Évaluation de l'entreprise et négociation
Auteur | Emmanuel De Wilde D’Estmael; Pierre Henfling; François Minon |
Occupation de l'auteur | Avocats |
Pages | 37-52 |
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Dans un contexte de transmission d'entreprises, l'évaluation de celleci constitue presque toujours un des éléments centraux de la négociation. Or, il s'agit d'une tâche complexe et le recours à un professionnel en la matière s'avère souvent opportun.
Il convient d'attirer l'attention sur le fait qu'il n'existe pas une valeur unique et incontestable pour une entreprise déterminée. De même, valeur et prix sont deux notions différentes. En effet, le prix résulte essentiellement d'une négociation, laquelle peut être influencée par des éléments non quantifiables par un évaluateur : loi de l'offre et de la demande, possibilités de synergie, désir d'acheter ou de vendre, ...1.
De manière classique, l'évaluation base sa démarche sur trois principes fondamentaux qui doivent être respectés2 :
La valeur d'une entreprise s'entend à l'égard de ses propriétaires. Cette valeur est exprimée en termes de fonds propres, toute modification de la valeur de ceux-ci n'ayant de valeur que pour les propriétaires. En revanche, les dettes reviennent aux créanciers. On peut donc conclure que : Page 40
Valeur de l'entreprise = valeur totale des actifs de l'entreprise - valeur des dettes
Les actifs d'une entreprise englobent tous les moyens utilisés à la réalisation de ses objectifs. Il existe en outre des avoirs moins quantifiables, comme le savoir-faire, l'organisation et la structure, la capacité d'emprunt, etc... Dans le cadre d'une évaluation de la rentabilité, tous les revenus et frais sont pris en considération, même ceux qui ne sont pas directement liés à l'exploitation.
Chaque actif est repris pour sa valeur en «going concern», c'est-à- dire la valeur d'exploitation «vue» par la personne qui poursuivra les activités de la société, et non pour sa valeur de liquidation. Une évaluation basée sur la rentabilité considère que l'entreprise poursuit son activité sans modification majeure, par opposition à une société sans avenir, donc en voie de liquidation.
Baser une évaluation sur le principe de continuité des activités signifie que les perspectives de continuité ne sont pas mises en cause, mais également que le contexte dans lequel évolue actuellement l'entreprise ne sera pas significativement modifié. C'est d'ailleurs le fondement même du raisonnement mené, notamment lors de l'estimation de la valeur de goodwill, laquelle est approchée en extrapolant les résultats de l'entreprise au cours des exercices passés.
Si le contexte d'exploitation devait être modifié pour une raison quelconque, cette perspective entraînerait une modification de notre approche de la valeur patrimoniale.
Les méthodes d'évaluation sont multiples. Cette multiplicité explique la raison pour laquelle il n'est pas possible de fixer pour une entreprise une seule valeur, universellement reconnue. Page 41
De même, il est illusoire de parler de «valeur réelle». La valeur d'un objet est toujours conventionnelle et liée au contexte dans lequel se situe l'évaluateur. L'évaluation d'entreprises n'échappe pas à cette règle.
Quoi qu'il en soit, les auteurs ont développé un ensemble de modèles d'évaluation, presque toujours basé sur des critères financiers. Cela paraît d'ailleurs naturel car la démarche d'évaluation vise à quantifier, or certains éléments sont en eux-mêmes difficilement quantifiables, voire pas du tout (par exemple l'aspect social de l'entreprise).
Les différentes méthodes d'évaluation développées par la doctrine peuvent, dans les grandes lignes, être répertoriées en deux grandes tendances en fonction de leur approche : a) les méthodes patrimoniales; b) les méthodes basées sur le rendement.
Les méthodes patrimoniales reflètent une image plutôt statique de l'entreprise. La valeur de celle-ci est déterminée ici en fonction des éléments qui la composent, évalués individuellement à un moment bien déterminé. La valeur intrinsèque constitue probablement la référence la plus représentative des méthodes relevant de l'approche patrimoniale. Ceci est d'autant plus vrai depuis que le législateur y a fait lui-même référence de manière explicite en matière de détermination du prix d'émission d'actions dans le cadre d'augmentations de capital avec limitation du droit de préférence (art. 34 bis, § 4 bis, 2º, al. 2).
La manière dont le texte est rédigé laisse d'ailleurs entendre que la valeur intrinsèque constitue a priori une valeur minimale («(...) le prix d'émission doit être au moins égal à la valeur intrinsèque du titre (...)»).
D'après les travaux parlementaires préalables à la loi du 18 juillet 19913, «la valeur intrinsèque peut être définie en indiquant qu'il s'agit de l'actif net rectifié, c'est-à-dire le total des postes d'actif éventuellement rectifiés, dont on déduit les dettes (...) ». Page 42
Les méthodes basées sur le rendement partent de l'hypothèse que la valeur de l'entreprise est liée à sa capacité de générer du profit dans le futur. Cela revient donc à procéder à une capitalisation de ce profit futur. Par profit, il faut entendre le bénéfice (net ou brut), le cash-flow, les dividendes, etc. Ces notions peuvent être définies différemment en fonction de la méthode effectivement retenue.
L'actualisation porte donc, selon cette approche, sur des profits futurs (généralement limités à un horizon économique déterminé). Il s'agit souvent d'une difficulté majeure de ce type d'approche. En effet, les évaluateurs, comme la plupart des financiers, rechignent à utiliser des données prospectives, car celles-ci présentent nécessairement un caractère aléatoire. Dès lors, les données de base résultent souvent d'une extrapolation des données du passé, ce qui permet bien sûr de disposer d'une référence maîtrisable et normalement fiable, mais cette démarche est en soi insatisfaisante.
Les deux approches, basées sur le patrimoine ou sur le rendement de l'entreprise, présentent chacune des limites. C'est pourquoi de nombreux auteurs proposent des méthodes combinant les deux approches. Il s'agit alors de tenir compte, à la fois de la composante patrimoniale et de la composante rendement. La réflexion menée ici part du principe que la valeur d'une entreprise correspond à la valeur de son patrimoine majoré d'un élément incorporel, habituellement appelé le «goodwill», représentant souvent une capacité bénéficiaire future.
Ces méthodes mixtes constituent une approche combinée à part entière, mais en aucun cas une addition d'une valeur patrimoniale et d'une valeur de rendement.
Il n'est pas possible de développer dans ces lignes un nombre même limité de méthodes. Nous nous bornerons donc à en citer quelquesunes à titre purement exemplatif 4. Page 43
Valeur substantielle : J. BRILMAN et Cl. MAIRE, Manuel d'évaluation des entreprises, op. cit., pp. 106-110.
Valeur de rentabilité : J. BRILMAN et Cl. MAIRE, ibid., pp. 114-115.
Valeur de rendement : J. BRILMAN et Cl. MAIRE, ibid., p. 115.
Méthode classique ou...
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