Une nouvelle réforme de l'impôt des sociétés. La loi du 22 juin 2005 instaurant une déduction fiscale pour capital à risque
Auteur | Michel De Wolf |
Occupation de l'auteur | Professeur UCL - ULg - FUNDP. Réviseur d'entreprises |
Pages | 229-242 |
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Les objectifs du législateur sont :
- rendre plus neutre le choix du mode de financement (capital à risque versus fonds empruntés), en permettant la déductibilité, dans le chef de la société, de la composante «sans risque» du coût du capital à risque («intérêts notionnels» ou fictifs). On observera qu'il s'agit ici d'une mesure qui ne s'inscrit pas dans la tendance usuelle visant à réduire plutôt le coût du travail et, qu'au contraire de mesures antérieures en faveur du capital à risque (type A.R. nE 15), elle ne bénéficie pas uniquement aux apports nouveaux de capital;
- trouver une solution alternative au régime des centres de coordination, en voie d'extinction. Cette problématique, et en particulier la concurrence suisse à l'égard des multinationales, fut omniprésente dans les débats parlementaires (voyez le nombre de pages qui lui sont consacrées dans le Rapport de la commission des finances et du budget de la Chambre, Doc. parl., 2004-2005, nE 1778/004). Le mécanisme mis en place par la loi du 22 juin 2005 est du reste appelé à se substituer à la réforme du régime des centres de coordination issu de la loi du 24 décembre 2002, que le Gouvernement a décidé de ne jamais faire entrer en vigueur (Rapport, p. 39).
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La déduction, organisée par les nouveaux articles 205bis à 205novies du C.I.R., s'insère entre la quatrième (R.D.T.) et la cinquième (pertes antérieures) opération de la déclaration fiscale des sociétés. Voir l'exposé des motifs (Doc. parl., Ch. repr., 2004-2005, nE 1778/001) et le nouvel article 77bis de l'A.R./I.R.
Cette technique semble avoir été préférée à celle d'une majoration de la situation de début des réserves, de manière à éviter que la quotité de la déduction pour capital à risque qui n'aurait éventuellement pas été immédiatement déduite, ne soit noyée au sein de la masse des pertes reportables. Les pertes sont en effet indéfiniment reportables, tandis que les stocks de déduction pour capital à risque ne sont reportés que pendant sept ans (infra).
+ Capitaux propres à la fin de la période imposable précédente, déterminés conformément à la législation comptable.
Ceci implique que les SNC et SCS non soumises aux règles d'évaluation contenues dans l'A.R. du 30 janvier 2001 portant exécution du Code des sociétés devront renoncer à se prévaloir de cette dérogation (exposé des motifs, p. 11).
Pour les associations soumises à l'impôt des sociétés, les capitaux propres correspondent à la notion de «fonds social» au sens du droit comptable des associations (art. 205ter nouveau, § 8).
- Valeur fiscale nette à la fin de la période imposable précédente des actions et parts propres et des immobilisations financières consistant en participations et autres actions et parts.
- Valeur fiscale nette à la fin de la période imposable précédente des actions ou parts émises par des sociétés d'investissement dont les revenus éventuels sont susceptibles d'être déduits des bénéfices en vertu des articles 202 et 203.
Ces deux soustractions visent à éviter la double déduction au niveau de la société elle-même (des R.D.T. d'une part et d'un pourcentage des fonds propres censés financer l'acquisition de ces actions et parts générant des revenus quasi exonérés, d'autre part), voire les déductions en cascade au sein des groupes de sociétés.
La loi n'établit toutefois pas de lien explicite entre la première soustraction et le bénéfice du régime des R.D.T. Dès lors, la valeur fiscale nette de certaines actions qui ne donnent pas droit aux R.D.T. (parce que, par exemple, le seuil quantitatif de 10% ou 1.200.000 EUR n'est pas atteint) devra néanmoins être soustraite, tout au moins s'il s'agit d'immobilisations financières et non de placements de trésorerie (autres qu'en sociétés d'investissement donnant droit aux R.D.T.).
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La soustraction à opérer pourrait inciter certaines sociétés à préférer comptabiliser des actions et parts qui ne génèrent pas de dividendes (et qui dès lors ne réclament pas l'application des R.D.T.) en placements de trésorerie plutôt qu'en immobilisations financières, ce qui pose une fois de plus le problème du pouvoir du fisc à s'ériger en contrôleur de la juste application du droit comptable 1 .
Par ailleurs, la soustraction est opérée en présumant de manière irréfragable que les actions et parts concernées sont financées, par priorité, par des capitaux propres, et non par emprunts. Dès lors, une société qui emprunte pour acquérir une immobilisation financière verra sa base de déduction pour capital à risque s'effondrer...
Dans les deux cas, on prend en compte la valeur fiscale nette, et non la valeur comptable. Conformément au Com.I.R. (211/37) et à l'exposé des motifs (p. 12), la valeur fiscale nette d'actions ou parts de sociétés s'obtient, à partir de la valeur comptable, en déduisant les plus-values de réévaluation exonérées, mais sans qu'il ne faille y rajouter les réductions de valeur antérieurement comptabilisées, qu'elles aient été ou non admises.
- Différence positive entre la valeur comptable nette des éléments d'actif des établissements étrangers (hors actions et parts déjà déduites en vertu des soustractions précédentes) et les dettes et provisions imputables à ces établissements, lorsque les revenus de ces établissements sont exonérés en vertu de conventions préventives de la double imposition.
En d'autres termes, la quote-part des capitaux propres d'une société belge censée être affectée aux besoins des établissements étrangers est exclue du bénéfice de la déduction fiscale pour capital à risque.
Quid de la licéité de cette exclusion au regard du droit européen? Le principe de territorialité, admis par la Cour de Justice en tant que justification éventuelle de certaines restrictions fiscales au droit d'établissement, nous paraît pouvoir être invoqué à l'appui de la disposition belge2. Celle-ci a simplement pour effet de refuser une réduction d'impôt aux bénéfices étrangers qui, en vertu des conventions internationales, font l'objet d'une exonération pure et simple en Belgique3.
- Différence positive entre la valeur comptable des biens ou droits immobiliers (hors établissements étrangers déjà visés ci-dessus), et les dettes et provisions imputables à ces biens et droits, lorsque les revenus correspondants sont exonérés en vertu de conventions préventives de la double imposition.
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Ces deux soustractions visent également à éviter le cumul de deux avantages (exonération des revenus et déduction fiscale d'un pourcentage des capitaux propres censés produire lesdits revenus exonérés).
- Valeur comptable4 de certains biens: actifs corporels (ou partie de ceux-ci) dont les frais y afférents dépasseraient de manière déraisonnable les besoins professionnels, éléments détenus à titre de placement et qui par leur nature ne sont normalement pas destinés à produire un revenu périodique, biens ou droits immobiliers dont l'usage revient à des personnes physiques dirigeantes de la première catégorie ou à certains membres de leur famille.
L'exposé des motifs parle ici d'une disposition anti-abus, visant à éviter que l'on augmente artificiellement la base de calcul de la déduction pour capital à risque, en logeant...
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