Arrêt Nº281109 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 30/11/2022
Writing for the Court | DE WREEDE C. |
Judgment Date | 30 novembre 2022 |
Procedure Type | Annulation |
Judgement Number | 281109 |
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n° 281 109 du 30 novembre 2022
dans l’affaire X / VII
En cause :
X
Ayant élu domicile :
au cabinet de Maître P. HUBERT
Rue de la Régence 23
1000 BRUXELLES
contre:
l'Etat belge, représenté par la Secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration
LA PRÉSIDENTE F.F. DE LA VIIE CHAMBRE,
Vu la requête introduite le 26 avril 2021, par X, qui déclare être de nationalité rwandaise, tendant à la
suspension et l’annulation de l'ordre de quitter le territoire et de l’interdiction d’entrée, tous deux pris le
19 mars 2021.
Vu le titre Ier bis, chapitre 2, section IV, sous-section 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au
territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, dite ci-après « la Loi ».
Vu l’ordonnance portant détermination du droit de rôle du 4 mai 2021 avec la référence X.
Vu la note d’observations et le dossier administratif.
Vu l’ordonnance du 8 mars 2022 convoquant les parties à l’audience du 26 avril 2022.
Entendu, en son rapport, C. DE WREEDE, juge au contentieux des étrangers.
Entendu, en leurs observations, Me P. HUBERT, avocat, qui comparaît pour la partie requérante, et Me
G. VAN WITZENBURG loco Me F. MOTULSKY, avocat, qui comparaît pour la partie défenderesse.
APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT :
1. Faits pertinents de la cause
1.1. Le requérant déclare être arrivé pour la dernière fois en Belgique le 5 juin 1994.
1.2. Il a ensuite introduit une demande de protection internationale, diverses demandes d’autor isation de
séjour fondées sur les articles 9, alinéa 3, ancien, ou 9 bis de la Loi et plusieurs demandes de
regroupement basées sur les articles 10, alinéa 1er, 4°, et 12 bis de la Loi, dont aucune n’a eu une issue
positive.
1.3. Par un courrier recommandé daté du 19 décembre 2019, la partie défenderesse a envoyé un
questionnaire « Droit d’être entendu » au requérant.
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1.4. En date du 19 mars 2021, la partie défenderesse a pris à l’égard du requérant un ordre de quitter le
territoire. Cette décision, qui constitue le premier acte attaqué, est motivée comme suit :
« MOTIF DE LA DECISION :
L’ordre de quitter le territoire est délivré en application des articles suivants de la loi du 15 décembre 1980
sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et sur la base des faits
et/ou constats suivants :
Article 7, alinéa 1er :
□ 1° s’il demeure dans le Royaume sans être porteur des documents requis par l’article 2 : l’intéressé
n’est pas en possession d’un passeport valable du Rwanda, qui est revêtu d’un visa valable.
□ 3° si, par son comportement, il est considéré comme pouvant compromettre l’ordre public
: l’intéressé a été condamné pour génocide à 20 ans d’emprisonnement le 8 juin 2001 par la Cour
d’Assises (Cour d’Appel) de Bruxelles. Il a été mis sous bracelet électronique du 5 novembre 2007
jusqu’au 17 janvier 2020 (fin de peine).
Dans l’exposé des faits du jugement du 8 juin 2001 en cause de l’intéressé, les éléments suivants ont été
repris :
« [...] Les faits reprochés à [A.H.] se situent lors des événements au Rwanda en avril - juillet 1994 et sont
divisés en trois catégories, reflétant ainsi trois visages de l'accusé, à savoir l'homme de pouvoir
politiquement engagé qui par des écrits a provoqué et instigué aux massacres, l’industriel qui dans le
cadre de son usine engagera de nombreux membres des Interahamwe et d’autres individus qui se
rendront coupables de massacres et enfin l’homme privé qui agit dans sa région d'origine. [...] [L'intéressé]
tente dans ce dossier de se présenter comme un cadre apolitique de la fabrique qu'il [dirigeait] [...], alors
que l'enquête révélera qu’il n'en était rien, bien au contraire. Il faut d’ailleurs replacer les différents écrits
dans le contexte général et tenir compte de la personnalité de l’accusé [...] pour se rendre compte qu’[H.]
était extrêmement engagé politiquement et avait des opinions très tranchées, très ethniques et
ouvertement anti-tutsies. [...]
[L’intéressé] était de ceux qui avaient tout obtenu grâce au régime Habiyarimana et qui risquaient de tout
perdre en cas de bouleversement ou de modification de l’organisation politique de la société rwandaise.
[...]
Huit mois avant la signature des accords d'Arusha, [l’intéressé] menace de combattre ce qui est en train
de se préparer: " le gouvernement de transition tel que conçu dernièrement à Arusha ne devrait pas voir
le jour, quel qu’en puisse être le dérapage mais naturellement contrôlé ". [...]
Le ‘comité directeur des fonctionnaires affectés à Butare et adhérant au MNRD’ visait à organiser les
fonctionnaires de Butare dont on pouvait penser qu’ils seraient fidèles au régime Habiyarimana, a dit
[A.H.]. [...] C’est [A.H.] qui présidait la commission politique de ce comité. Il doit donc être considéré
comme responsable des écrits rédigés au sein de cette commission [...]. On peut notamment lire dans ce
rapport que " les extrémistes Tutsis, assoiffés de pouvoir, continuent leur route pour parachechever [sic]
le coup d’Etat véhiculé par les accords d’Arusha ... il est indispensable et plus qu’urgent d’organiser une
défense collective ...ce délai devrait permettre aux Hutus de faire, jusqu'à l’obtention de gain de cause,
une véritable manifestation de force...”. [...]
Un troisième document porte le titre ‘Suggestions émises par la Commission politique du comité directeur
des fonctionnaires affectés à Butare et adhérant au MNRD' [...]. On peut y lire "... il est impératif que
l’union des Hutus se fasse à tous les niveaux pour barrer la route aux Tutsis assoiffés de pouvoir... le
comité national du MNRD doit ... s’attacher à la réunification des Hutus de tous les partis
politiques en vue de barrer la route au coup d’état civil d'Arusha ... à cet effet, tous les moyens sont bons
car il en va de la survie de cette ethnie ... renforcer l'union des Hutus et leur auto-défense collective, tous
partis confondus.” [...]
Le quatrième document est une lettre adressée par [l'intéressé] à son directeur technique [...]. Les termes
qui d’emblée frappent dans cette lettre se trouvent entre guillemets [...]. Il s'agit d’une part du terme
‘’travailler” et d’autre part du terme "nettoyage”. [...] Il est extrêmement important de constater que pendant
le génocide plusieurs responsables politiques et militaires [...] utiliseront ces termes qui à cette époque et
dans ce contexte ne signifiaient rien d’autre que "tue r” et "exterminer” les Tutsis et les Hutus modérés.
[...] Lorsque l’on tient compte de la personnalité de l’accusé [...], de sa place dans la société rwandaise,
de son statut et de son impact, du fait qu’il était un proche du Président Habiyarimana et un membre de
l’Akazu et lorsque l’on connait le système spécifique rwandais de la hiérarchie sociale, il est évident que
dans la région de Butare de tels écrits, émanant d’un tel personnage, avaient un impact décisif.
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