Avis, Commission pour l'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence et aux sauveteurs occasionnels, 2022-06-03

JurisdictionBélgica
Judgment Date03 juin 2022
ECLIECLI:BE:COHSAV:2022:AVIS.20220603.12
Docket Number113/2022
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:COHSAV:2022:AVIS.20220603.12
CourtCommissie voor financiële hulp aan slachtoffers van opzettelijke gewelddaden en aan de occasionele redders

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Avis n° 113/2022 du 3 juin 2022

Objet : Avis concernant un avant-projet de loi visant à rendre la justice plus rapide, plus
humaine et plus ferme II (articles 18, 19, 37, 43, 44, 45, 47, 55 et 57) (CO-A-2022-086)

Le Centre de Connaissances de l'Autorité de protection des données (ci-après "l'Autorité"), en présence
de Messieurs Yves-Alexandre de Montjoye et Bart Preneel ;

Vu la loi du 3 décembre 2017 portant création de l'Autorité de protection des données , en particulier
les articles 23 et 26 (ci-après "la LCA") ;

Vu le Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la
protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la
libre circulation de ces données, et abrogeant la Directive 95/46/CE (Règlement général sur la
protection des données, ci-après le "RGPD") ;

Vu la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements
de données à caractère personnel (ci-après "la LTD") ;

Vu la demande d'avis de Monsieur Vincent Van Quickenborne, Vice-premier Ministre et Ministre de la
Justice et de la Mer du Nord (ci-après "le demandeur "), reçue le 01/04/2022 ;

Émet, le 3 juin 2022, l'avis suivant :

.
Avis 113/2022 - 2/24

I. OBJET DE LA DEMANDE D'AVIS

1. Le demandeur sollicite l’avis de l’Autorité concernant les articles 18, 19, 37, 43, 44, 45, 47, 55
et 57 d’un avant-projet de loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II
(ci-après "l’avant-projet" ou "l’avant-projet de loi").

2. Les dispositions susmentionnées apportent plusieurs modifications dans diverses lois qui
relèvent de la compétence du ministère de la Justice, notamment le Code d’instruction criminelle, la
Loi relative au Registre national1, le Code civil et la Loi sur les jeux de hasard2.

II. EXAMEN DE LA DEMANDE

a. Modifications du Code d’instruction criminelle (art. 18 et 19 de l’avant-projet)

3. Les articles 18 et 19 de l’avant-projet prévoient l’insertion de deux dispositions - articles 258/1
et 258/2 - dans le Code d’instruction criminelle (ci-après : "CIC"), sous le Titre II ("De la cour
d’assises") et plus précisément au Chapitre V, Section Ire ("Des fonctions du président"), qui prévoient
la possibilité d’effectuer des captations sonores ou audiovisuelles d’audiences devant la cour d'assises,
et ce d’une part au profit des victimes connues et de leurs avocats et, d’autre part, pour la constitution
d’archives historiques.

4. Les dispositions en question sont libellées comme suit :

“Art. 258/1. § 1er. Le président peut décider, dans l'intérêt de la bonne administration de la
justice, en raison soit de la disproportion entre, la capacité d'accueil physique de la cour
d’assises et le nombre de parties au procès, soit du grand nombre de victimes de nationalité
étrangère, que le déroulement de l'audience fera l'objet d'une captation sonore ou
audiovisuelle permettant sa diffusion [en] différé, par un moyen de télécommunication
garantissant la confidentialité de la transmission aux victimes et à leurs avocats qui ont fait la
demande d’accès à la diffusion.

§ 2. Le président peut toutefois interdire la diffusion de tout ou partie des débats afin de
garantir la sérénité des débats ou de prévenir un trouble à l'ordre public et peut à cette fin
interrompre l'émission à tout moment (...)”.

1
Loi du 8 août 1983 organisant un registre national des personnes physiques, M.B. du 21/04/1984.
2 Loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, M.B.
du 30/12/1999.
Avis 113/2022 - 3/24

Art. 258/2. "Sans préjudice du prescrit de l’article 258/1 le président peut décider que le
déroulement de l’audience fera l’objet d’une captation sonore ou audiovisuelle lorsque cette
captation présente un intérêt pour la constitution d'archives historiques de la justice.

En cas de captation sonore ou audiovisuelle, conformément à l'alinéa précédent et à l'article
258/1, le support numérique contenant la captation intégrale des débats est versé au dossier
pénal après la clôture des débats.”

5. De plus, l’article 18 de l’avant-projet prévoit des sanctions pénales (un emprisonnement de
six mois à deux ans et une amende de deux cents euros à dix mille euros) en cas d’enregistrement
des captations en question ou de leur diffusion à des tiers.

