Décision judiciaire de Conseil d'État, 23 juillet 2020

Date de Résolution23 juillet 2020
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

LE PRÉSIDENT DE LA VIe CHAMBRE DES VACATIONS

SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

À R R ÊT

nº 248.077 du 23 juillet 2020

  1. 231.164/VI-21.795

    En cause : La société à responsabilité limitée

    MSD BELGIUM, ayant élu domicile chez

    Mes Julien GAUL, Vera VAN THUYNE et Kirian CLAEYÉ, avocats,

    Avenue du Port, 86c, bte 414 1000 Bruxelles

    contre :

    Le Centre Hospitalier de la Citadelle,

    en abrégé C.H.R. de la Citadelle, ayant élu domicile chez

    Me Renaud SIMAR, avocat, Place des Nations-Unies 7 4020 Liège.

    Partie intervenante :

    La société anonyme SANDOZ,

    ayant élu domicile chez

    Mes Stijn BUTENAERTS et Simon LEFEBVRE, avocats, Boulevard Léopold II, 180 1080 Bruxelles.

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    I. Objet de la requête

    Par une requête introduite le 2 juillet 2020, la société à responsabilité limitée MSD BELGIUM demande la suspension, selon la procédure d’extrême urgence, de l’exécution de « la décision du 17 avril 2020 et de la décision motivée "sous réserve d’approbation" du 24 avril 2020 du bureau exécutif de la partie adverse ayant, entre autres, pour objet d’"Attribuer à la firme SANDOZ s.a. (Vilvoorde) le marché basé sur un accord-cadre relatif à la fourniture d’infliximab 100mg pendant 4 ans, pour un montant minimum de 450.000 euros HTVA et un

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    montant maximum de 800.000 euros HTVA, sachant que le prix unitaire s’élève à 64,99 euros HTVA"» ainsi que de « l’éventuelle décision subséquente (à date inconnue et non-notifiée) d’approbation qui aurait dû être prise ».

    II. Procédure

    Par une ordonnance du 3 juillet 2020, l’affaire a été fixée à l’audience du 13 juillet 2020.

    La partie adverse a déposé une note d’observations et le dossier administratif.

    Par une requête introduite le 10 juillet 2020, la société anonyme SANDOZ demande à être reçue en qualité de partie intervenante.

    La contribution et les droits visés respectivement aux articles 66, 6°, et 70 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État ont été acquittés.

    Mme Florence Piret, conseiller d’État, Président f.f., a exposé son rapport.

    Mes Julien GAUL et Vera VAN THUYNE, avocats, comparaissant pour la partie requérante, Me Renaud SIMAR, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Mes Simon LEFEBVRE et Barbara SPELEERS, avocats, comparaissant pour la partie intervenante, ont été entendus en leurs observations.

    Mme Geneviève MARTOU, premier auditeur au Conseil d’État, a été entendue en son avis conforme.

    Il est fait application des dispositions relatives à l’emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.

    III. Exposé des faits utiles

    1. Le 7 février 2020, le bureau exécutif de la partie adverse décide de lancer un marché ayant pour objet la fourniture d’Infliximab 100mg poudre pour solution à diluer pour perfusion. Vu que « les quantités ne peuvent être déterminées à ce stade », il est prévu de conclure un accord-cadre dont le montant estimé est de « minimum 450.000 euros HTVA et de maximum 800.000 euros HTVA pour toute

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    la durée du marché » fixée à quatre ans. Le marché est passé en procédure ouverte avec publicité européenne. Le seul critère d’attribution est le prix.

    1. Les 10 et 13 février 2020, des avis de marché sont publiés au Bulletin des Adjudications et au Journal Officiel de l’Union européenne. Des avis rectificatifs sont publiés les 27 février et 2 mars 2020.

      En cours de procédure, la partie adverse répond à diverses questions posées, dont l’une concerne le volume du marché (quantités).

      Il y est répondu ce qui suit :

      Le marché est un accord-cadre et le pouvoir adjudicateur s’engage sur un montant et non des quantités […] À titre purement indicatif, le CHR a commandé 1700 pièces en 2019.

      .

      Trois offres sont déposées. Les prix unitaires TVAC proposés sont les suivants :

      - BIOGEN BELGIUM NV : 97,16 euros - MSD BELGIUM BVBA : 405,22 euros - SANDOZ SA : 68,89 euros

    2. Le 18 mars 2020, la partie adverse demande à chacun des trois soumissionnaires une « justification [pour] prix anormal », « en application de l’article 36 de l’arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques ».

      Les soumissionnaires répondent succinctement à cette demande.

      Dans le rapport d’examen des offres, il est, à ce propos, mentionné ce qui suit :

      Examen des prix unitaires et totaux anormaux

      Les prix unitaires des offres étant très différents les uns des autres, il a été décidé d’interroger les 3 soumissionnaires quant à la normalité de leur[s] prix.

      Les 3 ont justifié leur[s] prix (deux d’entre eux sont des produits génériques, le 3ème est l’original).

      Leurs justifications sont acceptées

      .

      Il est conclu que les trois offres sont régulières.

    3. Le 24 avril 2020, le bureau exécutif de la partie adverse décide, sur la base du rapport d’examen des offres, d’attribuer à la partie intervenante « le marché

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      basé sur l’accord-cadre relatif à la fourniture d’infliximab 100mg pendant 4 ans, pour un montant minimum de 450.000 euros HTVA et un montant de 800.000 euros HTVA, sachant que le prix unitaire s’élève à 64,99 euros HTVA ».

      Il s’agit du deuxième acte attaqué.

    4. Par un courrier du 8 juin 2020, l’autorité de tutelle décide, dans le cadre de la tutelle générale d’annulation, que la délibération du 24 avril 2020 précitée « n’appelle aucune mesure de tutelle et qu’elle est donc devenue pleinement exécutoire ».

    5. Par un courrier recommandé envoyé à une date indéterminée, la décision motivée du 24 avril 2020 et le rapport d’examen des offres sont notifiés à la requérante, qui déclare les avoir reçus le 17 juin 2020. Un courriel est envoyé le 15 juin 2020 à l’attention de la requérante, mais à une adresse e-mail erronée, en sorte qu’il n’atteint pas son destinataire.

      IV. Intervention

      Par une requête introduite le 10 juillet 2020, la société anonyme SANDOZ demande à intervenir dans la procédure en référé d’extrême urgence.

      En tant que bénéficiaire du marché litigieux, elle a un intérêt suffisant à intervenir dans le cadre de la présente procédure. Il y a lieu d’accueillir cette requête.

      V. Compétence du Conseil d’État

      V.1. Thèses des parties

      La partie intervenante conteste, dans sa requête, la compétence du Conseil d’État pour connaître du présent recours. Se référant à plusieurs arrêts rendus par la Cour de cassation, elle soutient que le C.R.H. de la Citadelle n’a pas agi, en tant qu’autorité administrative, dès lors qu’il est une société coopérative à responsabilité limitée qui ne dispose pas de l’imperium permettant de conférer à une personne morale de droit privé la qualité d’autorité administrative au sens de l’article 14, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d’État. Elle ajoute que le fait qu’une personne morale de droit privé compte parmi ses membres des personnes morales de droit public n’implique pas, par ce seul fait, qu’elle puisse être considérée comme une autorité administrative, alors que la requérante ne démontre pas que le C.H.R. de la Citadelle pourrait prendre des décisions contraignantes pour

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      des tiers et que l’attribution d’un marché public n’est pas une décision créant des obligations à l’égard de tiers.

      En termes de plaidoiries, la requérante explique avoir reçu, une heure avant l’audience, la requête en intervention et pris connaissance de l’exception d’incompétence qui y est soulevée. Elle renvoie à l’arrêt n° 247.300 du 12 mars 2020, par lequel le Conseil d’État a ordonné la suspension de l’exécution d’une décision prise par le bureau exécutif du C.H.R. de la Citadelle, en matière de marché public, ce qui, selon elle, suffit à démontrer que le Conseil d’État est bien compétent pour connaître du présent recours. La partie adverse fait, quant à elle, valoir que le C.H.R. de la Citadelle est une intercommunale qui est composée de pouvoirs publics et contrôlée par des pouvoirs publics qui sont membres de son conseil d’administration. Selon elle, l’intercommunale remplit les critères organique et fonctionnel (missions de services publics) pour être qualifiée d’autorité administrative.

      V.2. Appréciation du Conseil d’État

      La présente de demande de suspension d’extrême urgence est introduite sur la base de l’article 15 de la loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l’information et aux voies de recours en matière...

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