Décision judiciaire de Conseil d'État, 1 juillet 2020

Date de Résolution 1 juillet 2020
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

VIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 247.981 du 1er juillet 2020

A. 221.737/VI-20.991

En cause : de SPA Gauthier, ayant élu domicile chez

Mes Etienne GREGOIRE et Antoine GREGOIRE, avocats, avenue Blonden 21 4000 Liège,

contre :

1. le bourgmestre de la ville de Liège, 2. la ville de Liège,

ayant élu domicile chez

Me Nathalie VAN DAMME, avocate, place des Nations Unies 7 4020 Liège.

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I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 17 mars 2017, Gauthier de SPA demande l'annulation de « la décision du Bourgmestre de la Ville de Liège du 2 janvier 2017 décrétant comme inhabitables tous les logements de l'immeuble situé à 4000 liège, rue Saint-Gilles, 260 appartenant à Monsieur Gauthier de Spa et ordonnant aux occupants d'évacuer leur logement dans un délai de trois mois à dater de la prise du présent arrêté et ordonnant au propriétaire d'interdire l'occupation de l'immeuble ».

II. Procédure

Le dossier administratif a été déposé.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

M. Lionel Renders, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

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Le rapport a été notifié aux parties.

Les derniers mémoires ont été déposés.

Par une ordonnance du 21 novembre 2019, l'affaire a été fixée à l'audience du 18 décembre 2019.

Par une lettre du 3 décembre 2019, l'affaire a été remise à l'audience du 15 janvier 2020.

Par une lettre du 8 janvier 2020, l'affaire a été remise à l'audience du 4 mars 2020.

Les droits visés à l'article 70 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État ont été acquittés.

Mme Florence Piret, conseiller d'État, a exposé son rapport.

Me Antoine Gregoire, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Florence Natalis, loco Me Nathalie Van Damme, avocate, comparaissant pour les parties adverses, ont été entendus en leurs observations.

M. Lionel Renders, auditeur, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Exposé des faits utiles

1. Par un acte authentique du 11 février 1988, le père du requérant achète une maison d’habitation sise rue Saint-Gilles, 260 à 4000 Liège, d’une contenance de 140 m² et comprenant neuf kots pour étudiants (logement collectif) ainsi qu’un studio d’une superficie supérieure à 28 m².

  1. Le 16 mai 2014, la SRCL INTERCOMMUNALE D’INCENDIE DE LIEGE ET ENVIRONS (IILE) procède à une inspection de l’immeuble précité, en

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    présence du père du requérant, à la suite d’une demande de permis de location introduite pour les logements qu’il abrite.

  2. Le 20 mai 2014, l’IILE établit, à la suite de cette visite, un rapport à l’adresse du Bourgmestre de la Ville de Liège. Diverses remarques y sont formulées en matière d’aménagements intérieurs, de compartimentage, de résistance au feu, de chauffage, de détection de fumée, d’évacuation-sorties de secours, d’électricitééclairage de sécurité, de moyens de lutte contre l’incendie, de signalisation et de contrôle périodique.

    Il est notamment précisé, au point 7, a), de ce rapport que « [l]’installation électrique de l’ensemble des bâtiments devra être contrôlée par un organisme agréé par le Service Public Fédéral Economie, P.M.E., Classes Moyennes et Energie », que « [l]es remarques et infractions reprises au rapport délivré par cet organisme devront recevoir une suite adéquate sans délai » et que les documents de contrôle des installations électriques, notamment, seront tenus à la disposition de l’IILE « lors de l’inspection définitive des travaux […]».

  3. Par un courrier du 10 juillet 2014, le Bourgmestre de la Ville de Liège écrit au père du requérant pour lui communiquer le contenu du rapport du 20 mai 2014 de l’IILE et pour le mettre en demeure de satisfaire à l’ensemble des prescriptions pour le 1er décembre 2014 au plus tard.

    Il est également précisé ce qui suit :

    Par ailleurs, en ce qui concerne le point 7, les attestations de contrôle des installations électriques, vierges de remarque et infraction établies par un organisme agréé devront être transmises au Service de Sécurité et Salubrité publiques et à l’Intercommunale d’Incendie de Liège et Environs dans le même délai.

    Il sera procédé à un contrôle. Si les travaux n’étaient pas réalisés ni les attestations de conformité précitées produites dans le délai précité, je pourrais être amené à prendre un arrêté d’inhabitabilité pour votre immeuble

    .

  4. Par un courriel du 30 novembre 2014, le requérant écrit au service Logement et au service Sécurité et Salubrité publiques (S.S.S.P.) de la Ville de Liège, ainsi qu’à l’IILE, pour contester plusieurs points du rapport de visite du 20 mai 2014 pour le bien de son père. Le requérant indique notamment, dans ce courriel, que les attestations de conformité d’électricité « ont été déposées à la ville au 1er trimestre 2014 ».

