Actualités en matière de taxe sur la valeur ajoutée

AuteurBruno de Duve
Occupation de l'auteurAvocat associé Allen & Overy LLP
Pages193-228

    Avertissement

    Les textes des Règlements et Directives cités, ainsi que les jugements de la Cour de Justice des Communautés Européennes, peuvent être trouvés sur le site www.europa.eu.int.

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I Introduction

Le pouvoir législatif en matière de TVA appartient au Conseil de l'Union européenne. Celui-ci, sur proposition de la Commission, adopte les directives en la matière.

Tel est, en tout cas, l'enseignement classique.

En réalité, il existe un deuxième législateur, caché celui-là, car non doté de pouvoir législatif par le Traité : la Cour de Justice des Communautés Européennes («CJCE») qui, au-delà de son rôle d'interprétation du droit, en arrive bien souvent à faire oeuvre de création des règles de droit par ses interprétations parfois déroutantes.

C'est pourquoi je vous propose, dans ce sommaire d'actualités, de passer en revue non seulement l'oeuvre du Conseil, mais également la jurisprudence de la Cour.

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II Le travail du conseil

Le 17 octobre 2005, le Conseil a adopté le Règlement (CE) n° 1777/20051 portant mesures d'exécution de la Directive 77/388/CEE relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (la «Sixième Directive TVA»).

Cette oeuvre législative du Conseil constitue, en soi, une curiosité.

En effet, conformément au Traité, le Conseil ne dispose, en matière de TVA, que du pouvoir de légiférer par voie de directives.

Cette manière de légiférer par voie de règlement a d'ailleurs fait l'objet de critiques de divers États membres alléguant d'une infraction à leur souveraineté fiscale.

Le Conseil, quant à lui, se justifie comme suit. Dans sa proposition de Directive du 10 juin 20032 modifiant la Sixième Directive TVA en ce qui concerne la procédure d'adoption de mesures dérogatoires ainsi que l'attribution de compétences d'exécution, la Commission Européenne a exprimé un regret qu'aucune avancée significative n'avait été faite depuis 1997 pour convertir le Comité TVA visé à l'article 29 de la Sixième Directive en un véritable organe réglementaire doté de pouvoirs permettant de trancher entre les différentes opinions émises par les États membres au sujet de l'application de telle ou telle règle de la Sixième Directive TVA.

Ainsi en était-il notamment en ce qui concerne les règles qui régissent le lieu de fourniture des biens et des services, l'application non uniforme de ces règles conduisant à une double imposition ou à une non imposition dans le cas d'échanges transfrontaliers.

Voilà, en effet, une étrange façon d'aboutir à l'objectif poursuivi par la Sixième Directive TVA, à savoir l'établissement d'un système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

La conversion du Comité TVA en un organe réglementaire a fait long feu et la Commission a donc retiré sa proposition initiale, mais ne s'est pas avouée vaincue.

En effet, par voie de directive3, le texte de l'article 29 de la Sixième Directive TVA a été complété par un article 29bis libellé comme suit:

«Mesures d'application

Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, arrête les mesures nécessaires à l'application de la présente directive».

La visée de l'article 29bis est claire: arrêter les mesures d'application de la Sixième Directive TVA, le moyen pour y parvenir est cependant sujet à caution.

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Le Règlement d'exécution de la Sixième Directive TVA

S'agissant d'un Règlement, les mesures d'application concernées entreront en vigueur sans qu'il soit nécessaire aux États membres de transposer ces mesures dans leur législation nationale.

La date d'entrée en vigueur est fixée au 1er juillet 2006, sauf pour la disposition concernant le calcul de la base d'imposition en cas de paiement par carte, qui entre en vigueur le 1er janvier 2006.

Les mesures d'exécution n'auront pas d'effet rétroactif. En effet, «Ces mesures... sont juridiquement contraignantes seulement à partir de la date d'entrée en vigueur du... règlement et ne préjugent pas de la validité de la législation et de l'interprétation adoptées antérieurement par les Etats Membres»4.

1. Objet

Le Règlement (CE) n° 1777/2005 porte mesures d'exécution des articles suivants:

- article 4 (notion d'assujetti);

- article 6 (prestation de services);

- article 9 (lieu des prestations de services);

- article 11 (base d'imposition);

- article 13 (exonérations intérieures);

- article 15 (exonérations des services liés au commerce international des biens);

- article 18 (déduction);

- article 26 ter (or d'investissement);

- article 26 quater (services électroniques à des personnes non assujetties);

- article 28 bis (champ d'application du régime intra-communautaire); et

- article 28 ter (lieu des opérations liées au régime intra-communautaire),

ainsi que de l'annexe L (énumération des services électroniques fournis à des non assujettis).

