Arrêt Nº133807 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 25/11/2014

Judgment Date25 novembre 2014
CourtVe CHAMBRE (Conseil du Contentieux des Etrangers)
Judgement Number133807
Procedure TypePlein contentieux
CCE
x
-
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133 807
du 25 novembre
dans l’affaire
x
En cause
:
x
alias
x
x
x
-
x
-
x
ayant élu domicile
:
x
contre :
le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides
LE PRÉSIDENT F.F. DE LA VE CHAMBRE,
Vu la requête introduite
le 7
février
2013 par
x
alias
x
,
x
alias
x
,
x
et
x
, qui déclare
nt
être de
nationalité
djiboutienne, contre les
d
écisions du Commissaire
général aux réfugiés et aux apatrides, prise
s
le
10
janvier
2013.
Vu l’article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980 sur
l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et
l’éloignement des étrangers.
Vu le dossier administratif et la note d’observations.
Vu l’ordonnance du 3
septembre
2014 convoquant les parties à l’audience du 22
octobre
2014.
Entendu, en son rapport,
B. LOUIS, juge au contentieux des étrangers.
En
tendu, en leurs observations, les
partie
s
requérante
s
assistée
s par Me
S.
SAROLEA, avocat, et Y.
KANZI
, attaché, qui compara
ît pour la partie défenderesse.
APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT
:
1. Les
acte
s
attaqué
s
Le recours est dirigé contre
deux
décision
s
de refus du statut de réfugié et de refus du statut de
protection subsidiaire, pri
se
s
par le Commissaire
général aux réfugiés et aux apatrides
(ci
-
après
dénommé le Commissaire général)
;
L
a première
décision attaquée
est motivée comme suit
:
«
A. Faits invoqués
Le 23 décembre 2010, vous introduisez une première demande d'asile dans le Royaume.
A l'appui de cette demande, vous prétendez être de nationalité somalienne, être né à Marka et
appartenir au clan Wacaysle (
CCE
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Vous vivez à Qorioley et déclarez avoir fui votre pays après avoir eu des problèmes avec Al
-
Shabaab.
Le 24 mai 2011, le CGRA prend une décision de refus du statut de refugié et de refus du statut de
protecti
on subsidiaire.
Vous introduisez un recours contre cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers (CCE)
qui, dans un arrêt du 11 octobre 2011 (numéro 68.288) confirme la décision du CGRA.
Le 19 avril 2012, vous demandez l'asile pour la d
euxième fois dans le Royaume.
Vous prétendez que tout ce que vous avez dit lors de votre première demande d'asile n'est pas ce que
vous avez vécu. Vous auriez menti après avoir été mal conseillé à votre arrivée sur le territoire belge.
Selon vos déclar
ations lors de votre audition du 5 novembre 2012 dans le cadre de votre deuxième
demande d'asile, vous vous appelez
[
B
.
F
.
M
.]
, êtes de nationalité djiboutienne,
appartenez à l'ethnie
issa et êtes musulman.
Vous êtes sapeur
-
pompier et travaillez au port
autonome de Djibouti.
Vous n'êtes membre d'aucun parti politique ni d'aucune autre association
Depuis votre mariage, vous habitez à Djibouti Ville au quartier 7.
Votre père était capitaine et travaillait aux services secrets de l'armée djiboutienne.
Au mois de septembre 1998, il est arrêté et détenu durant 5 jours à la brigade criminelle puis pendant
un
mois à la prison de Gabode, soupçonné d'être impliqué dans une ten
tative de coup d'état. Après sa
sortie de prison, il est mis à l'écart de l'armée.
Suite à cela, vous allez vivre à Ali Sabieh.
En 2002, après avoir voyagé en Ethiopie à Dire Dawa, votre père est à nouveau interpellé et est écroué
durant 5 jours à la brigade criminelle.
Quelques mois plus tard, il est mis à la retraite de manière an
ticipée.
A la fin de l'année 2005, vous retournez vivre à Djibouti Ville à la Cité Hodan. Votre père est encore
arrêté au cours de cette année 2005 et détenu à la brigade criminelle durant 10 jours.
Le 10 juin 2007, votre père décède des suites des tor
tures qu'il a subies en prison.
Après la mort de votre père, vous êtes, vous
-
même, arrêté, soupçonné de détenir des informations
concernant le dossier de votre père. Cette interpellation a lieu durant le mois de septembre 2007, un
mois après votre retour
d'Ethiopie où vous êtes allé visiter votre grand
-
père. Vous êtes amené à la
brigade d'Ambouli, détenu pendant 10 jours puis relâché.
Durant l'année 2008, vous avez un contact téléphonique avec Monsieur
[A. I. A.]
, membre du
Gouvernement en Exil de Djibo
uti, qui avait été, comme votre père, mis en cause, dans la tentative de
coup d'état de 1998. Votre téléphone est sur écoute.
En juin 2009, vous êtes à nouveau arrêté, conduit et détenu à la brigade d'Ambouli pendant 10 jours.
Les forces de l'ordre vous
reprochent de détenir des informations de votre père et de votre beau
-
père,
ancien officier de la gendarmerie djiboutienne assassiné en septembre 2002 ainsi que votre coup de fil
à
Monsieur
[A. I. A.]
.
Quelques temps plus tard, vous recevez des menaces v
erbales d'hommes appartenant aux forces de
l'ordre qui passent à votre travail et vous téléphonent.
Au mois de mai 2010, vous êtes licencié de votre travail.
Compte tenu de cette situation, le 5 novembre 2010, vous embarquez, avec votre femme
[R. M. M
.]
alias
[M. M. A.]
(d
ossier CG
) et votre fille,
dans un avion à destination de la Belgique, munis de vos
passeports nationaux.
CCE
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B. Motivation
Après avoir analysé les nouveaux éléments que vous invoquez à l'appui de votre deuxième demande
d'asile, le C
GRA n’est toujours pas convaincu que vous avez quitté votre pays ou que vous en
demeurez
éloigné en raison d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève
ou en raison
d’un risque réel d’encourir des atteintes graves telles que défin
ies dans le cadre de la
protection
subsidiaire.
Plusieurs éléments affectent sérieusement la crédibilité de vos déclarations.
Force est tout d'abord de constater que vous avez clairement tenté de tromper les autorités
belges quant aux motifs pour lesqu
els vous avez fui votre pays lors de votre première demande
d'asile. En effet, lors de cette demande, vous aviez dit vous appeler
[M. B.]
, être de
nationalité
somalienne, avoir vécu à Qorioley en Somalie et avoir eu des problème avec le groupe
Al
-
Shabaab
dans ce pays alors que selon vos déclarations lors de votre deuxième demande,
vous
dites vous appeler
[B. F.M.]
et être de nationalité djiboutienne (voir votre
audition le 5 novembre
2012 page 2). Vous ajoutez que vos problèmes sont liés à ceux de votre
re qui travaillait aux
services secrets de l'armée et a été mis en cause dans une affaire de coup
d'état en 1998 ainsi
qu'à ceux de votre beau
-
père, également militaire, qui détenait des
informations dans l'affaire du
juge Borrel assassiné en 1995
. Vous pr
écisez que tant votre père que
votre beau
-
père ont été tués
respectivement en juin 2007 et en 2002 (voir votre audition le 5 novembre
2012, pages 5, 6 , 7, 9, 10 et
11 et l'audition de votre épouse le 5 novembre 2012 pages 4, 6 et 7).
Interrogé quant aux
raisons pour lesquelles vous aviez menti de la sorte lors de votre première
demande, vous dites que vous avez été mal conseillé par une personne rencontrée en Belgique qui
vous a dit que si vous demandiez l'asile en tant que djiboutien, la situation allai
t s'aggraver pour vos
familles restées au pays parce que ce qui se dit lors de la procédure d'asile ne reste pas secret et est
transmis à l'Ambassade de Djibouti (voir votre audition du 5 novembre
2012 page 4 et votre lettre de
justification datant du 10 a
vril 2012). Cette justification ne peut tenir au vu de l'importance de votre
mensonge lors de votre première demande d'asile, d'autant plus que vous étiez conseillé, lors de cette
première demande, par un avocat qui aurait pu vous confirmer le caractère to
ut à fait confidentiel de
toute procédure d'asile introduite en Belgique. De plus, il n'est pas plausible non plus, si vous aviez
effectivement vécu les événements que vous relatez à Djibouti, que vous n'ayez pas tenté de rétablir la
vérité au cours de la
procédure d'asile qui a duré environ dix mois comme par exemple lors de
l'audience au CCE, instance auprès de laquelle vous avez introduit un recours contre la décision du
CGRA ou du moins au cours des mois qui ont suivi la notification de l'arrêt du CCE.
En effet, vous avez
introduit votre deuxième demande d'asile plus de six mois après la clôture de votre première demande
d'asile le 11 octobre 2011. Interrogé à ce propos, vous dites que vous cherchiez Monsieur
[A. I. A.]
et
que vous ne l'avez trouvé qu'en
mars 2012, raison pour laquelle vous avez introduit votre demande
au
mois d'avril 2012, ce qui ne peut expliquer, à lui seul, ce long délai, durant lequel vous avez menti sur
votre nationalité, votre identité et les motifs de votre venue en Belgique (voir
votre audition du 5
novembre 2012 page 10). Ce comportement n'est pas compatible avec l'attitude d'une personne qui
craint pour sa vie et sa liberté en cas de retour dans son pays.
Deuxièmement, le CGRA relève deux contradictions importantes entre votre
récit et celui de
votre épouse lors de vos auditions au CGRA le 5 novembre 2012
.
Ainsi, vous déclarez, dans un premier temps, lors de votre audition au CGRA, avoir été arrêté au mois
de juin 2009, en présence de votre épouse et avoir été écroué à la bri
gade d'Ambouli durant dix jours
(voir audition du 5 novembre 2012 page 8). Votre épouse déclare, quant à elle, lors de son audition le
même jour, qu'en 2009, vous n'avez été retenu à la brigade que jusqu'à la nuit et que vous n'avez pas
logé à cet endroit
(voir l'audition de votre épouse le 5 novembre 2012 page 5). Lorsqu'il est demandé à
votre épouse si elle est bien sûre que vous n'avez pas dormi à la brigade en 2009, elle ne répond pas à
la question et explique qu'elle était en début de grossesse à ce mo
ment et qu'elle était malade (voir
audition de votre épouse page 6). Votre épouse est alors confrontée à la contradiction mais ne peut
apporter aucune explication pertinente afin de se justifier, se contentant de dire qu'elle ne sait pas, ce
qui est tout à
fait invraisemblable dès lors qu'elle vivait avec vous à ce moment
-
là (voir audition de votre
épouse page 6). Suite à cela, après la pause, vous changez votre version des faits et dites qu'en juin
2009, vous avez été détenu un jour à la brigade, que vous
avez été ensuite relâché mais que vous avez
dû vous rendre à la brigade tous les jours durant 10 jours pour "pointer", ce qui est tout différent de ce
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que vous aviez dit précédemment (voir votre audition page 11). Vous rectifiez donc clairement votre
versi
on afin de la rendre conforme à celle de votre épouse après concertation avec cette dernière, ce
qui
jette un discrédit sur la réalité de votre emprisonnement au mois de juin 2009.
