billet de transport valide
.
A cet égard, les travaux préparatoires mentionnent :
L'alinéa 3 du paragraphe 1er exclut du champ d'application de la taxe les passagers en transfert. La taxe est applicable aux passagers qui partent d'un aéroport situé en Belgique. Ici, seul le premier départ dans le cadre d'un contrat de transport est pris en compte. Lorsqu'un départ suit l'arrivée du passager par aéronef dans cet aéroport et que ce départ fait partie d'un seul contrat de transport, il n'est pas considéré comme un départ d'un passager depuis un aéroport situé en Belgique pour l'application de cette taxe. Comme pour la détermination de la destination, le contrat de transport est donc déterminant pour la détermination du point de départ.
On peut également noter que les taxes d'embarquement aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Autriche prévoient une telle exclusion. La raison est double : le maintien de la position de concurrence de leurs aéroports en tant que hubs internationaux et l'évitement d'une double imposition
(Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2522/001, p. 38).
Il se déduit des objectifs poursuivis par le législateur que l'exemption prévue par cette disposition porte sur la situation dans laquelle un passager arrivé en avion dans un aéroport situé en Belgique prend, dans le cadre d'un même contrat de transport, une correspondance au sens strict du terme, à savoir un autre avion afin de rejoindre sa destination finale, et, à plus forte raison, sur la situation dans laquelle un passager emprunte à nouveau le même avion lorsque ce dernier a fait escale dans un aéroport situé en Belgique, notamment, afin que des passagers supplémentaires montent à son bord.
B.3.2. En outre, la taxe n'est pas applicable aux aéronefs militaires belges ou étrangers ni aux aéronefs affectés à un service d'Etat tel que la police ou la douane (article 160, § 2, 1° et 2° ).
B.3.3. Sont également exemptés, en vertu de l'article 160, § 2, 3°, du Code des droits et taxes divers, les « vols locaux » en paramoteur visés à l'article 1er de l'arrêté royal du 10 juin 2014 « fixant les conditions particulières imposées pour l'admission à la circulation aérienne des paramoteurs » (ci-après : l'arrêté royal du 10 juin 2014), à savoir les vols effectués « autour d'un aérodrome ou d'un terrain pour paramoteurs à une distance telle que la perception des signaux optiques émis de ce terrain demeure toujours possible » (article 1er de l'arrêté royal du 10 juin 2014).
B.3.4. Ne sont par ailleurs pas soumis à la taxe les vols au départ et à destination d'un même aéroport, sans escale (article 160, § 2, 4°, du Code des droits et taxes divers). Il s'agit, par exemple, de vols avec parachutistes ou de baptêmes de l'air. Ces vols ne sont pas destinés au transport de passagers (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2522/001, p. 39).
B.3.5. La taxe ne s'applique pas davantage en cas de départ par aéronef « en vue de l'exercice d'une activité professionnelle dans l'espace aérien pour laquelle l'usage d'un aéronef est nécessaire ou le plus efficient » (article 160, § 2, 5° ), comme dans le cadre des vols d'écolage des futurs pilotes et des vols destinés à la surveillance aérienne de réseaux de distribution, à la photographie aérienne professionnelle ou au filmage de compétitions sportives (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2522/001, p. 38).
B.3.6. Enfin, l'article 164 du Code des droits et taxes divers prévoit également des exemptions en faveur, d'une part, des passagers reprenant un vol interrompu à la suite d'incidents techniques, de conditions atmosphériques défavorables ou de tout autre cas de force majeure et, d'autre part, des passagers d'un aéronef utilisé exclusivement à des fins médicales ou humanitaires.
B.4.1. Le transporteur aérien est redevable de la taxe (article 161).
La notion de « transporteur aérien » vise tant les compagnies aériennes classiques que les particuliers qui détiennent des aéronefs privés (Doc. parl...
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