Décision judiciaire de Conseil d'État, 30 juin 2020

Date de Résolution30 juin 2020
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 247.961 du 30 juin 2020

A. 222.575/XIII-8060

En cause : MEEUS Philippe, ayant élu domicile chez

Me Bart DE BECKER, avocat, