Les autres infractions de type financier
Auteur | André-Pierre André Dumont; Jean Pierre Renard |
Occupation de l'auteur | Avocat et assistant , UCL; Avocat juge suppléant , Tribunal de Commerce de Nivelles |
Pages | 331-341 |
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796. Parmi les multiples infractions, nous n'en retiendrons que quelques-unes, soit parce qu'elles sont relativement récentes, soit parce qu'elles sont les plus fréquemment retenues.
797. Ces deux délits doivent être cités dans la mesure où ils constituent des délits «fourre-tout» reconnus quasi systématiquement par le parquet tant leur champ d'application est large.
798. L'abus de confiance est défini par l'article 491 du Code pénal qui stipule que :
Quiconque aura frauduleusement soit détourné, soit dissipé au préjudice d'autrui, des effets, deniers, marchandises, billets, quittances, et écrits de toute nature contenant ou opérant obligations ou décharges, et qui lui avaient été remis à la condition de les rendre ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé
.
799. La doctrine et la jurisprudence ont depuis longtemps unanimement affirmé qu'un administrateur de sociétés qui détourne des biens de celle-ci commet une infraction d'abus de confiance522. En effet, un administrateur de société est assimilé par la loi à un mandataire et l'abus de mandat constitue un des cas classiques d'abus de confiance523.
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Toutefois, la simple méconnaissance des règles du contrat de mandat ne suffit pas à engager la responsabilité pénale de l'administrateur. Encore faut-il qu'il ait frauduleusement «détourné ou dissipé» des biens524 au préjudice de la société. En effet, l'abus de confiance résulte d'un comportement de maître sur les biens, d'un «acte matériel d'interversion de la possession» : de possesseur précaire, l'agent devient possesseur véritable en s'affirmant propriétaire ou possesseur à un autre titre. Le détournement, la dissipation de biens révèlent cette volonté de se conduire comme seul propriétaire de biens et constitue ainsi l'élément matériel essentiel de l'infraction.
800. L'élément matériel précité a dû cependant être aménagé par la jurisprudence, l'usage abusif de biens sociaux pouvant se produire sans qu'il y ait d'acte matériel d'interversion de la possession. C'est ainsi que les cours et tribunaux ont été amenés à considérer que le détournement consiste également à «distraire un élément de l'actif de sa destination sociale en ne lui donnant pas l'usage et l'emploi qui devrait normalement être le sien»525. Cette tendance jurisprudentielle a subi de vives critiques doctrinales526. Néanmoins la jurisprudence récente a persévéré dans cette voie et n'hésite pas à reprendre expressément la qualification d'abus de biens sociaux. Citons ainsi un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles prononcé le 11 juin 1993 qui s'exprimait en ces termes :
Même s'il n'existe pas actuellement en droit pénal belge une infraction spécifique sanctionnant les abus de biens sociaux commis par un administrateur, il n'en reste pas moins que celui-ci se rend coupable d'abus de confiance au sens de l'article 491 du Code pénal, lorsqu'il détourne ou dissipe, au préjudice des associés ou de créanciers de la personne morale dont il gère les intérêts, les avoirs sociaux en les utilisant consciemment à des fins strictement privées ou, d'une manière plus générale, d'une manière radicalement contraire à l'objet social et à l'intérêt de cette personne morale
527.
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801. Il faut se garder de déduire ou même de présumer l'existence d'une infraction par la seule présence de «l'intention de se comporter en maître des biens». Pour qu'il y ait abus de confiance, l'intention frauduleuse est également requise.
Cette dernière, définie classiquement comme étant l'intention de procurer à soi-même ou à autrui un bénéfice illicite, résulte notamment de la circonstance qu'au moment du détournement, le prévenu ne pouvait, en raison du désordre de ses affaires, ignorer qu'il serait incapable de rembourser ce qu'il détournait et qu'il ne serait pas en mesure de s'en servir comme il était convenu528.
802. Malgré l'instauration dans notre arsenal législatif de l'infraction d'abus de biens sociaux529, l'abus de confiance continuera à être invoqué par le parquet indépendamment ou concomitamment avec l'infraction d'abus de biens sociaux dans la mesure où il s'agit de deux infractions différentes. La Cour de cassation a déjà eu l'occasion de l'affirmer530.
803. Le délit d'escroquerie est, quant à lui, défini à l'article 496 du Code pénal. Ce délit est réalisé lorsqu'un administrateur de société (comme toute autre personne) «dans le but de s'approprier une chose appartenant à autrui, se fera remettre ou délivrer des fonds, meubles, obligations, quittances, décharges, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manoeuvres frauduleuses pour persuader l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, pour faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre événement chimérique, ou pour abuser autrement de la confiance ou de la crédulité» de sa victime.
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Comme nous l'avons vu, le Code des sociétés reprend un certain nombre d'actes d'escroquerie en les précisant. Ainsi, l'article 649 CDS stipule que :
Seront considérés comme coupables d'escroquerie et punis des peines portées par le Code pénal, ceux qui auront provoqué soit des souscriptions ou versements, soit des achats d'actions, d'obligations ou autres titres de sociétés :
1. par simulation de souscription ou de versements à une société;
2. par la publication de souscription ou de versements qu'ils savent ne pas exister;
3. par la publication des noms de personnes désignées comme étant ou devant être attachées à la société à un titre quelconque alors qu'ils savent cette désignation contraire à la vérité;
4. par la publication de tout fait qu'ils savent être faux
.
L'idée est de protéger le candidat fondateur ou acquéreur contre la poudre aux yeux lancée par certains escrocs.
@L'abus de biens sociaux
@@Qu'est-ce que le délit d'abus de biens sociaux ?
803. L'article 492bis du Code pénal531 stipule que commettront un abus de biens sociaux «les dirigeants de droit ou de fait des sociétés commerciales et civiles ainsi que des associations sans but lucratif qui, avec une intention frauduleuse et à des fins personnelles, directement ou indirectement, ont fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage qu'ils savaient significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux de celle-ci et à ceux de ses créanciers ou associés».
Cette nouvelle infraction est très largement inspirée du droit français532.
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804. Les éléments de ce nouveau délit sont au nombre de quatre :
-
un usage de biens ou de crédits de la société;
-
par ses dirigeants de droit ou de fait;
-
cet usage...
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