6. Dans l’Exposé des motifs de l’avant-projet, le demandeur explique que l’article 18 de l’avant-
projet vise à prévoir la possibilité d’effectuer une captation sonore ou audiovisuelle des débats à
l'audience permettant la diffusion en différé aux victimes connues et à leurs avocats. De plus, le
demandeur affirme que cette disposition vise principalement les audiences impliquant un nombre
important de parties au procès et/ou des victimes de nationalité étrangère qui ne peuvent pas être
présentes. Le demandeur précise que la disposition en projet s’inspire de la réglementation prévue à
l’article 802-3 du Code de procédure pénale français. Concernant l’article 19 de l’avant-projet, au sujet
des captations en vue de constituer des archives historiques de la justice, le demandeur fait aussi
référence à une disposition similaire en droit français.

7. Conformément à l’article 6.3 du RGPD, lu à la lumière du considérant 41 du RGPD 3, le
traitement de données à caractère personnel qui est nécessaire au respect d’une obligation légale 4
et/ou à l'exécution d'une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont
est investi le responsable du traitement5 doit être régi par une réglementation claire et précise dont
l’application doit être prévisible pour les personnes concernées. En outre, aux termes de l’article 22 de
la Constitution, il est nécessaire que les éléments essentiels du traitement de données soient définis
au moyen d’une norme légale formelle (loi, décret ou ordonnance).

8. Les traitements de données à caractère personnel auxquels l’avant-projet donne lieu reposent
sur l’article 6.1.e) du RGPD et engendrent une ingérence importante dans les droits et libertés des

3
“Lorsque le présent règlement fait référence à une base juridique ou à une mesure législative, cela ne signifie pas
nécessairement que l'adoption d'un acte législatif par un parlement est exigée, sans préjudice
des obligations prévues en vertu de l'ordre constitutionnel de l'État membre concerné. Cependant, cette base juridique- ou
cette mesure législative devrait être claire et précise et son application devrait être prévisible pour les justiciables, conformément
à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après dénommée "Cour de justice") et de la Cour européenne
des droits de l'homme ".
4
Article 6.1.c) du RGPD
5
Article 6.1.e) du RGPD.
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personnes concernées. L’Autorité constate en effet que les traitements envisagés impliquent
notamment la réalisation de captations sonores ou audiovisuelles d’audiences de la cour d’assises et
concernent dès lors des données sensibles telles que visées à l’article 10 du RGPD (données à caractère
personnel relatives aux infractions). Vu le caractère sensible des traitements envisagés et leur impact
sur le fonctionnement de l’ordre judiciaire, l’Autorité propose - dans la mesure où cela n’a pas encore
eu lieu - d’également demander l’avis du Conseil supérieur de la Justice à ce sujet.

9. En vertu de l’article 6.3 du RGPD, lu conjointement avec l’article 22 de la Constitution et
l’article 8 de la CEDH, une telle norme de rang législatif doit déterminer les circonstances dans
lesquelles un traitement de données est autorisé. Conformément aux principes de légalité et de
prévisibilité, cette norme législative doit ainsi, en tout cas, définir les éléments essentiels du (des)
traitement(s)6. Lorsque le(s) traitement(s) de données représente(nt) une ingérence importante dans
les droits et libertés des personnes concernées7, comme dans le cas présent, les éléments essentiels
suivants doivent être définis par le législateur :
- la (les) finalité(s) précise(s) et concrète(s) ;
- l’identité du (des) responsable(s) du traitement (à moins que cela ne soit clair) ;
- les (catégories de) données qui sont nécessaires à la réalisation de cette (ces)
finalité(s) ;
- les catégories de personnes concernées dont les données seront traitées ;
- le délai de conservation maximal des données ;
- les destinataires ou catégories de destinataires auxquels les données seront
communiquées et les circonstances dans lesquelles elles le seront, ainsi que les motifs
y afférents ;
- le cas échéant et dans la mesure où cela est nécessaire, la limitation des obligations
et/ou droits mentionné(e)s aux articles 5, 12 à 22 et 34 du RGPD.

10. En ce qui concerne le premier élément essentiel du (des) traitement(s) envisagé(s), l’Autorité
constate que les dispositions en projet en question de l’avant-projet de loi prévoient deux
traitements distincts avec différentes finalités, à savoir des captations sonores ou audiovisuelles
d’audiences de la cour d’assises au profit des victimes connues et de leurs avocats (A) d’une part et
des captations en vue de constituer des archives de la justice (B) d’autre part.

6
Voir DEGRAVE, E., "L’e-gouvernement et la protection de la vie privée – Légalité, transparence et contrôle", Collection du
CRIDS, Larcier, Bruxelles, 2014, p. 161 e.s. (voir e.a. : CEDH, Arrêt Rotaru c. Roumanie, 4 mai 2000) ; Voir également quelques
arrêts de la Cour constitutionnelle : l'Arrêt n° 44/2015 du 23 avril 2015 (p. 63), l'Arrêt n° 108/2017 du 5 octobre 2017 (p. 17)
et l'Arrêt n° 29/2018 du 15 mars 2018 (p. 26).
7
Il sera généralement question d'ingérence importante dans les droits et libertés des personnes concernées lorsqu'un traitement
de données présente une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : le traitement porte sur des catégories particulières de
données à caractère personnel (sensibles) au sens des articles 9 ou 10 du RGPD, le traitement...

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