Décision judiciaire de Conseil d'État, 30 mars 2022

Date de Résolution30 mars 2022
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 253.413 du 30 mars 2022

A. 233.623/XIII-9269

En cause : MAILIARD Sandrine, ayant élu domicile chez Me Alain LEBRUN, avocat, place de la Liberté 6 4030 Grivegnée,

contre :

  1. la ville de Huy, ayant élu domicile chez Me Sandra PIERRE, avocat, avenue Roi Albert 200 5300 Andenne,

  2. la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Martin ORBAN, avocat, Kaperberg 50 4700 Eupen.

    ------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet du recours

    Par une requête introduite le 10 mai 2021, Sandrine Mailiard sollicite d’une part, de condamner les parties adverses à une indemnité réparatrice de 1.748,69 euros, majorée des intérêts compensatoires au taux légal à compter des débours jusqu’à l’arrêt à intervenir et des intérêts moratoires au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir et jusqu’à complet paiement et, d’autre part, de condamner les parties adverses aux dépens liquidés à la somme de 1.620 euros qui produiront l’intérêt au taux légal à partir de la notification de l’arrêt à intervenir.

    II. Procédure

    Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

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    M. Michel Quintin, premier auditeur chef de section au Conseil d’État, a rédigé un rapport sur la base de l’article 25/3 du règlement général de procédure.

    Le rapport a été notifié aux parties.

    Les parties ont déposé un dernier mémoire.

    Par une ordonnance du 15 février 2022, l’affaire a été fixée à l’audience du 17 mars 2022.

    Mme Anne-Françoise Bolly, conseiller d’État, a exposé son rapport.

    Me Alain Lebrun, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me Sandra Pierre, avocat, comparaissant pour la première partie adverse, et Me Gabriele Weisgerber, loco Me Martin Orban, avocat, comparaissant pour la seconde partie adverse

    M. Michel Quintin, premier auditeur chef de section, a été entendu en son avis conforme.

    Il est fait application des dispositions relatives à l’emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.

    III. Faits

    Les faits utiles ont été exposés dans l’arrêt n° 249.890 du 23 février 2021 lequel annule la délibération du 17 novembre 2017 du collège communal de la ville de Huy qui accorde à P. B. et F. B. le permis d’urbanisme sollicité en vue de la construction d’une habitation à Huy, rue du Bois-Marie sur un terrain cadastré section A, n° 61R4. Il convient de s’y référer.

    IV. Recevabilité

    IV.1. Recevabilité ratione temporis

    IV.1.1. Thèse de la seconde partie adverse

    La seconde partie adverse soulève une exception d’irrecevabilité déduite de la tardiveté de la demande en soutenant que l’arrêt n° 249.890 du 23 février 2021

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    a été notifié aux parties le 11 mars 2021, que le délai de 60 jours a commencé à courir le 12 mars 2021 et expirait le 10 mai 2021, de sorte que la demande d’indemnité réparatrice déposée le 12 mai 2021 auprès du Conseil d’État doit être déclarée irrecevable ratione temporis.

    IV.1.2. Examen

    Aux termes de l’article 11bis, alinéa 2, 1ère phrase, des lois sur le Conseil d’État coordonnées le 12 janvier 1973, la demande d’indemnité est introduite au plus tard dans les soixante jours qui suivent la notification de l’arrêt ayant constaté l'illégalité.

    La notification de l’arrêt précité a été effectuée le 11 mars 2021 sous pli recommandé avec accusé de réception.

    Le délai venait donc à expiration le 10 mai 2021.

    La demande d’indemnité réparatrice a été envoyée le 10 mai 2021; elle est donc recevable ratione temporis.

    IV.2. Recevabilité de la demande en ce qu’elle vise la seconde partie adverse

    IV.2.1. Thèses des parties

    A . La partie requérante

    La demande d’indemnité réparatrice à l’examen tend à obtenir la condamnation « des parties adverses » au paiement de l’indemnité. La requérante considère que les deux parties adverses sont coauteurs d’un seul et même acte.

    Elle écrit dans son mémoire en réplique ce qui suit :

    L’article 11bis, alinéa 1er, des lois coordonnées évoque “une indemnité réparatrice à charge de l’auteur de l’acte”. L’auteur de l’acte est la seule première partie adverse. Toutefois, la demande a été dirigée également contre la Région wallonne dans la mesure où elle a été condamnée par l’arrêt d’annulation à une partie des dépens et où elle est intervenue en tant qu’autorité d’avis obligatoire sur l’acte administratif annulé et est en quelque sorte coauteur de l’acte

    .

    Dans son dernier mémoire, elle concède que mettre la seconde partie adverse à la cause n’est pas nécessairement pertinent.

    Elle ajoute cependant ce qui suit :

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    « Certes, la Commune pourrait se retourner de façon récursoire contre la Région wallonne mais le principe d’économie procédurale s’en trouverait ignoré. Il n’y aurait donc d’autres possibilités pour régler dans une seule et même procédure d’indemnité réparatrice le sort des relations entre parties que d’interroger la Cour constitutionnelle sur la conformité des lois coordonnées sur le Conseil d’État avec l’article 10 de la Constitution en ce qu’elles excluraient de régler dans le cadre de l’indemnité réparatrice le sort d’éventuels recours récursoires entre parties adverses et la possibilité pour le/la requérant(e) de solliciter directement une répartition de l’indemnité réparatrice entre pouvoirs publics à la base de l’acte annulé ».

    B. La première partie adverse

    Dans son dernier mémoire, la première partie adverse s’oppose à la mise hors de cause de la seconde partie adverse, estimant que l’avis de la fonctionnaire déléguée a été déterminant dans l’adoption du permis d’urbanisme annulé. Elle en veut pour preuve le fait que, dans cet avis, la fonctionnaire déléguée considère que la décision ministérielle du 31 janvier 2011 permet l’octroi du permis d’urbanisme sollicité, alors que cette interprétation a été sanctionnée par le Conseil d’État et a entraîné l’annulation de la décision. Elle en conclut que la seconde partie adverse a directement participé à la création du dommage dont la partie requérante postule le remboursement.

    C. La seconde partie adverse

    Dans son dernier mémoire, la seconde partie adverse conclut à l’irrecevabilité de la demande en ce qui la concerne. Elle estime que seule la ville de Huy dispose d’un pouvoir décisionnel, même si elle doit obligatoirement solliciter différents avis de différentes instances. Elle ajoute que la décision qui a été annulée ne devait pas être prise sur avis conforme de la fonctionnaire déléguée et que la ville de Huy restait libre de s’écarter de l’avis émis, moyennant due motivation.

    IV.2.2. Examen

    L’article 11bis des lois coordonnées sur le Conseil d’État dispose que l’indemnité réparatrice peut être allouée « à (la) charge de l’auteur de l’acte ».

    Il s’ensuit que seule peut être condamnée à payer l’indemnité, la partie adverse qui est l’auteur formel de l’acte attaqué à l’exclusion des autres parties adverses qui ont, le cas échéant, contribué à l’adoption de l’acte illégal.

    Saisie d’une question préjudicielle qui lui a été soumise par l’arrêt du Conseil d’État n° 242.967 du 16 novembre 2018, la Cour constitutionnelle a tranché

    XIII - 9269 - 4/23

    par la négative, dans son arrêt n° 68/2020 du 14 mai 2020, la question de savoir si l’article 11bis précité viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’il ne fait supporter la charge de l’indemnité réparatrice qu’à l’auteur de l’acte attaqué, à l’exclusion des parties qui ont concouru à l’élaboration de cet acte et qui ont été maintenues à la procédure en qualité de parties adverses dans le cadre de la procédure en annulation de l’acte en question.

    Elle a notamment jugé que « la circonstance que seule la partie adverse qui est l’auteur de l’acte illégal peut être condamnée par le Conseil d’État au paiement d’une indemnité réparatrice ne produit pas d’effets disproportionnés à son égard, cette autorité disposant de la possibilité d’introduire devant le juge civil une action en responsabilité dirigée contre l’autorité qui a contribué, totalement ou partiellement, à l’illégalité de l’acte au cours de l’élaboration de celui-ci » (considérant B.7).

    En l’espèce, l’acte illégal a été adopté par le collège communal de Huy seul, lequel a délivré le permis d’urbanisme sollicité. Au cours de la procédure administrative, le fonctionnaire délégué a émis un avis favorable conditionnel.

    En vertu de l’article 107, § 2, du Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et de patrimoine (CWATUP), alors applicable, dans les cas qui ne sont pas visés par le paragraphe premier de cette disposition, le permis est délivré par le collège communal sur l’avis préalable du fonctionnaire délégué.

    Le fait que, dans ces cas, l’avis du fonctionnaire délégué est un préalable obligatoire à l’octroi du permis d’urbanisme ne fait pas de celui-ci un coauteur de la décision attaquée.

    Par ailleurs, la circonstance que l’arrêt n° 249.890 du 23 février 2021 condamne la Région wallonne comme partie adverse à payer une partie des dépens dans la procédure en annulation du permis ne présente pas de pertinence pour juger si elle doit être condamnée, comme auteur de la décision illégale, au paiement de l’indemnité réparatrice réclamée sur la base de l’article 11bis des lois coordonnées sur le Conseil d’État.

    Par conséquent, la demande d’indemnité réparatrice est irrecevable en tant qu’elle tend à obtenir la condamnation de la Région wallonne.

    La question préjudicielle à la Cour constitutionnelle suggérée par la partie requérante dans son dernier mémoire est peu compréhensible et en tout état de

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    cause, n’indique pas quelles catégories de personnes se trouvent dans des situations similaires et font l’objet d’un traitement différent. Il n’y a pas lieu de la poser.

    La Région wallonne est mise hors de cause.

    V. Exposé du préjudice subi

    V.1. Thèses des parties

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