2. Le statut des Groupements d'Intérêt Économique Européens («GEIE»)

La poursuite de l'intégration du marché intérieur a renforcé la nécessité d'une coopération transfrontalière entre opérateurs économiques établis dans divers États membres, ainsi que le développement de GEIE constitués conformément au Règlement (CEE) n° 2137/85.

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La création des GEIE s'est inspirée des GIE d'origine française, permettant à des entreprises de mettre en commun une partie de leurs activités économiques, tout en restant indépendantes les unes des autres.

Le GEIE est conçu pour faciliter ou développer les activités économiques de ses membres ou pour bénéficier des économies d'échelle résultant d'une mise en commun de tout ou partie de leurs activités.

Le GEIE ne peut faire de profit pour lui-même, les profits s'il en existe devant être redistribués entre les membres.

De même, le GEIE ne peut constituer une entreprise indépendante de ses membres; il doit rester un auxiliaire de l'activité de ses membres.

Si les activités du GEIE peuvent se limiter à la mise en commun de frais (association de frais), rien n'empêche que le GEIE soit utilisé par différentes entreprises pour permettre de répondre à des fournitures de biens et de services dépassant les capacités de chacun de ses membres.

Sur le plan fiscal et sur le plan social, le GEIE est considéré par le Règlement (CE) n° 2137/85 comme transparent, en d'autres termes, inexistant.

En matière de TVA, il n'existait cependant aucune règle particulière. Aussi, le traitement des GEIE était différent selon les États membres, et ce d'autant que les États membres pouvaient le considérer comme doté d'une personnalité juridique distincte de ses membres (partant, comme un assujetti distinct) ou non, auquel cas le principe de transparence s'appliquait également sur le plan de la TVA.

Une telle situation aboutissait à une véritable cacophonie !

Dotés, selon l'État membre, de personnalité juridique distincte, il appartenait aux GEIE d'exercer eux-mêmes le droit à déduction de la TVA grevant les biens et les services mis en commun, cependant que non dotés d'une telle personnalité juridique, ce droit à déduction ne pouvait être exercé que par leurs membres.

Ainsi, par exemple, un GEIE constitué dans un pays ne lui reconnaissant pas de personnalité juridique (et, partant, ne l'ayant pas doté d'un numéro de TVA) ne pouvait-il faire valoir son droit à déduction de la TVA en amont, pour les biens et les services qu'il avait acquis sur le territoire d'un autre État membre lui conférant bien une telle personnalité, son identification dans son pays d'origine faisant défaut pour obtenir une telle déduction.

Dans cette dernière hypothèse, les membres du GEIE ne pouvaient pas davantage y obtenir de droit à déduction, la facture n'étant pas établie à leur nom, mais au nom du GEIE. Dans certaines hypothèses donc, pas de déduction possible.

De même, en matière de commerce intracommunautaire de biens, doté de la personnalité juridique, il constituait cet assujetti à qui des biens étaient envoyés d'un État membre vers un autre État membre, pouvant bénéficier du régime desPage 199 acquisitions intracommunautaires. En l'absence d'une telle personnalité, seuls les membres du GEIE pouvaient prétendre à cette qualité, mais non le GEIE qui devait donc acquérir les biens aux conditions du marché local. Dans cette hypothèse donc, des possibilités de double imposition ou de non imposition.

Le Règlement (CE) n° 1777/2005 met fin à ce genre d'aberration.

Dorénavant, «le GEIE constitué conformément au Règlement (CEE) n° 2137/85, qui effectue à titre onéreux des livraisons de biens ou des prestations de services en faveur de ses membres ou de tiers est un assujetti au sens de l'article 4, paragraphe 1 de la Directive 77/388/CEE»5.

Cela résoudra-t-il tous les problèmes ?

Il y a lieu de craindre que non. En effet, nombre de GEIE ont été constitués entre des membres exerçant des activités ne permettant pas d'exercer de droit à déduction. Pour ceux-là, le fait de considérer le GEIE comme un assujetti distinct va créer une charge de TVA supplémentaire en raison de la valeur ajoutée par les membres du personnel affectés aux activités du GEIE...

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