Décision judiciaire de Conseil d'État, 10 juin 2021

Date de Résolution10 juin 2021
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

XIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 250.862 du 10 juin 2021

A. 229.226/XI-22.719

En cause : XXX, ayant élu domicile chez Me Dounia ALAMAT, avocat, rue Émile Claus 4 1000 Bruxelles,

contre :

le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 27 septembre 2019, XXX a sollicité la cassation de l'arrêt n° 225.338 du 28 août 2019 rendu par le Conseil du contentieux des étrangers dans l’affaire 205.738/I.

II. Procédure devant le Conseil d’État

L’ordonnance nº 13.524 du 21 octobre 2019 a déclaré le recours en cassation admissible.

Le dossier de la procédure a été déposé.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été échangés.

M. Benoit Cuvelier, premier auditeur chef de section au Conseil d’État, a déposé un rapport rédigé sur la base de l’article 16 de l’arrêté royal du 30 novembre 2006 déterminant la procédure en cassation devant le Conseil d’État.

Une ordonnance du 3 mai 2021 a fixé l’affaire à l’audience de la XIe chambre du 31 mai 2021 et le rapport a été notifié aux parties.

XI - 22.719 - 1/33

M. Yves Houyet, président de chambre, a exposé son rapport.

Me Dounia Alamat, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Mme Stéphanie Gosseries, attaché, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendues en leurs observations.

M. Benoit Cuvelier, premier auditeur chef de section, a été entendu en son avis.

Il est fait application des dispositions relatives à l’emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.

Par application de l’article 14, alinéa 3, de l’arrêté royal du 30 novembre 2006 précité, le Conseil d’État statue au vu du mémoire en réplique qui se présente comme un mémoire de synthèse.

III. Faits utiles à l’examen de la cause

La partie requérante, de nationalité marocaine, a été condamnée, le 16 février 2006, par le tribunal correctionnel de Bruxelles à une peine de six ans d’emprisonnement pour participation aux activités d’un groupe terroriste. Ce jugement retient dans le chef de la partie requérante le fait d’avoir participé, en tant que membre dirigeant, aux activités de la cellule belge du « groupe islamique des combattants marocains » (GICM) ainsi que l’association de malfaiteurs, le faux et usage de faux et le séjour illégal.

Le 16 mars 2010, le requérant s’est déclaré réfugié, en invoquant la crainte de subir des persécutions en cas de retour au Maroc.

Cette demande d’asile a fait l’objet, le 8 décembre 2010, d’une décision du Commissaire général aux réfugiés l’excluant du bénéfice du statut de réfugié en application de l’article 55/2 de la loi du 15 décembre 1980 et de l’article 1er, section F, c, de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

Saisi d’un recours contre cette décision, le Conseil du contentieux des étrangers l’a annulée, le 13 janvier 2011, et a renvoyé le dossier au Commissaire général parce qu’il manquait au dossier des éléments essentiels qui impliquaient que le Conseil ne pouvait conclure à la confirmation ou à la réformation de la décision

XI - 22.719 - 2/33

attaquée sans qu’il soit procédé à des mesures d’instruction complémentaires.

Le 2 février 2011, le Commissaire général aux réfugiés a pris une nouvelle décision excluant le requérant du bénéfice du statut de réfugié. Saisi à nouveau, le Conseil du contentieux des étrangers a, par un arrêt du 3 mars 2011, annulé la décision attaquée et renvoyé le dossier au Commissaire général.

Le 24 mai 2011, le Commissaire général aux réfugiés a pris une troisième décision concluant à l’exclusion de la partie requérante du bénéfice du statut de réfugié. Par son arrêt n° 64.356 du 1er juillet 2011, le Conseil du contentieux des étrangers a reconnu à la partie requérante la qualité de réfugié. Cet arrêt a été cassé par l’arrêt du Conseil d’État n° 220.321 du 13 juillet 2012.

Le 12 février 2013, le Conseil du contentieux des étrangers a statué à nouveau sur le recours par un arrêt n° 96.933. Il a reconnu le statut de réfugié à la partie requérante. Cet arrêt a été cassé par l’arrêt n° 238.210 du 16 mai 2017, après que le Conseil d’État ait interrogé la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel par un arrêt n° 229.150 du 13 novembre 2014 et que la Cour de justice de l’Union européenne ait répondu par un arrêt C-573/14 du 31 janvier 2017.

Par un arrêt n° 225.338 du 28 août 2019, le Conseil du contentieux des étrangers a exclu le requérant du statut de réfugié et du statut de protection subsidiaire. Il s’agit de l’arrêt attaqué.

IV. Les moyens

Premier moyen

Le requérant prend un premier moyen de la violation « des articles 39/60, 39/65, 39/76, § 1er , de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers; de l’article 149 de la Constitution; des articles 2 et 780, alinéa 1er, 3° du Code judiciaire; des articles 1319, 1320, et 1322 du Code civil, du principe de la foi due aux actes; des articles 4, 18 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne; des articles 3, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales; de l’article 15 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations Unies du 10 décembre 1984 ».

Le requérant critique les points 22 et 23 de l’arrêt attaqué.

XI - 22.719 - 3/33

Première branche

Le requérant soutient que « la décision administrative attaquée devant le CCE date de mai 2011, de sorte qu’il est manifeste que les éléments communiqués par le CGRA le 11 octobre 2018, le nouveau motif d’exclusion introduit par la loi du 21 novembre 2017, l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 25 septembre 2012, l’arrêt de la CJUE du 31 janvier 2017 et l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 mai 2017, constituent des éléments nouveaux au sens de l’article 39/76 de la loi du 15 décembre 1980 », qu’en « écartant des débats la note complémentaire du 28 juin 2019, relative à des éléments nouveaux au sens de la loi, l’arrêt attaqué viole l’article 39/76 de la loi du 15 décembre 1980 », qu’en « considérant que cette note ne serait pas relative à des éléments nouveaux, l’arrêt attaqué viole la foi due à ladite note en donnant de cette pièce une interprétation inconciliable avec ses termes », que « la note complémentaire du 16 août 2019 précise, quant à elle, qu’elle constitue une réponse à une note complémentaire du CGRA du 13 août 2019 », qu’elle « synthétise également les éléments relevés par les arrêts du CCE de 2011 et 2013, ayant reconnu la qualité de réfugié au requérant, afin d’analyser la gravité des faits précis reprochés au requérant, sous le prisme de l’arrêt de la CJUE du 31 janvier 2017 », qu’elle « appuie la demande de remise formulée par le requérant le 6 août 2019, compte tenu du maintien de l’audience », qu’elle « communique enfin des pièces complémentaires : un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 29 mai 2019, une communication au Comité contre la torture des Nations Unies du 17 mars 2017, une mesure provisoire du Comité des droits de l’homme des Nations Unies du 12 mars 2019 », que « la décision administrative attaquée devant le CCE date de mai 2011, de sorte qu’il est manifeste que l’analyse des arrêts subséquents du CCE (2011 et 2013), la note complémentaire du CGRA d’août 2019, la demande de remise en raison de la fixation de l’affaire GICM devant la Cour d’appel de Mons en date du 21 novembre 2019, et les pièces complémentaires jointes, datant de 2017 et 2019, constituent des éléments nouveaux », qu’en « écartant des débats la note complémentaire du 16 août 2019, relative à des éléments nouveaux au sens de la loi, l’arrêt attaqué viole l’article 39/76 de la loi du 15 décembre 1980 » et qu’en « indiquant que cette note ne serait pas relative à des éléments nouveaux, l’arrêt attaqué viole la foi due à ladite note en donnant de cette pièce une interprétation inconciliable avec ses termes ».

Deuxième branche

Le requérant soutient que « l’arrêt du CCE contient une contradiction dans ses motifs, qui équivaut à une absence de motivation, en ce qu’il écarte des débats les notes complémentaires, parce qu’elles ne seraient pas relatives à des éléments nouveaux, tout en indiquant que ces notes sont utiles aux débats – dont elles

XI - 22.719 - 4/33

viennent d’être exclues – en raison de l’écoulement du temps et des développements procéduraux intervenus depuis l’adoption de la décision attaquée », que « cela équivaut en effet à considérer les notes complémentaires du 28 juin 2019 et du 16 août 2019 à la fois comme ne faisant pas état d’éléments nouveaux, tout en admettant qu’elles traitent utilement de tels éléments », que « la demande d’asile du requérant vise à sauvegarder son intégrité physique et psychologique », que « (…) lorsqu’un grief défendable est invoqué par un individu, les juridictions internes ont le devoir de l’examiner de manière approfondie, concrète et effective, en tenant compte de tous les éléments portés utilement à leur connaissance » et que « dans cette mesure, en écartant les notes complémentaires des 28 juin 2019 et 16 août 2019 des débats, tout en reconnaissant leur utilité pour lesdits débats, vu l’écoulement du temps et les développements procéduraux intervenus depuis l’adoption de la décision attaquée, l’arrêt attaqué réduit, sans motif, l’effectivité du recours ouvert au requérant ».

Troisième branche

Le requérant soutient que « les notes complémentaires des 28 juin 2019 et 16 août 2019 sont relatives à des évènements survenus postérieurement à mai 2011 », que « l’arrêt attaqué écarte ces notes complémentaires », qu’il « est dès lors contradictoire de soutenir que les éléments qui y sont développés pourront soutenir utilement la plaidoirie du conseil du...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT