Contrat de cession de fonds de commerce

AuteurEmmanuel De Wilde D’Estmael; Pierre Henfling; François Minon
Occupation de l'auteurAvocats
Pages53-131

Page 53

1. La vente

La cession de fonds de commerce s'analyse sur un plan juridique comme une vente, sauf bien entendu si la cession intervient à titre gratuit, hypothèse que nous n'aborderons pas dans cette partie de l'ouvrage. Il nous apparaît donc nécessaire, pour la bonne compréhension de la suite, de rappeler les principes qui soustendent l'existence d'un contrat de vente.

D'un point de vue juridique, la vente est un contrat consensuel par lequel une personne, le vendeur, transfert la propriété d'une chose à une autre personne, l'acheteur, moyennant un prix que cette personne s'engage à payer.

Le contrat est consensuel, ce qui signifie qu'il existe dès l'échange des consentements.

La rédaction d'un écrit n'est pas comme tel une condition de validité du contrat. La vente existe dès qu'il y a accord, même verbal sur la chose et sur le prix. Le contrat de vente est régi par les dispositions des articles 1582 à 1688 du code civil.

A Les éléments essentiels de la vente : le transfert de propriété et le prix
a) Le transfert de propriété

Dès qu'il y a échange de consentements, le transfert est immédiat sauf si les parties décident de le différer.

Les parties peuvent décider de différer le transfert de propriété par exemple jusqu'au paiement intégral du prix.

Conseil

Les clauses de réserve de propriété sont fréquentes et valables entre parties. Leur utilité est importante car elles permettent de limiter les risques au cas où le cessionnaire ne remplit pas ses obligations de paiement du prix. Page 54

b) Le prix

Il doit être certain et sérieux et consister en une somme d'argent (sinon, le contrat s'analyse en un échange et non en une vente).

Il doit être certain, c'est-à-dire au moins déterminable à l'aide des éléments objectifs se trouvant dans le contrat. A défaut, les auteurs considèrent qu'il n'y a pas de prix et donc pas de vente.

Il doit être sérieux, c'est-à-dire ni simulé ni dérisoire.

Un prix dérisoire vaut une absence de prix et donc une absence de vente. Le contrat peut éventuellement être requalifié de donation indirecte.

Ajoutons qu'en principe, en matière mobilière, la lésion n'est pas une cause de nullité de la vente, ce qui signifie que si le prix est nettement inférieur à la valeur de la chose vendue, cet élément ne sera pas, en lui-même, de nature à remettre en question l'opération de vente.

B Conditions de validité

Pour que le contrat de vente soit valablement formé, un certain nombre de conditions de validité doivent être remplies.

a) Le consentement

Les consentements du vendeur et de l'acheteur sur le prix et la chose doivent se rencontrer.

Le principe de l'autonomie de la volonté ainsi consacré connaît un certain nombre d'exceptions de type légal (violation de règles de droit public, des bonnes moeurs, interdiction du refus de vendre, règlement de certaines ventes) et conventionnel (prix imposé, concession, ...).

Le consentement existe indépendamment de la rédaction d'un écrit. Parfois cependant, l'exigence d'un écrit peut constituer soit une condition de validité d'un contrat (exemple : vente à tempérament), soit être utilisé à des fins probatoires ou encore de publicité. Page 55

Le consentement ne peut être vicié. L'existence d'un vice de consentement, c'est-à-dire violence, dol ou erreur, est susceptible de provoquer l'annulation de la vente.

Le dol suppose une manoeuvre d'une des parties incitant l'autre à contracter. La victime de telle manoeuvre peut demander l'annulation de la vente et la restitution totale du prix payé.

Le dol est défini comme une tromperie commise dans la conclusion du contrat. Il suppose des manoeuvres d'une des parties incitant l'autre à contracter, telles que le mensonge, la production de documents que l'on sait inexacts, la réticence, c'est-à-dire la dissimulation volontaire de certains éléments sachant que, s'ils étaient révélés, l'autre partie s'abstiendrait de conclure.

Ont été jugés constitutifs de dol :

- le fait pour le cédant de cacher au cessionnaire que le droit d'occupation des lieux était juridiquement précaire au moment de la cession, en raison d'une décision judiciaire13;

- le fait pour le cédant de ne pas révéler que des licences de transport étaient incessibles14.

Attention

L'erreur sur la substance de la chose vendue ne doit pas être confondue avec la non conformité de la chose livrée ni avec le vice caché dans la chose livrée.

L'erreur sur la substance de la chose, qui entraîne la nullité du contrat, est l'erreur qui porte sur tout élément ou sur toute qualité de la chose qui a déterminé principalement la partie à contracter, de telle sorte que, sans cet élément ou sans cette qualité, le contrat n'aurait pas été conclu.

Exemple

L'erreur a été retenue dans une cession de fonds de commerce car le cessionnaire entendait acheter un dancing qui, au jour de la cession, répondait à toutes les exigences administratives requises, ce qui était loin d'être le cas (Mons, 28 février 1989, Pas. II, p. 221). Page 56

L'action en nullité se prescrit par dix ans à dater de la découverte de l'erreur.

b) La capacité

Conformément à l'article 1123 du code civil, «toute personne peut contracter, si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi». L'article 1124 précise : «les incapables de contracter sont : les mineurs, les interdits et généralement tous ceux à qui la loi interdit certains contrats».

Nous n'aborderons pas, dans cette partie, l'examen important des restrictions et exigences apportées par le régime matrimonial des parties à la liberté de transmission. Nous renvoyons les lecteurs auprès des conseils avisés de leur notaire, avocat, ...

Enfin, que se passe-t-il si, entre la conclusion de l'accord et la date du paiement, une partie vient à décéder ? Sans entrer dans les détails de la matière, les héritiers succèdent au défunt dans ses droits et ses obligations, sauf renonciation de la succession ou acceptation sous bénéfice d'inventaire. Le cas échéant, il leur reviendra d'exécuter la convention : délivrer la chose pour le vendeur et payer le prix de vente pour l'acheteur.

c) L'objet

Conformément aux articles 1129 et suivants du code civil, la vente doit avoir pour objet une chose dans le commerce qui existe ou est susceptible d'exister, est déterminée (quant à son espèce) ou déterminable, dont le vendeur est le propriétaire (article 1599). A défaut, la vente est frappée de nullité.

Le vendeur doit être propriétaire de la chose mais il est possible de vendre une chose d'autrui en...

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