De plus, quand il vous est demandé si votre épouse a reçu, comme vous, de
s menaces, vous répondez,
dans un premier temps, par la négative, prétendant qu'elle restait toujours à la maison et qu'on lui a
juste
donné des coups lors de votre arrestation en 2009 (voir audition du 5 novembre 2012 page 8) puis,
lorsque la question vou
s est posée une nouvelle fois, vous dites que vous ne savez pas (voir audition du
5 novembre 2012 page 9), ce qui est tout à fait invraisemblable dès lors que vous viviez avec elle à
cette
période. En tout état de cause, votre épouse, lors de son audition,
a déclaré le contraire. Elle
mentionne
que depuis 2006 jusqu'à son départ du pays, elle a reçu régulièrement des menaces
téléphoniques sur
son portable (voir l'audition de votre épouse le 5 novembre 2012 page 5), versions
incompatibles s'il en
est. Confro
nté à cette contradiction, vous ne pouvez apporter aucune explication
(voir audition du 5
novembre 2012 page 11).
Troisièmement, le CGRA relève encore d'autres éléments qui le conforte dans sa conviction que
les faits que vous présentez devant lui, à l'a
ppui de votre deuxième demande d'asile, ne sont pas
ceux qui sont à l'origine de votre départ du pays
.
Ainsi, vous dites avoir connu des problèmes dans votre pays du fait des informations que vous
détiendriez de votre père et de votre beau
-
père, qui étai
ent tous les deux officiers dans l'armée (voir
audition du 5 novembre 2012 pages 7 et 8). Or, lorsqu'il vous est demandé quel type d'informations
vous
auraient communiquées votre père et votre beau
-
père, vous répondez de manière tellement vague
et
imprécis
e qu'il ne peut être ajouté foi à l'acharnement dont vous dites avoir fait l'objet à Djibouti de la
part de vos autorités nationales, motif principal de votre deuxième demande d'asile en Belgique.
Interrogé au sujet de ce que vous aurait transmis votre pèr
e, vous évoquez d'abord une affaire datant de
plus de 10 ans
-
d'avant 1998
-
à propos de laquelle vous ne savez donner que de maigres informations
à savoir que deux colonels dont vous citez les noms auraient été tués par les services secrets, sans
pouvoir
même préciser l'année de leur mort. Vous parlez ensuite du juge Borrel assassiné en 1995 dont
vous dites uniquement qu'il avait des dossiers lourds vis
-
à
-
vis de l'Etat (voir audition du 5 novembre
2012 page 10). Quant à votre beau
-
père dont vous prétende
z qu'il détenait également des informations
dans l'affaire Borrel, vous ne pouvez donner aucune précision à ce sujet, prétendant que c'est votre
femme qui sait cela (voir audition du 5 novembre 2012 page 9). Au v
u de ce qui précède, le CGRA ne
peut donc pa
s croire que vous seriez recherché dans votre pays parce que vous détiendriez des
informations de votre père et de votre beau
-
père, d'autant plus, que votre femme, lors de son audition, a
également affirmé ne pas savoir quelles preuves avait son père dans
l'affaire du juge français assassiné
(voir l'audition de votre femme le même jour page 7), affaire qui, en outre, a été largement médiatisée et
portée devant les tribunaux français. Les principaux protagonistes sont d'ailleurs en exil en Europe
depuis long
temps et ils ont déjà révélé les dessous de l'affaire (voir informations jointes au dossier).
En outre, le fait que, selon vos déclarations, vous avez voyagé légalement, muni de votre propre
passeport national, tout comme votre épouse, confirme encore l'
absence de crainte dans votre chef lors
de votre départ de Djibouti (voir audition du 5 novembre 2012 page 9).
Quatrièmement, votre épouse invoque également, lors de son audition, craindre que votre fille
soit excisée en cas de retour à Djibouti
(voir l'
audition de votre épouse le 5 novembre 2012 page 7),
crainte que vous n'évoquez pas spontanément lors de votre audition. Lorsque la question vous est
posée directement, vous répondez par l'affirmative et prétendez que la menace vient de votre mère (voir
vo
tre audition du 5 novembre 2012 page 12). Vous dites que vous aviez déjà évoqué cela lors de votre
première demande d'asile (voir audition du 5 novembre 2012 page 12). Or, lors de cette première
demande, vous aviez précisé que votre mère était contre l'exc
ision (voir audition du 17 mai 2011 page
14 et l'audition de votre épouse le même jour page 15). Confronté à cette nouvelle divergence, vous ne
donnez aucune explication, vous contentant de dire que vous étiez traumatisé, en souffrance (voir votre
audition
du 5 novembre 2012 page 12).
Toujours concernant cette crainte d'excision, si vous déclarez que votre fille devait être excisée à deux
ans (voir audition du 5 novembre 2012 page 12), votre femme prétend qu'elle devait être excisée à partir
de l'âge de t
rois ans (voir l'audition de votre épouse le même jour page 7). Confronté à cette
incohérence, vous dites finalement ne pas savoir exactement quand devait avoir lieu l'excision et
ajoutez
que cela se passe vers deux ou trois ans, quand l'enfant commence à
marcher, ce qui ne fait
qu'ajouter
de la confusion à vos déclarations (voir audition du 5 novembre 2012 page 12).
CCE
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Ensuite, vous ne pouvez donner quasi aucune information sur l'excision à Djibouti, ce qui n'est pas
crédible vu que vous avez un certain niv
eau d'instruction et que vous vous dites personnellement
concerné par le problème.
Ainsi, vous dites que, dans votre pays, l'excision est autorisée par la loi (voir audition du 5 novembre
2012 page 12) alors que ce n'est pas le cas selon les informations
à disposition du CGRA dont une
copie est jointe à votre dossier. Vous ne savez pas non plus, s'il existe, à Djibouti, des associations
auxquelles vous pourriez vous adresser dans votre combat pour ne pas faire exciser votre fille (voir
audition du 5 novem
bre 2012 page 13). Vous ignorez également si des efforts ont été entrepris dans
votre pays pour lutter contre les mutilations génitales féminines (voir audition du 5 novembre 2012
page
13).
En conséquence, vos déclarations quant à votre crainte de voir v
otre fille excisée en cas de retour à
Djibouti manquent de cohérence et ne peuvent donc suffire à vous reconnaître la qualité de réfugié.
En tout état de cause, à supposer cette crainte d'excision établie, quod non en l'espèce, il y a lieu de
constater q
ue divers efforts importants ont été accomplis à Djibouti depuis plusieurs années pour lutter
contre les mutilations génitales féminines (voir informations jointes à votre dossier).
En effet, bien que, selon les dernières données officielles, le taux de
prévalence varie entre 93 et 98%
selon les sources parmi les femmes de 15 à 49 ans, plusieurs articles de presse font également le
constat d’un mouvement de lutte contre les pratiques d’excision qui donne lieu à une diminution de la
prévalence ces dernière
s années.
Ainsi, selon Séverine Carillon et Véronique Petit, le mouvement débute à Djibouti dans les années 1980
[…] à l’initiative de l’Union Nationale des Femmes Djiboutiennes (UNFD), une organisation non
gouvernementale qui défend les droits des femme
s à Djibouti. S’y joignent progressivement des
organisations associatives. Cette impulsion est renforcée, en 1984, par la création du Comité National
de Lutte Contre les Pratiques Traditionnelles Néfastes, organe chargé de coordonner le mouvement.
Puis,
l’implication conjointe de la société civile, des autorités politiques (Ministères de la Santé, de la
Promotion de la Femme et des Affaires religieuses) et des acteurs internationaux de développement
(UNFPA, UNICEF) appuient la mobilisation.
Dans les ann
ées 1990, l’État djiboutien ratifie plusieurs conventions
internationales relatives à la
protection des droits des individus. Il met également en place un « Comité National de Lutte contre les
MGF » et formule, en 2006, une stratégie nationale pour l'aband
on de l'excision et de l'infibulation.
En février 2003, l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (OIF), dans le cadre de son
Programme Femmes et Développement, lance une campagne radiophonique pour l’abandon des
mutilations génitales féminines (M
GF) à Djibouti. Son objectif général est de sensibiliser les populations
sur les effets néfastes des MGF en vue de leur abandon.
En 2006, une enquête pilote sur la médecine scolaire préventive à Djibouti, réalisée auprès des fillettes
âgées de cinq à dix
ans, dans dix écoles primaires, montre une baisse sensible du taux de prévalence
des MGF et en particulier de l’infibulation. Reposant sur l’observation clinique de l’appareil génital des
fillettes, cette recherche révèle que presque 20 % des fillettes âg
ées de 13 ans n’ont subi aucune
mutilation dans le district de Djibouti.
Ce constat est également fait par le journal « La Nation », qui expose dans un article de février 2012,
que l’on observe un net recul de ces pratiques chez les jeunes filles de moin
s de 25 ans.
Sur le plan législatif, les mutilations génitales féminines sont interdites depuis 1995 par l’article 333 du
Code Pénal stipulant que « la violence imposée par les mutilations génitales est passible de cinq ans
d’emprisonnement et d’une amen
de d’un million de francs Djiboutiens ». Cependant, si les MGF sont
interdites depuis 1995 à Djibouti, aucune sanction pénale n'a jamais été prononcée.
Afin de pallier ce problème, l’Assemblée Nationale adopte en juin 2009 une nouvelle loi sur « la viole
nce
contre les femmes, en particulier les mutilations génitales féminines (MGF) », modifiant l’article 333 du
Code Pénal, en y incluant une définition des mutilations génitales féminines, des précisions sur la
CCE
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6
responsabilité pénale et les peines encourues
et la possibilité pour les organisations d'engager une
procédure en action civile et de dénoncer la violence contre laquelle les victimes elles
-
mêmes ne sont
pas en mesure de recourir en justice.
Le mouvement de lutte contre les MGF s'est poursuivi ces d
ernières années. En 2011, Le Ministère des
Affaires Musulmanes et des Biens Waqfs a lancé une série d'ateliers de sensibilisation sur l'abandon
total de toutes formes d'excision au profit des associations féminines des quartiers de Djibouti Ville.
En jui
llet 2011, les communautés de la capitale et des régions de l'Intérieur, sous le haut patronage de
la
première dame du pays, ont organisé au stade municipal leur première déclaration publique nationale
d'abandon de toutes formes d'excision.
Dans le cadre
de cette lutte, Djibouti a même dévoilé au mois de juin 2012 son premier guide destiné
aux imams des mosquées et aux prédicateurs qui souligne expressément que les MGF sont contraires
aux principes de l'islam
Au vu de ce qui précède, rien n'empêche de c
roire que vous ne puissiez trouver un soutien auprès de
certaines de ces associations luttant à Djibouti contre l'excision, soutenues par les autorités, si votre
mère venait effectivement à exercer des pressions à votre égard afin de faire exciser votre fi
lle en cas
de
retour au pays, d'autant plus que vous habitiez la capitale, avez un certain niveau d'éducation et que
votre épouse vous soutient dans votre démarche (voir audition du 5 novembre 2012 pages 2 et 3 et
l'audition de votre femme le même jour pag
e 7).
Cinquièmement, les documents que vous déposez à l'appui de vos assertions ne peuvent suffire
à rétablir la crédibilité de vos dires.
A l'appui de vos dires, vous déposez différents documents relatifs à votre identité et à celle des
membres de vot
re famille dont votre carte nationale d'identité, les actes de naissance de vos enfants et
votre acte de mariage ainsi que des documents relatifs à des formations que vous auriez suivies qui ne
peuvent être retenus dès lors qu'ils ne se rapportent pas aux
faits que vous invoquez à l'appui de votre
demande d'asile.
Le même constat peut être fait en ce qui concerne la photo de votre père et celle de votre beau
-
père.
Vous joignez aussi un document dont vous dites qu'il s'agit d'un tract, sans en
-
tête ni da
te ou nom de
son signataire, qui évoque la condamnation de votre père. A défaut de ces mentions essentielles, le
CGRA ne peut se prononcer quant à son authenticité. En tout état de
cause, ce tract fait uniquement
allusion à la condamnation de votre père à
six mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende
mais n'évoque nullement ses emprisonnements, sa mort ni les problèmes que vous auriez vécus
personnellement par la suite. Il est également à noter que, selon vos dires, il date de 1998 (voir audition
du
5 novembre 2012 page 4) soit d'il y a plus de 10 ans.
Quant à l'acte de de décès de votre beau
-
père, il ne s'agit que d'une copie difficilement lisible sur
laquelle ne figure nullement le motif du décès. Rien n'indique donc que votre beau
-
père soit décé
dans les circonstances que vous décrivez.
Vous déposez aussi votre dossier médical en Belgique, qui ne peut être pris en compte dans
l'appréciation de votre demande d'asile dès lors qu'il n'est nullement établi que les problèmes de santé
que vous avez
eus en Belgique soient liés aux faits que vous invoquez lors de votre audition au CGRA
le 5 novembre 2012.
Quant à l'attestation de Monsieur
[A. I. A.]
datant du 16 mars 2012, elle ne peut davantage être
retenue,
à elle seule, pour prendre une autre déc
ision au vu du manque de crédibilité général de votre
récit relaté
lors de votre deuxième demande d'asile et de votre tentative de fraude lors de votre première
demande
d'asile. Par ailleurs, ce témoignage ne fait pas mention des problèmes que vous auriez
eus à
subir
personnellement et individuellement après le décès de votre père et de beau
-
père. A ce sujet,
Monsieur
[
I
.]
n'émet que de simples suppositions en disant que vous auriez "eu très certainement à
souffrir et à
subir les conséquences des avanies et
tortures infligées " à vos parents, sans autre détail à
ce propos.
Vous joignez aussi un certificat médical établissant que votre épouse a été excisée (excision de type 2)
et que votre fille n'a pas subi de mutilation génitale féminine, attestations qui
ne peuvent pas non plus
CCE
x
-
Page
7
être prises en considération pour vous reconnaître la qualité de réfugié, au vu des arguments
développés ci
-
dessus.
Finalement, vous déposez également un article tiré d'Internet qui évoque la mort d'un certain
[M. M. N.]
dont vo
us dites qu'il s'agit de votre beau
-
père. Aucune information n'est disponible
quant au site d'où
provient cet article. Notons également que cet article ne donne aucun détail quant aux
circonstances de
la mort de cette personne et ne fait aucune allusion à
vous ni à votre épouse.
En conclusion, au vu de ce qui précède, le CGRA est dans l’impossibilité d’établir qu'à l'heure actuelle, il
existerait, en votre chef, une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève ou des
motifs sérieux de
croire en l’existence d’un risque réel d’encourir des atteintes graves telles que
mentionnées dans la définition de la protection subsidiaire.
C. Conclusion
Sur base des éléments figurant dans votre dossier, je constate que vous ne pouvez pas être reco
nnu(e)
comme réfugié(e) au sens de l'article 48/3 de la loi sur les étrangers. Vous n'entrez pas non plus en
considération pour le statut de protection subsidiaire au sens de l'article 48/4 de la loi sur les étrangers.
»
La seconde décision attaquée est m
otivée comme suit
:
«
A. Faits invoqués
Le 23 décembre 2010, vous introduisez une première demande d'asile dans le Royaume.
A l'appui de cette demande, vous prétendez être de nationalité somalienne, être né à Marka et
appartenir au clan Wacaysle (
l
Vous vivez à Qorioley et déclarez avoir fui votre pays après avoir eu des problèmes avec Al
-
Shabaab.
Le 24 mai 2011, le CGRA prend une décision de refus du statut de refugié et de refus du statut de
protection subsidiaire dans votre dossier.
Vous introduisez un recours contre cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers qui,
dans un arrêt du 11 octobre 2011 (numéro 68.288) confirme la décision du CGRA.
Le 19 avril 2012, vous demandez l'asile pour la deuxième fois dans le R
oyaume.
Vous prétendez que tout ce que vous avez dit lors de votre première demande d'asile n'est pas ce que
vous avez vécu. Vous auriez menti après avoir été mal conseillée à votre arrivée sur le territoire belge.
Selon vos déclarations lors de votre
audition du 5 novembre 2012 dans le cadre de votre deuxième
demande d'asile, vous vous appelez
[R. M. M.]
, êtes de nationalité djiboutienne,
appartenez à l'ethnie
issa et êtes musulmane.
Vous n'êtes membre d'aucun parti politique ni d'aucune autre assoc
iation. Depuis votre mariage, vous
habitez à Djibouti Ville au quartier 7.
Votre père était gendarme et faisait partie des officiers qui ont participé à l'enquête suite à l'assassinat
du juge Borrel en 1995. Il détenait des informations quant aux circons
tances de sa mort et a eu des
problèmes suite à cela. Il a été tué au mois de septembre 2002.
Quelques jours après son décès, des hommes en civil sont passés chez vous à la recherche
d'informations
et de documents de votre père.
En 2006, pour les mêmes r
aisons, vous avez été amenée
à la brigade où vous êtes restée jusqu'à
l'après
-
midi.
Après l'année 2006 et jusqu'à votre départ du pays, vous avez été régulièrement menacée par
téléphone.
Le père de votre époux travaillait, quant à lui, aux services sec
rets de l'armée djiboutienne. Il a été
détenu à trois reprises à Djibouti, soupçonné d'être impliqué dans une tentative de coup d'état en 1998.
Le 10 juin 2007, votre beau
-
père décède des suites des tortures qu'il a subies en prison.
CCE
x
-
Page
8
Après la mort de vot
re beau
-
père, votre mari est lui
-
même arrêté, soupçonné de détenir des
informations
concernant le dossier de son père. Cette interpellation a lieu durant le mois de septembre
2007. Il est
amené à la brigade d'Ambouli, détenu pendant 10 jours puis relâché.
Durant l'année 2008, votre époux a un contact téléphonique avec Monsieur
[A. I. A.]
, membre du
Gouvernement en Exil de Djibouti, qui avait été, comme votre beau
-
père, mis en cause, dans la
tentative
de coup d'état de 1998. Le téléphone est sur écoute.
En juin 2009, votre mari est à nouveau arrêté, conduit et détenu à la brigade d'Ambouli pendant 10
jours.
Les forces de l'ordre lui reprochent de détenir des informations confidentielles ainsi que son coup
de fil à
Monsieur
[A. I. A.]
. Vous étiez à la mais
on lors de son interpellation et avez été battue à cette
occasion.
Quelques temps plus tard, votre mari reçoit des menaces verbales d'hommes appartenant aux forces de
l'ordre qui passent à son travail et lui téléphonent.
Au mois de mai 2010, il est lic
encié de son travail.
Compte tenu de cette situation, le 5 novembre 2010, vous embarquez, avec votre mari
[B. F.M.]
alias
[M. B. F.]
(dossier n
uméro CG
) et votre fille,
dans un avion à destination de la Belgique, munis de vos
passeports nationaux.
B
. Motivation
Après avoir analysé les nouveaux éléments que vous invoquez à l'appui de votre deuxième demande
d'asile, le CGRA n’est toujours pas convaincu que vous avez quitté votre pays ou que vous en
demeurez
éloignée en raison d’une crainte fondée de
persécution au sens de la Convention de Genève
ou en
raison d’un risque réel d’encourir des atteintes graves telles que définies dans le cadre de la
protection
subsidiaire.
Plusieurs éléments affectent sérieusement la crédibilité de vos déclarations.
Force est tout d'abord de constater que vous avez clairement tenté de tromper les autorités
belges quant aux motifs pour lesquels vous avez fui votre pays lors de votre première demande
d'asile. En effet, lors de cette demande, vous aviez dit vous appeler
[ M. M. A.]
,
être de nationalité
somalienne, avoir vécu à Qorioley en Somalie et avoir eu des problème avec le
groupe Al
-
Shabaab dans ce pays alors que, selon vos déclarations lors de votre deuxième
demande, vous
dites vous appeler
[R. M. M.]
et être de n
ationalité djiboutienne
(voir votre audition le 5
novembre 2012 page 2). Vous ajoutez que vos problèmes sont liés à ceux
de votre père,
gendarme, qui détenait des informations dans l'affaire du juge Borrel assassiné en
1995 et à
ceux de votre beau
-
père qui
travaillait aux services secrets de l'armée et a été mis en
cause dans
une affaire de coup d'état en 1998
. Vous précisez que tant votre père que votre
-
père ont été
tués respectivement en 2002 et en 2007 (voir votre audition le 5 novembre 2012
pages 4
, 6 et 7 et
l'audition de votre mari le même jour pages 5, 6 , 7, 9, 10 et 11).