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    6. En 2015, le requérant et son frère héritent de l’immeuble de leur père.

  5. Le 15 octobre 2015, le service Sécurité et Salubrité publiques de la Ville de Liège établit un rapport de suivi de dossier au terme duquel il est proposé la prise d’un arrêté d’inhabitabilité pour l’immeuble concerné. Cet avis est motivé de la manière suivante :

    Sur la base de l’indicateur de notre service consulté ce 18/09/2015, le point 7 du iile du 20/05/2014 n’a pas reçu de suite favorable (aucun document de contrôle de l’installation électrique n’a été transmis à notre service et à celui de l’iile). L’absence d’attestation de conformité des installations électriques implique qu’il n’y a pas de garantie que ces installations présentent les conditions de sécurité nécessaires afin d’éviter : - tout risque d’électrocution (vérification de la continuité et de la résistance à la terre non réalisée, efficacité du différentiel non vérifiée, vérification si l’isolation du circuit est suffisante,…) ; - tout risque d’incendie (vérification de la section des câbles suffisante pour éviter tout échauffement)

    .

    Il est encore précisé que la levée de l’arrêté d’inhabitabilité sera conditionnée à la fourniture « à notre service » d’ « un contrôle des installations électriques (de l’immeuble) par un organisme agréé par le SPF Economie, lequel délivrera une attestation de conformité […] » et que « [v]u le délai échu, il convient de demander le passage de l’IILE pour le rapport du 20/05/2014 ».

  6. Le 16 octobre 2015, le requérant écrit au Bourgmestre la Ville de Liège pour répéter et préciser ses griefs à l’encontre du rapport du 20 mai 2014. Il y est mentionné que les attestations de conformité des installations électriques ont été remises à la Ville de Liège au début du mois de mai 2014.

  7. Par un courrier du 17 décembre 2015, le Bourgmestre de la Ville de Liège écrit ce qui suit au requérant :

    Il me revient que vous avez acquis la propriété de l’immeuble dont objet.

    Je me dois de vous avertir que, par courrier du 10 juillet 2014 dont vous trouverez copie en annexe, je demandais à feu votre père, de se conformer à diverses prescriptions de sécurité et, dans un même temps, je lui octroyais un délai afin d’y apporter la suite voulue.

    À l’heure actuelle, rien ne me permet de conclure qu’une suite favorable a été réservée à ma demande. Aussi, comme annoncé dans mon courrier susvisé, j’envisage donc de décréter l’inhabitabilité de votre immeuble.

    J’ignore si vous avez été mis au courant de la situation mais, en toute hypothèse, il m’incombe de porter à votre connaissance que les impératifs de sécurité

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    publique m’obligent à poursuivre la procédure indépendamment de la mutation intervenue au niveau de la propriété de l’immeuble.

    Un délai de 21 jours vous est toutefois laissé afin de faire connaître vos observations et remarques éventuelles.

    Passé ce délai, l'arrêté pourra intervenir.

    Vos remarques peuvent être adressées par écrit ou vous pouvez solliciter une entrevue avec Mme [I.D.] […]. Lors de cette audition, vous pourrez vous faire assister de la personne de votre choix

    .

  8. Le 7 janvier 2016, le conseil du requérant écrit au S.S.S.P. de la Ville de Liège afin qu’une réunion sur place soit organisée « en sa présence avec un représentant du service de prévention de l’Intercommunale incendie et un représentant du service de sécurité et de salubrité de la Ville de Liège ». Il ajoute que son client « ignore actuellement concrètement quelles sont les exigences en matière de sécurité contre les incendies et en matière de salubrité » et qu’il « considère que les appréciations actuelles des autorités administratives sont théoriques, déconnectées de la réalité et ne correspondent pas aux particularités de l’immeuble ».

  9. Le 21 avril 2016, le Bourgmestre de la Ville de Liège répond au courrier du 7 janvier 2016 du conseil du requérant en ces termes :

    […] Actuellement […] les exigences en matière de sécurité incendie restent celles figurant dans le rapport du service d’incendie du 20/05/2014.

    Ce rapport a été prescrit par mon courrier du 10/07/2014 et comme le délai imparti (01/12/2014) est venu à expiration sans que, à tout le moins et dans un premier temps, les attestations de contrôle des installations électriques soient présentées, j’ai averti les propriétaires actuels par mon courrier du 17/12/2015 de mon intention de déclarer l’immeuble inhabitable.

    Au stade actuel du dossier, la réunion in situ en présence d’un représentant du service d’incendie et du service communal de la Sécurité et de la Salubrité publiques est une démarche qui n’a pas cours à l’administration communale de Liège.

    Par contre, et conformément à l’adage audit alteram partem, il est toujours possible à...

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