Actualités en droit des faillites et du concordat

AuteurIvan Verougstraete
Occupation de l'auteurPrésident de la Cour de cassation
Pages291-338

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Introduction

1.- Un phénomène majeur a marqué l'évolution du droit de la faillite et du concordat au cours de la période récente : c'est la naissance d'un droit plus ou moins unifié de l'insolvabilité. Initialement le but du législateur de 1997 avait été de créer deux

institutions distinctes, la faillite destinée à liquider rapidement et dans l'intérêt des créanciers principalement les actifs du failli, d'une part, le concordat nouveau, destiné à protéger à titre provisoire le débiteur des demandes de ses créanciers privilégiés ou non.

L'évolution législative des deux lois et surtout l'influence des autres régimes juridiques européens dont aucun n'avait de loi pareille au concordat belge, ont eu raison de cette distinction au point que nous pouvons actuellement parler de droit de l'insolvabilité.

Nous n'aborderons pas, ci-après, deux lois l'une après l'autre, mais nous procéderons de façon thématique en évoquant successivement :

  1. l'évolution récente de l'organisation de la faillite et du concordat, avec une attention particulière concernant les aspects de droit international privé;

  2. les droits des faillis et le «fresh start»; c'est tout le problème de l'excusabilité qui sera évoqué;

  3. les problèmes des droits des créanciers dans le concordat et la faillite, et en particulier :

    - les sûretés et privilèges;

    - les implications fiscales de la faillite;

    - les droits équipollents aux sûretés;

    - les actions directes;

  4. la gestion de l'insolvabilité :

    - les contrats et contrats de travail;

    - les cessions d'entreprises.

    Le choix de ces thèmes a été dicté par leur évolution récente et impose de renoncer à examiner d'autres aspects du droit de l'insolvabilité qui semblent moins topiques que les thèmes sélectionnés ci-dessus.

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I Les évolutions en matière de compétence et d'organisation judiciaire
A Travaux en cours : les enquêtes commerciales, le concordat

2.- L'évolution vers un droit unifié de l'insolvabilité, fort présente en Europe, a également marqué le droit belge et cette évolution est encore en cours. Un groupe de travail a été instauré par la Ministre de la Justice pour refondre en profondeur le droit du concordat et le droit des enquêtes commerciales. Les activités de ce groupe de travail font suite à des activités du groupe de travail constitué à la FEB pour examiner l'opportunité d'une refonte des mesures préventives de la faillite.

Actuellement l'organisation du droit de l'insolvabilité est la suivante. Le président du tribunal de commerce organise la collecte de renseignements au sujet des entreprises commerciales. Si des éléments apparaissent, au cours de cette collecte plus ou moins systématique (et aidée par une entreprise de services commerciale, la société Graydon) pouvant faire apparaître qu'une menace de discontinuité plane sur l'entreprise, les chambres d'enquête commerciale peuvent se saisir d'office de l'examen de la situation dans le but d'examiner si l'entreprise ne doit pas être orientée vers une procédure de concordat (on voit donc la finalité limitée de ces enquêtes). Si la situation de faillite apparaît de cette enquête, la chambre d'enquêtes commerciale est tenue de communiquer le dossier au ministère public qui peut agir s'il le souhaite. S'il n'y a pas de signal de faillite, l'entreprise peut se redresser ellemême en choisissant les mesures appropriées (ou se mettre en liquidation).

Ce schéma classique n'a pas résisté complètement à l'épreuve de la pratique. L'ambiguité du rôle des chambres d'enquêtes commerciales a permis à certains tribunaux de développer des activités d'office importantes, d'autres sont restés nettement plus discrets. Les seuls points acquis sans discussion, et il sont d'importance même s'ils apparaissent être formulés de façon négative, sont que les enquêtes commerciales doivent s'abstenir de donner des conseils et que la faillite ne peut être prononcée d'office.

3.- Les réflexions en cours aboutissent à un constat qui se situe dans le prolongement de la loi de 1997. La législation doit faciliter les solutions négociées en matière d'insolvabilité et donc encourager les négociations et accords conclus hors tribunal. Les considérations qui ont étayé les nouvelles dispositions en matière de médiation contenues dans le code judiciaire ont joué ici aussi un rôle.

Ce choix pour la médiation et les arrangements pré-concordataires qui sous tend les projets gouvernementaux actuels n'était pas évident en matière de procédures collectives. Une tradition solidement ancrée dans les esprits veut que ce qui touche la faillite ou l'insolvabilité touche soit nécessairement d'ordre public. La Cour de cassation l'avait encore affirmé avec force en 1985, mais depuis lors est revenue sur cette position et a progressivement démantelé cette doctrine. Encore tout récemmentPage 295 un arrêt du 20 octobre 20051 a indiqué que le régime de la compensation dans le concordat pouvait faire l'objet de négociations et que les articles 7 et 8 de la loi hypothécaire n'étaient pas d'ordre public2.

B Les conditions de la faillite

4.- Un arrêt de la Cour de cassation qu'il ne m'appartient pas de commenter mais que je dois mentionner est un arrêt du 14 janvier 2005 relatif aux conditions de la faillite3. Il s'agit sans doute d'un point final à une longue controverse. La Cour y indique que les conditions de la faillite pour une société en liquidation sont sans doute les mêmes que celles de toute société mais qu'elles doivent être analysées in concreto. Si un liquidateur conserve la confiance de ses créanciers ou du moins d'une partie significative d'entre eux, le tribunal peut considérer qu'il n'y a pas de cessation de paiement et partant que la demande de faillite n'est pas fondée.

C Les problèmes de droit international privé
1. Introduction

5.- Des innovations majeures en droit de l'insolvabilité ont été apportées dans le cadre du droit international privé renouvelé. Un code du droit international privé a vu le jour qui a tenté de codifier les pratiques qui jusque là étaient essentiellement dérivées de la jurisprudence (loi du 16 juillet 2004).

En matière de droit de l'insolvabilité, il s'agissait en outre d'intégrer les normes européennes qui dans le règlement 1346/2000 avaient changé la donne en matière d'insolvabilité intra-européenne.

2. Domaine d'application

6.- Les dispositions du code de droit international privé relatives aux procédures collectives se retrouvent pour la plupart au chapitre XI du Code (articles 116 et suivants). Le code s'applique «aux procédures collectives fondées sur l'insolvabilité du débiteur» (article 116). L'article 117 donne les définitions nécessaires qui vont d'ailleurs révéler la conception d'une procédure unique d'insolvabilité : 1. la procédure d'insolvabilité est une procédure visée à l'article 116, en d'autres mots... une procédure fondée sur l'insolvabilité du débiteur.

C'est évidemment une tautologie qui se retrouve d'ailleurs partiellement dans le règlement communautaire 1346/2000, si ce n'est que dans ce règlement une annexe donne un sens à cette phrase en définissant ce que sont concrètement dans les droits nationaux les procédures collectives dont s'agit. En fait il conviendra de comprendrePage 296 ce bout de phrase comme un renvoi aux procédures collectives belges que sont la faillite, le règlement collectif de dettes et le concordat. Et ce malgré le fait que le concordat n'avait initialement pas été conçu comme une procédure d'insolvabilité.

7.- Le législateur entendait clairement soumettre toutes les procédures collectives au Code mais avec deux exceptions qui ont toutes leur importance. La première concerne toutes les procédures soumises au règlement européen. L'article 2 du Code précise que le code s'applique «sous réserve de l'application des traités internationaux, du droit de l'Union européenne ou de dispositions contenues dans des lois particulières».

8.- Le Code ne s'appliquera donc pas dans les cas où le règlement européen 1346/2000 s'applique ou lorsqu'il s'agit d'institutions de crédit ou d'assurance soumises aux directives 2001/17 et 2001/24. Ces directives ont créé un régime parfait pour ces deux secteurs pour lesquels prévaut un système européen réellement intégré. Ce n'est pas l'option qui a été suivie pour le règlement 1346/2000.

Les procédures d'insolvabilité relatives aux entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers ainsi qu'aux organismes de placement collectif échappent au règlement et...

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