Votre mari a été interrogé quant aux raisons pour lesquelles vous aviez menti de la sorte lors de votre
première demande. Il répond que vous avez été mal conseillés par une p
ersonne rencontrée en
Belgique qui vous a dit que si vous demandiez l'asile en tant que djiboutiens, la situation allait
s'aggraver
pour vos familles restées au pays parce que ce qui se dit lors de la procédure d'asile ne reste
pas secret
et est transmis à
l'Ambassade de Djibouti (voir l'audition de votre mari le 5 novembre 2012
page 4 et la
lettre de justification datant du 10 avril 2012). Cette justification ne peut tenir au vu de
l'importance de
votre mensonge lors de votre première demande d'asile, d'au
tant plus que
vous étiez
conseillée, lors de
cette première demande, par un avocat qui aurait pu vous confirmer le caractère tout
à fait confidentiel
de toute procédure d'asile introduite en Belgique. De plus, il n'est pas plausible non
plus, si vous aviez
effectivement vécu les événements que vous relatez à Djibouti, que vous n'ayez pas
tenté de rétablir la
vérité au cours de la procédure d'asile qui a duré environ dix mois comme par
exemple lors de
l'audience au CCE, instance auprès de laquelle vous avez
introduit un recours contre la
décision du
CGRA ou du moins au cours des mois qui ont suivi la notification de l'arrêt du CCE. En effet,
vous avez
introduit votre deuxième demande d'asile plus de six mois après la clôture de votre première
demande
d'asile
le 11 octobre 2011. Interrogé à ce propos, votre mari dit que vous cherchiez Monsieur
CCE
x
-
Page
9
[A. I. A.]
et que vous ne l'avez trouvé qu'en mars 2012, raison pour laquelle vous avez introduit votre
demande au mois d'avril 2012, ce qui ne peut expliquer, à lui seu
l, ce long délai, durant lequel vous
avez
menti sur votre nationalité, votre identité et les motifs de votre venue en Belgique (voir l'audition de
mari du 5 novembre 2012 page 10). Ce comportement n'est pas compatible avec l'attitude d'une
personne q
ui craint pour sa vie et sa liberté en cas de retour dans son pays.
Deuxièmement, le CGRA relève deux contradictions importantes entre votre récit et celui de
votre époux lors de vos auditions du 5 novembre 2012.
Ainsi, si lors de votre audition au CGR
A dans le cadre de votre deuxième demande d'asile, vous
prétendez qu'après l'année 2006 jusqu'à votre départ du pays, vous avez régulièrement été menacée
par téléphone (voir votre audition au CGRA le 5 novembre 2012 page 5), votre époux déclare dans un
pre
mier temps le contraire lors de son audition, précisant que vous restiez toujours à la maison (voir
l'audition de votre mari le même jour page 8). Un peu plus tard, lorsque la question lui est posée une
seconde fois, il répond qu'il ne sait pas (voir l'aud
ition de votre époux page 9), divergence de version
tout à fait invraisemblable dès lors que vous viviez ensemble à ce moment. Votre mari a été confronté à
cette contradiction mais n'apporte aucune explication (voir l'audition de votre mari page 11).
De
plus, concernant l'emprisonnement de votre mari en juin 2009, vous déclarez, lors de votre audition,
qu'en 2009, votre mari n'a été retenu à la brigade que jusqu'à la nuit et qu'il n'a pas logé à cet endroit
(voir votre audition le 5 novembre 2012 page 5).
Or, votre mari prétend, dans un premier temps, avoir
été arrêté au mois de juin 2009, en votre présence et avoir été écroué à la brigade d'Ambouli durant dix
jours (voir l'audition de votre mari le 5 novembre 2012 page 8). Lorsqu'il vous est demandé si vo
us êtes
bien sûre que votre mari n'a pas dormi à la brigade en 2009, vous ne répondez pas à la question et
expliquez que vous étiez en début de grossesse à ce moment et que vous étiez malade (voir votre
audition page 6). Vous êtes alors confrontée à la con
tradiction mais ne pouvez apporter aucune
explication pertinente afin de vous justifier, vous contentant de dire que vous ne savez pas, ce qui est
tout à fait invraisemblable dès lors que vous viviez avec votre mari à ce moment (voir votre audition
page 6)
. Suite à cela, après la pause, votre époux change sa version des faits et dit qu'en juin 2009, il a
été détenu un jour à la brigade, qu'il a ensuite relâché mais devait se rendre à la brigade tous les jours
durant 10 jours pour "pointer", ce qui est tout
à fait différent de ce qu'il avait déclaré auparavant (voir
l'audition de votre mari page 11). Il rectifie donc clairement sa version afin de la rendre conforme à la
vôtre après s'être concerté avec vous, ce qui jette un discrédit sur la réalité de l'empri
sonnement de
votre mari au mois de juin 2009.
Troisièmement, le CGRA relève encore d'autres éléments qui le conforte dans sa conviction que
les faits que vous présentez devant lui, à l'appui de votre deuxième demande d'asile, ne sont pas
ceux qui sont à
l'origine de votre départ du pays
.
Ainsi, vous dites avoir connu des problèmes dans votre pays du fait des informations que vous et votre
mari détiendriez de votre père et de votre beau
-
père, qui étaient tous les deux officiers dans l'armée
(voir
votre a
udition du 5 novembre 2012 page 4 et celle de votre mari pages 7 et 8). Or, lorsqu'il vous
est
demandé quel type d'information votre père détenait dans l'affaire Borrel, vous répondez que vous
ne
savez pas parce que votre père ne racontait pas ses affaires
de travail. De la même manière, invitée
à
expliquer quelque peu cette affaire et à préciser qui y a été impliqué, vous ne pouvez répondre à la
question (voir votre audition page 7). En réalité, compte tenu de la médiatisation de cette affaire et de la
pré
sence d'importants témoins en Europe, le Commissariat général ne voit pas pourquoi les autorités
djiboutiennes s'acharneraient ainsi sur vous qui ne connaissez rien et alors que tout a été déballé dans
les medias. Votre époux est demeuré tout aussi lacunai
re à ce sujet, prétendant que c'est vous qui
connaissez le type de renseignement dont disposait votre père (voir l'audition de votre époux pages 9 et
11). Le même constat peut être fait en ce qui concerne les informations qu'aurait transmises votre
-
re à votre mari. Interrogé à ce sujet, votre mari évoque d'abord une affaire datant de plus de 10
ans
-
d'avant 1998
-
à propos de laquelle il ne sait donner que de maigres informations à savoir que
deux
colonels dont il cite les noms ont été tués par les
services secrets, sans pouvoir même préciser
l'année
de leur mort. Il parle ensuite du juge Borrel assassiné en 1995 dont il dit uniquement qu'il avait
des
dossiers lourds vis à vis de l'Etat (voir l'audition de votre mari du 5 novembre 2012 page 10). Vos
propos
et ceux de votre époux sont tellement lacunaires que le C
GRA ne peut pas croire que vous
seriez, tous
les deux, recherchés dans votre pays parce que vous détiendriez des informations
confidentielles que
vous auraient transmises votre père et de votr
e beau
-
père.
CCE
x
-
Page
10
En outre, le fait que, selon vos déclarations, vous avez voyagé légalement, munie de votre propre
passeport national, tout comme votre époux, confirme encore l'absence de crainte dans votre chef lors
de votre départ de Djibouti (voir auditio
n du 5 novembre 2012 page 2).
Quatrièmement, vous invoquez également, lors de votre audition, craindre que votre fille soit
excisée en cas de retour à Djibouti
(voir votre audition de 5 novembre 2012 page 7), crainte que votre
époux n'évoque, par ailleur
s, pas spontanément lors de son audition. Vous dites que vous aviez déjà
évoqué cela lors de votre première demande d'asile, que cette crainte était réelle et qu'elle émane de
votre belle
-
mère (voir votre audition page 7). Or, lors de votre première demand
e d'asile, vous aviez
précisé que votre belle
-
mère acceptait votre opinion de ne pas faire exciser votre fille (voir audition du
17
mai 2011 page 15 et l'audition de votre époux le même jour page 14). Confrontée à cette nouvelle
divergence, vous ne donnez
aucune explication, vous contentant de dire que vous n'aviez pas mis
tellement d'interêt là
-
dedans et que le fait de mentir sur votre identité vous faisait mal (voir votre audition
le 5 novembre 2012 page 8).
Toujours concernant cette crainte d'excision,
si vous prétendez que votre fille devait être excisée à partir
de l'âge de trois ans (voir votre audition page 7), votre mari déclare que votre fille devait être excisée à
deux ans (voir l'audition de votre mari page 12). Confronté à cette incohérence, vo
tre mari dit finalement
ne pas savoir exactement quand devait avoir lieu l'excision de votre fille et ajoute que cela se passe
vers
deux ou trois ans, quand l'enfant commence à marcher, ce qui ne fait qu'ajouter de la confusion à
ses
déclarations (voir l'a
udition de votre mari page 12).
Ensuite, tout comme votre mari, vous ne pouvez donner quasi aucune information sur l'excision à
Djibouti, ce qui n'est pas crédible vu que vous avez un certain niveau d'instruction et que vous vous
dites
personnellement co
ncernée par le problème.
Ainsi, vous ne savez pas, s'il existe, à Djibouti, des associations auxquelles vous pourriez vous adresser
dans votre combat pour ne pas faire exciser votre fille (voir votre audition CGRA page 8). Vous ignorez
également si des e
fforts ont été entrepris dans votre pays pour lutter contre les mutilations génitales
féminines (voir votre audition au CGRA page 8).
En conséquence, vos déclarations quant à votre crainte de voir votre fille excisée en cas de retour à
Djibouti manquent
de cohérence et ne peuvent donc suffire à vous reconnaître la qualité de réfugié.
En tout état de cause, à supposer cette crainte d'excision établie, quod non en l'espèce, il y a lieu de
constater que divers efforts importants ont été accomplis à Djibout
i depuis plusieurs années pour lutter
contre les mutilations génitales féminines (voir informations jointes à votre dossier).
En effet, bien que, selon les dernières données officielles, le taux de prévalence varie entre 93 et 98%
selon les sources parmi
les femmes de 15 à 49 ans, plusieurs articles de presse font également le
constat d’un mouvement de lutte contre les pratiques d’excision qui donne lieu à une diminution de la
prévalence ces dernières années.
Ainsi, selon Séverine Carillon et Véronique
Petit, le mouvement débute à Djibouti dans les années 1980
[…] à l’initiative de l’Union Nationale des Femmes Djiboutiennes (UNFD), une organisation non
gouvernementale qui défend les droits des femmes à Djibouti. S’y joignent progressivement des
organisat
ions associatives. Cette impulsion est renforcée, en 1984, par la création du Comité National
de Lutte Contre les Pratiques Traditionnelles Néfastes, organe chargé de coordonner le mouvement.
Puis, l’implication conjointe de la société civile, des autori
tés politiques (Ministères de la Santé, de la
Promotion de la Femme et des Affaires religieuses) et des acteurs internationaux de développement
(UNFPA, UNICEF) appuient la mobilisation.
Dans les années 1990, l’État djiboutien ratifie plusieurs convention
s internationales relatives à la
protection des droits des individus. Il met également en place un « Comité National de Lutte contre les
MGF » et formule, en 2006, une stratégie nationale pour l'abandon de l'excision et de l'infibulation.
En février 2003
, l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (OIF), dans le cadre de son
Programme Femmes et Développement, lance une campagne radiophonique pour l’abandon des
mutilations génitales féminines (MGF) à Djibouti. Son objectif général est
de sensibiliser
les populations
sur les effets néfastes des MGF en vue de leur abandon.
CCE
x
-
Page
11
En 2006, une enquête pilote sur la médecine scolaire préventive à Djibouti, réalisée auprès des fillettes
âgées de cinq à dix ans, dans dix écoles primaires, montre une baisse sensi
ble du taux de prévalence
des MGF et en particulier de l’infibulation. Reposant sur l’observation clinique de l’appareil génital des
fillettes, cette recherche révèle que presque 20 % des fillettes âgées de 13 ans n’ont subi aucune
mutilation dans le distr
ict de Djibouti.
Ce constat est également fait par le journal « La Nation », qui expose dans un article de février 2012,
que l’on observe un net recul de ces pratiques chez les jeunes filles de moins de 25 ans.
Sur le plan législatif, les mutilations g
énitales féminines sont interdites depuis 1995 par l’article 333 du
Code Pénal stipulant que « la violence imposée par les mutilations génitales est passible de cinq ans
d’emprisonnement et d’une amende d’un million de francs Djiboutiens ». Cependant, si l
es MGF sont
interdites depuis 1995 à Djibouti, aucune sanction pénale n'a jamais été prononcée.
Afin de pallier ce problème, l’Assemblée Nationale adopte en juin 2009 une nouvelle loi sur « la violence
contre les femmes, en particulier les mutilations gé
nitales féminines (MGF) », modifiant l’article 333 du
Code Pénal, en y incluant une définition des mutilations génitales féminines, des précisions sur la
responsabilité pénale et les peines encourues et la possibilité pour les organisations d'engager une
p
rocédure en action civile et de dénoncer la violence contre laquelle les victimes elles
-
mêmes ne sont
pas en mesure de recourir en justice.
Le mouvement de lutte contre les MGF s'est poursuivi ces dernières années. En 2011, Le Ministère des
Affaires Musu
lmanes et des Biens Waqfs a lancé une série d'ateliers de sensibilisation sur l'abandon
total de toutes formes d'excision au profit des associations féminines des quartiers de Djibouti Ville.
En juillet 2011, les communautés de la capitale et des régions
de l'Intérieur, sous le haut patronage de
la
première dame du pays, ont organisé au stade municipal leur première déclaration publique nationale
d'abandon de toutes formes d'excision.
Dans le cadre de cette lutte, Djibouti a même dévoilé au mois de juin
2012 son premier guide destiné
aux imams des mosquées et aux prédicateurs qui souligne expressément que les MGF sont contraires
aux principes de l'islam
Au vu de ce qui précède, rien n'empêche de croire que vous ne puissiez trouver un soutien auprès de
certaines de ces associations luttant à Djibouti contre l'excision, soutenues par les autorités, si votre
mère venait effectivement à exercer des pressions à votre égard afin de faire exciser votre fille en cas
de
retour au pays, d'autant plus que vous hab
itiez la capitale, avez un certain niveau d'éducation et que
votre époux vous soutient dans votre démarche (voir audition du 5 novembre 2012 pages 2 et 3 et 7).
Cinquièmement, les documents que vous déposez à l'appui de vos assertions ne peuvent suffire
à rétablir la crédibilité de vos dires.
A l'appui de vos dires, vous déposez différents documents relatifs à l'identité des membres de votre
famille (soit la carte nationale d'identité de votre mari et les actes de naissance de vos enfants) ainsi que
vot
re acte de mariage qui ne peuvent être retenus dès lors qu'ils ne se rapportent pas aux faits que vous
invoquez à l'appui de votre demande d'asile.
Le même constat peut être fait en ce qui concerne la photo de votre père et celle de votre beau
-
père.
Qu
ant à l'acte de de décès de votre père, il ne s'agit que d'une copie difficilement lisible sur laquelle ne
figure nullement le motif du décès. Rien n'indique donc que votre père soit décédé dans les
circonstances que vous décrivez.
Finalement, vous appor
tez également un article tiré d'Internet qui évoque la mort d'un certain
[M. M. N.]
dont vous dites qu'il s'agit de votre père. Aucune information n'est disponible quant au
site d'où provient
cet article. Notons également que cet article ne donne aucun dét
ail quant aux
circonstances de la mort
de cette personne et ne fait aucune allusion à vous ni à votre époux.
Vous joignez aussi un certificat médical établissant que vous avez été excisée (excision de type 2) et
que votre fille n'a pas subi de mutilation
génitale féminine, attestations qui ne peuvent pas non plus être
CCE
x
-
Page
12
prises en considération pour vous reconnaître la qualité de réfugié,
au vu des arguments développés
ci
-
dessus.
Votre mari dépose également un tract, sans en
-
tête ni date ou nom de son sign
ataire, qui évoque la
condamnation de son père. A défaut de ces mentions essentielles, le CGRA ne peut se prononcer quant
à son authenticité. En tout état de cause, ce tract fait uniquement allusion à la condamnation du père de
votre époux à six mois d'emp
risonnement avec sursis et à une amende mais n'évoque nullement ses
emprisonnements, sa mort ni les problèmes que vous auriez vécus personnellement par la suite. Il est
également à noter que, selon les dires de votre mari, il date de 1998 (voir l'audition
de votre mari le 5
novembre 2012 page 4) soit d'il y a plus de 10 ans.
Quant à l'attestation de Monsieur
[A. I. A.]
datant du 16 mars 2012 jointe par votre époux au
dossier, elle
ne peut davantage être retenue, à elle seule, pour prendre une autre décisi
on au vu du
manque de
crédibilité général de votre récit relaté lors de votre deuxième demande d'asile et de votre
tentative de
fraude lors de votre première demande d'asile. Par ailleurs, ce témoignage ne fait pas
mention des
problèmes que vous auriez eus
à subir personnellement et individuellement après le décès
de votre
père et de beau
-
père. A ce sujet, Monsieur
[I.]
n'émet que de simples suppositions en disant
que vous
auriez "eu très certainement à souffrir et à subir les conséquences des avanies et to
rtures
infligées " à
vos parents, sans autre détail à ce propos.
Votre mari dépose aussi son dossier médical en Belgique, qui ne peut être pris en compte dans
l'appréciation de votre demande d'asile dès lors qu'il n'est nullement établi que les problème
s de santé
que votre mari a eus en Belgique soient liés aux faits que vous invoquez lors de vos auditions au CGRA
le 5 novembre 2012.
En conclusion, au vu de ce qui précède, le CGRA est dans l’impossibilité d’établir qu'à l'heure actuelle, il
existerait,
en votre chef, une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève ou des
motifs sérieux de croire en l’existence d’un risque réel d’encourir des atteintes graves telles que
mentionnées dans la définition de la protection subsidiaire.
C. Conclusion
Sur base des éléments figurant dans votre dossier, je constate que vous ne pouvez pas être reconnu(e)
comme réfugié(e) au sens de l'article 48/3 de la loi sur les étrangers. Vous n'entrez pas non plus en
considération pour le statut de pro
tection subsidiaire au sens de l'article 48/4 de la loi sur les
étrangers.
»
2. La requête
2.1.
Les
parties requérantes confirment pour l’essentiel l’exposé des faits figurant dans la décision
entreprise
; elles précisent toutefois que le requérant a été dét
enu un jour en juin 2009, puis est resté
durant neuf jours sous surveillance étroite, obligé de revenir «
pointer quotidiennement à la Brigade
»
(page
3 de la requête)
.
2.2.
Elle
s
invoque
nt
la violation de
l’article 1
er
, section A, §
2, de la Convention de Gen
ève du 28 juillet
1951 relative au statut des réfugiés (ci
-
après dénommée la Convention de Genève), modifiée par son
Protocole additionnel du 31 janvier 1967,
ainsi que
des articles 48/3, 48/4,
48/
5,
57/7
bis
et 62 de la loi
du 15 décembre 1980 sur l’accès
au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers
(ci
-
après dénommée la loi du 15 décembre 1980).
2.3.
Les
parties requérantes
conteste
nt
en substance la pertinence de la motivation de la décision
attaquée au regard des circonstances de
fait propres à l’espèce. Elle
s
sollicite
nt
l’octroi du bénéfice du
doute.
2.4.
Elle
s
demande
nt
au
Conseil du contentieux des étrangers (ci
-
après dénommé le Co
nseil
)
de
reconnaître la qualité de réfugié
s aux parties requérantes
ou, à défaut, de l
eur
octroyer le
statut de
protection subsidiaire et, à titre subsidiaire,
de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de
l’Union européenne
.
3.
Les documents déposés
CCE
x
-
Page
13
3.1.
Les parties requérantes annexent à leur requête, en copie,
des articles de presse extrait
d’Internet
concernant la situation politique à Djibouti ainsi que deux attestations médicales relatives au requérant.
3.2.
Par courrier
recommandé
du 5 mars 2013, les parties requérantes déposent au dossier de la
procédure plusieurs articles de presse
,
extrait
s
d’Internet
,
concernant la situation politique à Djibouti
(pièce
6).
3.3.
Par courrier
recommandé
du 25 mars 2013, les parties requérantes déposent au dossier de la
procédure, en copie, un certificat médical concernant la requérante, une attestation du 16 mar
s 2012 de
A.I.A., membre du gouvernement en exil de Djibouti, des documents d’identité et «
une lettre de
justification
» du 20 mars 2012 (pièce
8).
3.4.
Par courrier
recommandé
du 4 avril 2013, les parties requérantes déposent au dossier de la
procédure un ra
pport médical relatif au requérant (pièce
10).
3.5.
Par courrier
recommandé
du 11 avril 2013, les parties requérantes déposent au dossier de la
procédure un rapport médical relatif au requérant et un autre concernant la requérante (pièce
12).
3.6.
