Arrêt Nº281898 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 15/12/2022

Writing for the CourtDE WREEDE C.
Judgment Date15 décembre 2022
Procedure TypeAnnulation
Judgement Number281898
CCE X - Page 1
281 898 du 15 décembre 2022
dans l’affaire X / VII
En cause :
X
Ayant élu domicile :
au cabinet de Maître E. DESTAIN
Avenue Louise, 251
1050 BRUXELLES
contre:
l'Etat belge, représenté par la Secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration
LE PRÉSIDENT F.F. DE LA VIIE CHAMBRE,
Vu la requête introduite le 11 juillet 2022, par X, qui déclare être de nationalité algérienne, tendant à la
suspension et l’annulation de la décision de rejet d'une demande d'autorisation de séjour fondée sur
l’article 9 bis de la Loi et de l'ordre de quitter le territoire, tous deux pris le 10 juin 2022.
Vu le titre Ier bis, chapitre 2, section IV, sous-section 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au
territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, dite ci-après « la Loi ».
Vu la note d’observations et le dossier administratif.
Vu l’ordonnance du 14 novembre 2022 convoquant les parties à l’audience du 6 décembre 2022.
Entendu, en son rapport, C. DE WREEDE, juge au contentieux des étrangers.
Entendu, en leurs observations, Me C. SAMRI loco Me E. DESTAIN, avocat, qui comparaît pour la partie
requérante, et Me E. BROUSMICHE loco Mes S. MATRAY, C. PIRONT, , avocat, qui comparaissent pour
la partie défenderesse.
APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT :
1. Faits pertinents de la cause
1.1. Le requérant déclare être arrivé en Belgique en 2011.
1.2. Le 5 octobre 2021, il a introduit une demande d’autorisation de séjour sur la base de l’article 9 bis de
la Loi, laquelle a été déclarée recevable.
1.3. En date du 10 juin 2022, la partie défenderesse a pris à son égard une décision de rejet de la demande
visée au point 1.2. du présent. Cette décision, qui constitue le premier acte attaqué, est motivée comme
suit :
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« MOTIFS : Les motifs invoqués sont insuffisants pour justifier une régularisation.
L’intéressé déclare être arrivé en Belgique début 2011 avec un passeport, clandestinement. Il mentionne
qu’il n’a jamais introduit de procédure en Belgique. Il n’a sciemment effectué aucune démarche à partir
de son pays d’origine en vue d’obtenir une autorisation de séjour. Il n’allègue pas qu’il aurait été dans
l’impossibilité, avant de quitter l’Algérie, de s’y procurer auprès de l’autorité compétente les autorisations
nécessaires à son séjour en Belgique. Bien que l’illégalité de son séjour ne constitue pas en soi un
obstacle à l’introduction d’une demande d’autorisation de séjour sur la base de l’article 9bis de la loi du
15 décembre 1980, notons que le requérant s’est mis lui-même dans une situation de séjour illégal et
précaire, en sorte qu’il est à l’origine du préjudice qu’il invoque en cas d’éloignement du territoire (Conseil
d’État, arrêt du 09-06-2004, n° 132.221 - CCE, arrêt de rejet 244699 du 24 novembre 2020).
Monsieur indique être dans une situation humanitaire urgente, qu’il décrit comme étant une situation
tellement inextricable qu’il ne peut être éloigné sans que cela n’entraîne une violation de l’un de ses droits
fondamentaux reconnus par la Belgique et que seul le séjour en Belgique pourrait y mettre un terme. En
se maintenant illégalement sur le territoire belge depuis 11 ans, l’intéressé s’est mis lui-même dans une
situation difficile et précaire. L’Office des Etrangers ne peut être tenu pour responsable de la situation
dans laquelle la partie requérante déclare se trouver. Il lui revenait de se conformer à la législation en
vigueur en matière d’accès, de séjour et d’établissement sur le territoire belge. Cet élément ne peut dès
lors justifier la régularisation du séjour de l’intéressé.
L’intéressé apporte une promesse d’embauche auprès de l’asbl « Racines et Herbes » datée du
08.09.2021. Il indique que les métiers du bois et de la construction/rénovation (bâtiment) se retrouvent
dans les différentes listes des fonctions critiques/en pénurie des différentes régions du pays. Notons
qu’une promesse d’embauche ne constitue pas un contrat de travail. Quand bien même, il sied de rappeler
que toute personne qui souhaite fournir des prestations de travail sur le territoire doit obtenir une
autorisation préalable délivrée par l’autorité compétente.
Tel n’est pas le cas de l’intéressé qui ne dispose d’aucune autorisation de travail. Dès lors, même si la
volonté de travailler est établie dans le chef de l’intéressé, il n’en reste pas moins que celui-ci ne dispose
pas de l’autorisation requise pour exercer une quelconque activité professionnelle. Cet élément ne peut
dès lors justifier la régularisation du séjour de l’intéressé.
Monsieur mentionne qu’une fois régularisé, il pourra être autonome financièrement. C’est louable de sa
part, néanmoins, nous ne voyons pas en quoi cet élément constituerait un motif de régularisation de
séjour.
Le requérant invoque la longueur de son séjour en Belgique depuis 2011 et en atteste, entre autres, par
des consultations au CHU Saint-Pierre en 2011, 2013, 2014, 2018, un hébergement à La Croix Rouge en
2018-2019, un hébergement au Samusocial entre 2018 et 2020, son bénévolat au sein de Citoyens du
Partage depuis le 10.06.2020, une aide du CPAS depuis le 22.03.2011, des paiements Stib en 2011,
2014, 2019, la consultation de Démocratie Plus depuis 2011, des lettres de soutien attestant de sa
présence depuis 2014, 2016, 2021. Il invoque également son intégration sur le territoire attestée par des
lettres de soutien d’amis, de connaissances, ses intérêts sociaux et économiques, ses attaches
développées, ses liens sociaux créés, sa volonté de travailler et le fait d’avoir travaillé, sa promesse
d’embauche, le fait d’être titulaire d’un certificat d’aptitude professionnelle du premier degré en menuiserie
générale et d’avoir de l’expérience dans ce domaine, le fait d’avoir continué à approfondir son expérience
sur divers chantiers en Belgique, ses compétences en plomberie, carrelage, peinture et bâtiment, son
bénévolat au sein de plusieurs asbl dont Racines et Herbes (petits travaux de menuiserie et de peinture)
et Citoyens du Partage (fonctions de gestion et d’organisation des dons, de distribution,
d’accompagnement et de logistique), sa consultation de Démocratie Plus en vue de rechercher des
renseignements aux fins d’obtention d’une régularisation.
Rappelons d’abord que le requérant est arrivé en Belgique sans autorisation de séjour, qu’il s’est
délibérément maintenu de manière illégale sur le territoire et que cette décision relevait de son propre
choix de sorte qu’il est à l’origine du préjudice qu’il invoque (Conseil d’Etat – Arrêt du 09-06-2004, n°
132.221).
Concernant plus précisément le long séjour de la partie requérante en Belgique, […] le Conseil considère
qu'il s’agit d’un renseignement tendant à prouver tout au plus la volonté de la partie requérante de
séjourner sur le territoire belge et ne tendant pas à l’obtention d’une régularisation sur place (CCE arrêt
75.157 du 15.02.2012).
Le Conseil rappelle que ce sont d'autres événements survenus au cours de ce séjour qui, le cas échéant,
peuvent justifier une régularisation sur place (CCE, arrêt n° 74.314 du 31.01.2012). La longueur du séjour
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est une information à prendre en considération mais qui n’oblige en rien l’Office des Etrangers à
régulariser sur place uniquement sur ce motif. En effet, d’autres élément s doivent venir appuyer celui-ci,
sans quoi, cela viderait l’article 9bis de sa substance en considérant que cet élément à lui seul pourrait
constituer une justification à une régularisation sur place.
Soulignons que le Conseil du Contentieux des Etrangers a déjà jugé que « s’agissant en particulier de la
longueur du séjour et de l’intégration du requérant, force est d’observer que la partie défenderesse a
exposé les raisons pour lesquelles elle a considéré, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, que
chacun des éléments d’intégration invoqués ne suffisait pas à justifier la «régularisation» de la situation
administrative du requérant. Le contrôle que peut exercer le Conseil sur l’usage qui est fait de ce pouvoir
ne peut être que limité : il ne lui appartient pas de substituer sa propre appréciation des faits à celle de
l’autorité compétente dès le moment où il ressort du dossier que cette autorité a procédé à une
appréciation largement admissible, pertinente et non déraisonnable des faits qui lui sont soumis, ce qui
est le cas en l’espèce. » (CCE, arrêt n° 232 802 du 19 février 2020). Partant, un long séjour en Belgique
n’est pas en soi une cause de régularisation sur place.
Ajoutons que le fait de s’intégrer dans le pays où l’on se trouve est une attitude normale de toute personne
qui souhaite rendre son séjour plus agréable. Les relations sociales et les autres éléments d'intégration
ont été établis dans une situation irrégulière, de sorte que l'intéressé ne pouvait ignorer la précarité qui en
découlait.
Selon un principe général de droit que traduit l’adage latin « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans
», personne ne peut invoquer sa propre faute pour justifier le droit qu’il revendique (Liège (1ère ch.), 23
octobre 2006, SPF Intérieur c. STEPANOV Pavel, inéd.,2005/RF/308). Le Conseil rappelle que bien que
l'illégalité du séjour ne constitue pas en soi un obstacle à l'introduction d'une demande de séjour sur la
base de l'article 9bis de la loi du 15 décembre 1980, rien n'empêche la partie défenderesse de faire
d'emblée le constat, du reste établi en fait, que le requérant s'est mis lui-même dans une telle situation de
sorte qu'il est à l'origine du préjudice qu'il invoque en cas d'éloignement du territoire, pour autant toutefois
qu'elle réponde par ailleurs, de façon adéquate et suffisante, aux principaux éléments soulevés dans la
demande d'autorisation de séjour (CCE, arrêts n°134 749 du 09.12.2014, n° 239 914 du 21 août 2020).
Le choix de la partie requérante de se maintenir sur le territoire […] ne peut dès lors fonder un droit à
obtenir une autorisation de séjour sur place. Le Conseil du Contentieux estime que l’Office des Etrangers
n'a aucune obligation de respecter le choix d'un étranger de s'établir en Belgique, l'écoulement du temps
et l'établissement des liens sociaux d'ordre général ne peuvent fonder un droit de celui -ci à obtenir
l'autorisation de séjourner en Belgique (CCE, arrêt n°132 984 du 12/11/2014). Il importe de rappeler que
la loi du 15 décembre 1980 est une loi de police qui fixe les conditions pour l’entrée et le séjour des
étrangers sur leur territoire, dès lors rien ne s’oppose à ce que les Etats fixent des conditions pour l’entrée
et le séjour des étrangers sur leur territoire ; qu’en imposant aux étrangers, dont le séjour est devenu
illégal de leur propre fait, de retourner dans leur pays d’origine, le législateur entend éviter que ces
étrangers puissent retirer un avantage de l’illégalité de leur situation et que la clandestinité soit
récompensée ; que rien ne permet de soutenir que cette obligation serait disproportionnée (C.E.- Arrêt
n°170.486 du 25 avril 2007). Il n’est donc demandé au requérant que de se soumettre à la Loi, comme
tout un chacun.
Quant à son intégration, l’intéressé ne prouve pas qu’il est mieux intégré en Belgique que dans son pays
d’origine où il est né et a vécu 40 ans. Il ne prouve pas ne pas avoir de famille, d’amis ou d’attaches au
pays d'origine.
Rappelons que la charge de la preuve lui incombe, c’est en effet à lui de prouver que son ancrage est
plus important en Belgique qu’au pays d'origine (RVV 133.445 van 20.11.2014).
La longueur du séjour et l’intégration ne suffisent pas à justifier la « régularisation sur place » de la situation
administrative du requérant (CCE, arrêt n° 232 802 du 19 février 2020, CCE, arrêt 228 392 du 04
novembre 2019). Dès lors, le fait que le requérant soit arrivé en Belgique sans autorisation de séjour, qu’il
ait décidé de se maintenir illégalement en Belgique et qu’il déclare être intégré en Belgique ne constitue
pas un motif de régularisation de son séjour (CCE arrêts n° 129 641, n° 135 261, n° 238 718 du 17 juillet
2020, n° 238 717 du 17 juillet 2020).
L’intéressé déclare que ses intérêts familiaux, sociaux et économiques tombent dans le champ
d’application de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme relatif à la vie privée et
familiale. Notons qu’il n’indique pas avoir de la famille en Belgique et n’apporte pas la preuve qu’il aurait
de la famille en Belgique.
Toutefois, notons que ces éléments ne sont pas de nature à justifier l’octroi d’un titre de séjour de plus de
3 mois. En effet, l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, signée à Rome le 4
novembre 1950, ne vise que les liens de consanguinité étroits. Ainsi, la protection offerte par cette
disposition concerne la famille restreinte aux parents et aux enfants. Elle ne s’étend
qu'exceptionnellement (C.E, 19 nov. 2002, n° 112.671). Le Conseil rappelle que la jurisprudence de la

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