Par courrier
rec
ommandé
du 16 septembre 2014, les parties requérantes déposent au dossier de
la procédure une note complémentaire comprenant plusieurs documents relatifs aux mutilations
génitales féminines à Djibouti, une attestation du 8 septembre 2014 de A.I.A., respons
able de l’
Alliance
Djiboutienne pour l’instauration de la démocratie
, un extrait du registre des actes de décès, des extraits
d’un document intitulé «
À Djibouti, une dictature amie
», édité en Belgique,
un rapport médical du 31
mai 2011, relatif à la requ
érante attestant son excision de type
2,
un rapport médical
du 31 mai 2011,
relatif à la fille des
parties requérantes attestant sa non
-
excision ainsi que la copie d’une demande du
14 juin 2013 sur la base de l’article
9
ter
de la loi du 15 décembre 1980, a
ccompagnée de plusieurs
attestations médicales
(pièce
18).
3.7.
Par courrier
recommandé
du 19 septembre 2014, les parties requérantes déposent au dossier de
la procédure une note complémentaire d’
erratum
comprenant plusieurs documents, la plupart déjà
déposés
au dossier de la procédure en pièce
18, ainsi qu’un nouveau certificat médical du 16 janvier
2014, relatif à la requérante attestant son excision de type
3 (pièce
21).
3.8.
Par porteur, l
a partie défenderesse verse au dossier de la procédure un document
émanan
t du
centre de documentation du Commissariat général (ci
-
après dénommé Cedoca),
intitulé
«
COI Focus
Djibouti
Mutilations génitales féminines (MGF)
» du 2 janvier 2014
(pièce
23
du dossier de la
procédure).
4.
La recevabilité du recours qui visent qua
tre parties requérantes
4.1.
À l’audience, l
es parties considèrent que la décision attaquée se prononce également sur la
crainte de
la fille de
s parties requérantes
,
à savoir F.M.S., ci
-
après dénommée la troisième partie
requérante,
mais qu’elle ne se prononce
pas
sur la situation de
leur
fils
, M.B.A.K.,
ci
-
après dénommé la
quatrième partie requérante
.
L
es parties requérantes
déclare
nt
craindre que
leur
fille soit excisée
; elle
s
ne f
on
t par ailleurs valoir aucune crainte de persécution spécifique concernant
le
ur
fils, qui n’
a
pas
introduit de demande de protection internationale.
4.2.
P
ar conséquent, le recours est irrecevable en ce qui concerne l
a
quatrième
partie requérante
, à savoir
le fils de
s parties requérantes,
M.B.A.K.
4.3.
Bien que la présente p
rocédure d’asil
e soit mue par les
seule
s
première
s
partie
s
requérante
s
, qui
appara
issen
t
de facto
comme les deux
seul
s
destinataire
s
des divers actes pris à l’occasion de
leurs
demande
s
d’asile, il ne peut être contesté que
leur
fille
,
trois
ième partie requérante,
y a ét
é
formellement et intégralement associée par
leur
s soins à chacune des étapes de ce
s
demande
s
: son
nom figure explicitement dans le document
du
19 avril
201
2,
intitulé
«
A
nnexe 26 »
, de la deuxième
partie requérante, à savoir sa mère
, la partie défenderes
se a instruit comme telle cette crainte
d
excision et les
décision
s
attaquée
s
l’aborde
nt dans leur
motivation. Dans une telle perspective, et
pour rétablir la clarté dans les débats juridiques, le Conseil estime nécessaire de considérer le recours
introdui
t au nom de
F.M.S.
, fille de
s
partie
s
requérante
s
,
comme recevable, de la mettre formellement à
la cause et de procéder à un examen distinct des craintes respectives des
intéressé
s.
CCE
x
-
Page
14
4.4.
Le présent recours
concerne dès lors
trois
personnes distinctes, dont les
craintes sont spécifiques
à leur situation :
la
première
partie requérante
, le père, craint des persécutions suite aux
soupçon
s
pesant sur lui
d'impli
cation
dans une tentative de coup d'
É
tat
;
la
deuxièm
e
partie requérante
, la mère,
craint
des persécution
s en
partie pour les mêmes
motifs que son mari, mais aussi en raison des
mutilations génitales féminines qu’elle a subies
;
enfin
,
leur
fille
,
trois
ième
partie requérante,
craint
des
mutilations génitales féminines
en cas de retour
dans leur pays d’origine
.
5
. L’examen de la demande
de la
trois
ième
partie requérante
sous l’angle de l’article 48/3 de la loi
du 15 décembre 1980
5.1
L
es
première et deuxième
parties requérantes,
qui agi
ssen
t au nom de
leur
fille,
trois
ième partie
requérante
,
déclare
nt
craindre qu
e cette dernière,
F.M.
S.
,
âgée de quatre ans
,
soit excisée.
Au vu de
l’ensemble des éléments figurant au dossier administratif et au dossier de la procédure
, le Conseil
considère que la nationalité djiboutienne et la provenance régionale des parties requér
antes est établie
à suffisance.
5.2
La
partie défenderesse
refuse de re
connaître la qualité de réfugié
s
aux
première et deuxième
parties requérantes et de leur
octroyer le stat
ut de protection subsidiaire
en raison
de l’absence de
crédibilité des faits allégu
és,
d’autant plus que ces parties requérantes ont trompé les autorités belges
chargées de leurs demandes de protection internationale
;
la partie défenderesse
n’estime pas
non plus
fondée l’existence d’une crainte d’excision dans le chef de
leur
fille
F.M.
S.
,
en soulignant les efforts des
autorités djiboutiennes pour lutter contre les mutilations génitales féminines et en mentionnant
l’existence
à Djibouti
d’
associations
luttant contre l'excision
,
soutenues par les autorités
, qui
permettraient à la
trois
m
e
partie
requérante
d'échapper
aux mutilations génitales féminines
. La partie
défenderesse ajoute encore qu’il n’y a pas lieu d’appliquer l’article
48/4, §
2,
c, de la loi du 15 décembre
1980
aux
présente
s
demande
s
d’asile.
5.3
Le Conseil
précise d’emblée que
les
crainte
s
de persécution
de
s
première
et deuxième
partie
s
requérante
s
ser
ont
analysé
es
au point
6
du
présent arrêt.
5.4
À l’audience, la partie défenderesse s’en remet à l’appréciation du Conseil concernant la fille
des
première et deuxième
partie
s
requér
ante
s
.
5.5
La requête introductive d’instance mentionne qu’à la lecture des informations figurant au dossier
administratif et d’autres qu’elle cite par extraits, le taux de prévalence de l’excision est très élevé à
Djibouti et qu’il est impossible d’y obtenir
une protection effective de la part des autorités contre cette
mutilation.
5.6
La première question concerne dès lors la crainte de persécution dans le chef de la
trois
ième
partie
requérante
, née de la situation
objective
des femmes dans son pays d’origine,
plus
particulièrement de la pratique des mutilations génitales féminines à Djibouti.
À cet égard, la partie défenderesse verse au dossier de la procédure un document
émanant du
Cedoca,
intitulé
«
COI Focus
Djibouti
Mutilations génitales féminines (MGF
)
» du 2 janvier 2014, qui
entend actualiser la question.
Ce document, principal élément nouveau de la cause,
augmente de
manière significative la probabilité de reconnaissance de la partie requérante.
Concernant la portée à donner à c
e document, la parti
e défenderesse déclare
à l’audience
que le taux
de prévalence d
es mutilations génitales féminines reste élev
é
malgré qu’il diminue
et
qu’il s’agit
dès
lors
de faire preuve d’une grande prudence dans l’examen des deman
des des personnes originaires de
Djibou
ti
; elle fait toutefois remarquer
que si le taux de prévalence diminue, cela
signifie
que certain
e
s
personnes
arrivent à éviter que cette pratique ne soit exercée. La partie défenderesse considère dès
lors qu’il s’agit d’effectuer une analyse au cas par c
as en fonction de différents facteurs
pour évaluer la
crainte de persécution
.
À la lecture dudit document, le Conseil relève à l’instar de la partie défenderesse le taux élevé de
prévalence des mutilations génitales féminines à Djibouti, de l’ordre de 80%
; ce chiffre est toutefois
plus élevé selon d’autres sources, notamment pour des catégories particulières de population (pages 8
et suivantes du document et page 22). Le Conseil estime nécessaire de mentionner aussi que le même
document fait état de la gr
avité du type de mutilations génitales féminines pratiquées dans ce pays,
puisque de nombreuses femmes sont non seulement excisées (l’excision de type 2 est la plus
CCE
x
-
Page
15
fréquente), mais aussi infibulées (l’excision de type 3 n’est pas rare), avec la précision
«
qu’il arrive que
les femmes soient ré
-
infibulées après leur accouchement
», cette pratique étant selon une source
récente, «
généralement automatique à Djibouti
» (page
5).
Selon le même document, depuis 1995, les mutilations génitales féminines sont in
terdites par la loi qui
prévoit une peine d’emprisonnement de cinq ans et des amendes pouvant s’élever à un million de
francs djiboutiens. Toutefois, ces dispositions pénales n’ont jamais été appliquées à ce jour, car aucune
plainte n’a été déposée, les vi
ctimes ne voulant pas incriminer leur propre famille (pages 13, 14 et 22)
;
dans un tel contexte, la protection des autorités pour les victimes de mutilations génitales féminines
s’avère donc illusoire.
5.7
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’excision, q
uel qu’en soit le type, constitue une atteinte
grave et irréversible à l’intégrité physique des femmes qui la subissent. De tels actes relèvent des
«
violences physiques ou mentales, y compris les violences sexuelles
» ou encore des «
actes dirigés
contre
des personnes en raison de leur sexe ou contre des enfants
», au sens de l’articl
e 48/3, § 2,
alinéa 2, a et f
, de la loi du 15 décembre 1980, et ils visent les femmes en tant que membres d’un
groupe social au
sens de l’article 48/3, § 4, d, de la même lo
i (voir l’arrêt du 17 avril 2014 rendu par une
chambre à trois juges du Conseil portant le n°
122.669).
5.8
Il ressort des informations versées au dossier administratif et au dossier de la procédure par la
partie défenderesse que le taux de prévalence des mut
ilations génitales féminines est
de l’ordre
d’au
moins
80% à Djibouti
.
À la lecture des informations précitées, le Conseil observe en outre qu’il y a une prise de conscience
d’une partie de la population djiboutienne en faveur de l’abandon de la pratique
des mutilations
génitales féminines, mais qu’il ressort des mêmes informations que si les mutilations génitales féminines
sont condamnées par la loi, celle
-
ci n’est jamais appliquée et que les victimes ou les parents ne portent
pas plainte contre ce genre
de pratiques qui se déroulent dans un cadre familial large.
Le Conseil retient de ces diverses informations que selon les dernières statistiques publiques
disponibles,
le taux de prévalence des
mutilations génitales féminines à Djibouti
se situe à un niv
eau
extrêmement élevé, ce qui implique, à tout le moins pour les jeunes filles mineures qui ne les ont pas
encore subies, un risque objectif significatif, et dans certains cas une quasi
-
certitude, d’y être soumises.
En outre, le type
3 de mutilations génit
ales féminines, à savoir l’infibulation, de nature particulièrement
grave, est fréquente à Djibouti.
5.9
Le Conseil estime dès lors qu’en l’état des informations statistiques actuellement disponibles, le
taux de prévalence des mutilations génitales féminines
à Djibouti
traduit un risque objectif et
significativement élevé de mutilation, à tout le moins pour les jeunes filles mineures de ce pays qui n’y
ont pas encore été soumises. Ce risque ainsi qualifié suffit en lui
-
même à fonder,
dans le chef des
intéressé
es, une crainte de persécution en cas de retour
à Djibouti
, sauf à établir qu’à raison de
circonstances exceptionnelles qui leur sont propres, celles
-
ci n’y seraient pas exposées ou seraient
raisonnablement en mesure de s’y opposer. Au vu des éléments prop
res à la présente cause, de telles
circonstances exceptionnelles
ne
sont
pas établies.
5.10
S’agissant de la protection des autorités
djiboutiennes
, le Conseil est d’avis que le taux de
prévalence extrêmement élevé des mutilations génitales féminines
à Djib
outi
démontre que les efforts
des autorités
de cet État
pour éradiquer de telles pratiques, n’ont pas les effets escomptés. Dans cette
perspective, il ne peut dès lors pas être considéré que les instruments et mécanismes mis en place
à
Djibouti
en faveur
des personnes exposées à un risque de mutilations, offrent actuellement à celles
-
ci
une protection suffisante et effective pour les prémunir de ce risque.
À cet égard, le Conseil rappelle les termes de l’article
48/5, §
2 de la loi du 15 décembre 1980
:
«
La protection au sens des articles 48/3 et 48/4 ne peut être offerte que par
:
a) l'É
tat, ou;
b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlen
t l'É
tat ou une
partie importante de son territoire, pour autant qu’
ils soient disposés et en mesure d’offrir une protection,
conformément à l’alinéa 2.
La protection, au sens des articles 48/3 et 48/4, doit être effective et non temporaire
[…]
».
CCE
x
-
Page
16
Dès lors, au contraire de l’affirmation de la partie défenderesse dans l’a
cte attaqué, le fait de pouvoir
trouver un
éventuel
soutien auprès de certaines associations luttant à Djibouti contre l'excision
, elles
-
mêmes
soutenues par les autorités
, ne suffit pas à assurer une quelconque protection effective à la
partie requérante.
La partie défenderesse admet d’ailleurs dans le document
du 2 janvier 2014
du
Cedoca relatif aux
MGF,
que si les victimes ont théoriquement la possibilité de s’adresser aux autorités,
«
dans la pratique cela n’arrive jamais
» (page
22).
Au vu des considér
ations et constats qui précèdent, le Conseil estime qu’en l’état des informations
disponibles, ni l'État djiboutien, ni des partis ou organisations qui contrôlent l'État ou une partie
importante de son territoire, y compris les organisations internationale
s, ne sont actuellement en mesure
d’accorder une protection contre les risques de MGF (dans le même sens au niveau du principe de la
protection des autorités, voir l’arrêt du 17 avril 2014 rendu par une chambre à trois juges du Conseil
portant le n° 122.66
9 concernant la Guinée).
5.11
En conséquence, il est établi que la fille de
s
première et deuxième parties requérantes
a quitté
son pays d’origine et qu’elle en reste éloi
gnée par crainte de persécution
au sens de l’article 1
er
, section
A, § 2, de la Conventio
n de Genève, en raison de son appartenan
ce au groupe social des femmes.
6
. L
e
xamen du recours concernant
les
première
et deuxième
partie
s
requérante
s
6.1
La
partie défenderesse
refuse de re
connaître la qualité de réfugiés aux
première et deuxième
parties re
quérantes et de leur
octroyer le stat
ut de protection subsidiaire aux motifs de l’absence de
crédibilité des faits allégués,
d’autant plus que ces parties requérantes ont trompé les autorités belges
chargées de leurs demandes de protection internationale.
La partie défenderesse ajoute encore qu’il
n’y a pas lieu d’appliquer l’article
48/4, §
2,
c, de la loi du 15 décembre 1980 aux présentes demandes
d’asile.
6.2
Au vu de l’ensemble des éléments figurant au dossier administratif et au dossier de la procédure,
l
e Conseil considère que la nationalité djiboutienne et la provenance régionale des parties requérantes
est établie à suffisance.
6.3
Après analyse du dossier administratif et des pièces de procédure, le Conseil estime qu’il ne
détient pas en l’espèce tous les
éléments lui permettant de statuer en connaissance de cause.
Concernant la deuxième partie requérante
:
6.4
L’article
39/76, § 1
er
, dernier alinéa, dispose ce qui suit
:
«
Si le président de chambre saisi ou le juge désigné estime que les éléments nouveaux
invoqués par
le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides augmentent de manière significative la probabilité
que l'étranger remplisse les conditions requises pour la reconnaissance de la qualité de réfugié au sens
de l'article 48/3 ou pour la prot
ection subsidiaire au sens de l'article 48/4, et si, en outre, il constate de
manière cumulative que, conformément à l'article 39/2, § 1
er
, alinéa 2, 2°, il doit annuler la décision
attaquée parce qu'il ne peut pas conclure à la confirmation ou à la réform
ation de la décision attaquée
sans mesures d'instruction complémentaires de ces éléments nouveaux, ce constat entraîne
l'annulation d'office de la décision attaquée
».
6.5
Le Conseil rappelle que, sous réserve de l’application éventuelle d’une clause d’exclus
ion, la
question à trancher au stade de l'examen de l'éligibilité au statut de réfugié se résume en définitive à
savoir si le demandeur a ou non des raisons de craindre d’être persécuté du fait de l’un des motifs
visés par la Convention de Genève
; si l’ex
amen de crédibilité auquel il est habituellement procédé
constitue, en règle, une étape nécessaire pour répondre à cette question, il faut éviter que cette étape
n’occulte la question en elle
-
même
; dans les cas où un doute existe sur la réalité de certain
s faits ou la
sincérité du demandeur, l’énoncé de ce doute ne dispense pas de s’interroger
in fine
sur l’existence
d’une crainte d’être persécuté qui pourrait être établie à suffisance, nonobstant ce doute, par les
éléments de la cause qui sont, par ailleu
rs, tenus pour certains.
6.6
En l’espèce, les éléments de la cause qui peuvent être tenus pour établis sont les suivants
: la
requérante est une femme originaire de Djibouti
, qui
a subi
une
mutilation génitale féminine,
comme
l’atteste
nt
le
s rapports
médica
ux
du 31 mai 2011 et
du 14 février 2011
figurant au dossier administratif
;
elle dit s’opposer à l’excision de sa fille
.
CCE
x
-
Page
17
6.7
La première question concerne dès lors la crainte de persécution dans le chef de la requérante,
née de la situation
objective
des femmes
dans son pays d’origine, plus particulièrement de la pratique
des mutilations génitales féminines à Djibouti
et de son opposition à ladite pratique
.
À cet égard, la partie défenderesse verse au dossier de la procédure un document
du Cedoca, déjà
cité,
in
titulé
«
COI Focus
Djibouti
Mutilations génitales féminines (MGF)
» du 2 janvier 2014.
Ce
document, principal élément nouveau de la cause,
augmente de manière significative la probabilité de
reconnaissance de la partie requérante.
Concernant la portée
à donner à c
e document,
le Conseil se réfère aux considérations figurant au
x
point
s
5.
6. à 5.8
.
supra
, dont la conclusion est le taux élevé de prévalence des mutilations génitales
féminines à Djibouti et l’absence de protection des autorités pour les vict
imes de mutilations génitales
féminines.
En outre, le Conseil tient à souligner encore
que
le document dont question se réfère à deux sources
récentes qui ne sont pas communiquées
in extenso
par la partie défenderesse, bien qu’elles soient
citées à plusie
urs reprises
; il s’agit d’une interview réalisée à Bruxelles le 21 janvier 2014 de deux
personnes appartenant à des associations spécialisées dans la question et d’un courriel du 1
er
février
2014 de la «
présidente de l’Association des femmes de Tadjourah
(AFT) et conseillère technique du
ministre de l’Énergie
». Vu l’importance et la nature des informations que ces deux sources recèlent
selon le document du Cedoca, le Conseil estime indispensable qu’elles soient fournies
in extenso
par la
partie défendere
sse afin d’en connaître toute la portée.
Le Conseil
rappelle
que l’article 26 de l’arrêté royal du 11 juillet 2003
fixant la procédure devant le
Commissariat général aux Réfugiés et aux Apatrides ainsi que son fonctionnement
dispose
de la
manière suivante
: «
Le Commissaire général ou un de ses adjoints peut, dans sa décision, s'appuyer
sur des informations obtenues d'une personne ou d'une institution par téléphone ou courrier
électronique.
Le dossier administratif doit alors préciser les raisons pour lesqu
elles cette personne ou
cette institution a été contactée ainsi que les raisons qui permettent de présumer de leur fiabilité.
L'information obtenue par téléphone doit faire l'objet d'un compte rendu écrit mentionnant le nom de la
personne contactée par tél
éphone, une description sommaire de ses activités ou de sa fonction, son
numéro de téléphone, la date à laquelle a eu lieu la conversation téléphonique, ainsi qu'un aperçu des
questions posées pendant la conversation téléphonique et les réponses données pa
r la personne
contactée
»
.
Le Conseil d’
É
tat a estimé à cet égard, dans son arrêt n°
223 434 du 7 mai 2013, que
« […] cette
disposition [l’article 26 de l’arrêté royal
du 11 juillet 2003] s’inscrit dans le prolongement d’une
jurisprudence du Conseil d’
É
ta
t qui s’était montré très réservé […] par rapport aux preuves recueillies
par voie téléphonique ou électronique, n’admettant ce type de preuves que pour autant que la
provenance de l’information, l’identité exacte de la personne qui la fournit, son fondeme
nt et la manière
selon laquelle elle a été recueillie soient précisés dans la décision ou, à tout le moins, dans le dossier
administratif ; […] c’est la raison pour laquelle l’article 26, alinéa 2, de l’arrêté royal précité a prévu que
les raisons pour les
quelles une personne ou une institution est contactée, ainsi que celles qui
permettent de présumer de leur fiabilité, figurent dans le dossier administratif et que lorsque les
informations sont recueillies par téléphone, un
"
compte rendu détaillé
"
s’impose
et doit comporter des
mentions particulières ; […] le but de cette mesure est, selon le Rapport au Roi, de vérifier l’exactitude
des informations qu’il contient
;
[…] en cas de non
-
respect de l’article 26 précité, il est indifférent que
cet article ne soi
t pas prescrit à peine de nullité pour censurer une telle irrégularité ; […] les indications
prévues à cette disposition visant à permettre d’assurer la contradiction des débats et à assurer le
contrôle des sources litigieuses, il y a, de surcroît, lieu de
considérer que
leur non
-
respect constitue une
"
irrégularité substantielle
"
au sens de l’article 39/2, §
1
er
, alinéa 2, 2°
,
de la loi du 15 décembre 1980
précitée, qui permet au [
Conseil
] d’annuler la décision administrative soumise à sa censure
"
soit pour
la
raison que la décision attaquée est entachée d’une irrégularité substantielle qui ne saurait être réparée
par le Conseil, soit parce qu’il manque des éléments essentiels qui impliquent que le Conseil ne peut
conclure à la confirmation ou à la réformati
on visée au 1° sans qu’il soit procédé à des mesures
d’instruction complémentaires
"
» (Conseil d’
État, arrêt n°
223 434 du 7 mai 2013).
En l’espèce, la partie défenderesse n’a pas respecté le prescrit de l’article 26 de l’
arrêté royal du 11
juillet 2003,
puisque ni l’
interview du 21 janvier 2014 ni le courriel du 1
er
février 2014, ne figurent au
dossier administratif.
Par conséquent, le Conseil ne peut pas vérifier la teneur des informations
échangée
s et se prononcer à leur sujet,
en respectant les exigenc
es de l’article 26 de l’arrêté royal
du
11 juillet 2003
, telles que les a rappelées le Conseil d’État.
CCE
x
-
Page
18
Concernant la question de l’individualisation de l’examen prôné par la partie défenderesse qui entend
«
effectuer une analyse au cas par cas en fonction
de différents facteurs
», comme indiqué à
l’audience, le Conseil relève que le document de la même partie défenderesse n’apporte que fort peu
d’éléments d’informations quant aux différents facteurs qu’il faudrait prendre en compte pour évaluer la
crainte
de persécution des personnes sollicitant la protection internationale.
Il en va de même du sort des personnes qui s’opposent à la pratique répandue des mutilations
génitales féminines. Or, la requérante fait valoir qu’elle s’oppose à titre personnel aux mu
tilations
génitales féminines
; le Conseil considère dès lors que cet aspect de la problématique doit aussi être
examiné par la partie défenderesse, d’autant plus que la fille de la requérante a été reconnue réfugiée
par le Conseil.
6.8
La requête introductiv
e d’instance fait encore valoir le caractère continu de la persécution déjà
subie par la requérante du fait de
la mutilation génitale féminine subie
.
6.9
À cet égard, le Conseil constate l’incertitude concernant le type de mutilation génitale féminine
subie p
ar la requérante, puisqu’
un rapport médical du 31 mai 2011 atteste son excision de type
2, alors
qu’un autre, du 16 janvier 2014, atteste son excision de type
3. Or, le type de mutilation génitale
féminine subie a une incidence indéniable sur l’évaluation
du
caractère continu de la persécution déjà
subie par la requérante. Partant, le Conseil considère que cet aspect doit faire l’objet d’éclaircissement
de la part des parties.
6.10
Enfin, le Conseil estime qu’il revient à la partie défenderesse d’évaluer l’impa
ct
sur la requérante
de la reconnaissance de la qualité de réfugiée à
s
a fille.
6.11
Le Conseil ne disposant, pour sa part, d’aucun pouvoir d’instruction, il ne peut pas lui
-
même
récolter des informations précises relatives aux considérations et aux questions
développées
supra
.
6.12
Après examen des pièces de la procédure et du dossier administratif, il apparaît, selon les termes
mêmes de
l’article
39/76, §
1
er
, dernier alinéa, que
«
les
éléments nouveaux invoqués par le
Commissaire général aux réfugiés et aux apa
trides augmentent de manière significative la probabilité
que l'étranger remplisse les conditions requises pour la reconnaissance de la qualité de réfugié au sens
de l'article 48/3 ou pour la protection subsidiaire au sens de l'article 48/4
». Toutefois, l
e Conseil
«
constate de manière cumulative que, conformément à l'article 39/2, § 1
er
, alinéa 2, 2°, il doit annuler la
décision attaquée parce qu'il ne peut pas conclure à la confirmation ou à la réformation de la décision
attaquée sans mesures d'instructi
on complémentaires de ces éléments nouveaux
»
;
c
es mesures
d’instruction complémentaires devront au minimum porter sur les points suivants, étant entendu qu’il
appartient aux deux parties de mettre tous les moyens utiles en œuvre afin de contribuer à
l’ét
ablissement des faits
:
Recueil et analyse d’informations
actualisées et précises
au sujet de la situation des femmes
victimes de
mutilations génitales féminines à Djibouti, en fonction de leurs profils propres,
et de
la possibilité pour elle
s
d’obtenir u
ne protection des autorités
;
indication des
différents facteurs
à prendre en compte pour évaluer la crainte de persécution et examen du
sort des personnes
qui s’opposent à la pratique répandue des mutilations génitales féminines
;
Mise en adéquation
de l
a communication
des sources d’
informations à disposition de la
partie
défenderesse
avec les prescrits
de l’article 26 de l’arrêté royal du 11 juillet 2003
;
Analyse des nouveaux documents déposés par la
deuxième
partie requérante a
u vu de sa
situation spé
cifique
;
Évaluation de l’impact du «
caractère continu
» de la persécution déjà subie par la
deuxième
partie requérante du fait de la mutilation génitale féminine, tel que l’explicite la requête
;
auparavant, détermination du
type précis de mutilation gé
nitale féminine subie
par la
requérante
;
Le cas échéant,
tenue d’une nouvelle audition de la deuxième partie requérante pour évaluer ses
craintes de persécution, notamment en raison de son opposition à l’excision de sa fille, ainsi
que l’impact
sur la re
quérante
de la reconnaissance de la qualité de réfugiée à
sa fille
.
CCE
x
-
Page
19
Concernant la
premièr
e partie requérante
:
6.13
Après analyse du dossier administratif et des pièces de procédure, le Conseil estime qu’il ne
détient pas en l’espèce tous les éléments lui per
mettant de statuer en connaissance de cause
concernant
la première partie requérante.
6.14
En effet,
la première partie
requérante
dép
ose de nombreux documents relatifs à sa situation
personnelle, tant politique que médicale, qui témoignent d’une grande fragil
ité. Le Conseil estime, vu
l’important écoulement du temps depuis la prise du premier acte attaqué concernant le requérant, de
procéder à une actualisation de la crainte alléguée ainsi qu’à un examen attentif de l’ensemble des
documents déposés à son sujet
.
À cet égard, le Conseil relève en particulier l’
attestation du 16 mars
2012 de A.I.A., membre du gouvernement en exil de Djibouti, celle
du 8 septembre 2014 de A.I.A.,
responsable de l’
Alliance Djiboutienne pour l’instauration de la démocratie
, les extra
its d’un document
intitulé «
À Djibouti, une dictature amie
», édité en
Belgique,
ainsi que l’ensemble des nombreux
documents médicaux concernant le requérant.
6.15
Le requérant fait valoir encore qu’il s’oppose à titre personnel aux mutilations génitales fémi
nines
;
le Conseil considère dès lors que cet aspect de la problématique doit aussi être examiné par la partie
défenderesse, d’autant plus que la fille du requérant a été reconnue réfugiée par le Conseil. I
l revient
dès lors
à la partie défenderesse d’éval
uer l’impact
sur le requérant
de la reconnaissance de la qualité
de réfugiée à
s
a fille.
6.16
Le Conseil ne disposant, pour sa part, d’aucun pouvoir d’instruction, il ne peut pas lui
-
même
récolter des informations précises relatives aux considérations et aux q
uestions développées
supra
.
6.17
En conséquence, conformément aux articles 39/2, § 1
er
, alinéa 2, 2°, et 39/76, § 2, de la loi du 15
décembre 1980, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, afin que le Commissaire général procède aux
mesures d’instructions
nécessaires, pour répondre aux questions
soulevées dans le présent arrêt
; c
es
mesures d’instruction complémentaires devront au minimum porter sur les points suivants, étant
entendu qu’il appartient aux deux parties de mettre tous les moyens utiles en œuvr
e afin de contribuer
à l’établissement des faits
:
Recueil et analyse d’informations
actualisées et précises
au sujet de la situation
politique
à
Djibouti, en fonction d
u
profil propre
au premier requérant
;
Analyse des nouveaux documents déposés par la
première
partie requérante a
u vu de sa
situation spécifique
, avec une attention particulière pour les
attestations de nature politique et
pour le
documents médicaux
;
Le cas échéant,
ten
ue d’une nouvelle audition de
la
première
partie requérante
pour éval
uer
ses
craintes de persécution, notamment en raison de son opposition à l’excision de sa fille
, ainsi
que l’impact
sur le requérant
de la reconnaissance de la qualité de réfugiée à
sa fille
.
6.18
En conséquence, conformément
aux articles 39/2, § 1
er
, alinéa 2
, 2°, et
à
l
’article
39/76, §
1
er
,
dernier alinéa
,
et
§
2,
les décisions attaquées
sont
annulée
s
en ce qui concerne la
première
et
deuxième
partie
s
requérante
s
, afin que le Commissaire général procède aux mesures d’instructions
nécessaires pour répondre au
x questions soulevées dans le présent arrêt.
6.19
Le Conseil ayant décidé d’annuler les décisions attaquées, il n’y a plus lieu de se prononcer sur la
demande de question préjudicielle, formulée dans la requête introductive d’instance.
PAR CES MOTIFS, LE C
ONSEIL DU CONTENTIEUX DES ETRANGERS DECIDE
:
Article 1
er
:
L
e recours est irrecevable
en ce qui concerne l
a quatrième
partie requérante
, à savoir le fils des parties
requérantes,
M.B.A.K.
CCE
x
-
Page
20
Article 2
:
La qualité de réfugiée est reconnue à la fille de
s p
arties requérantes
, à savoir
F.M.S.
Article 3
:
Les
décision
s
(CG/1
0
2
3582
Z
et
CG/1
0
2
3582B
Z
)
,
rendue
s
le
10 janvier
2013 par le Commissaire
général
aux réfugiés et aux apatrides
,
s
on
t annulée
s
en ce qui concerne l
es deux
première
s
partie
s
requérante
s.
Ar
ticle 4
:
L
es
affaire
s
s
on
t renvoyée
s
au Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides
en ce qui les
concerne
.
Ainsi prononcé à Bruxelles, en audience publique, le vingt
-
cinq novembre deux mille quatorze par
:
M. B. LOUIS,
président f.f., juge au
contentieux des étrangers,
Mme M. PILAETE,
greffier assumé.
Le greffier,
Le président,
M. PILAETE
B. LOUIS

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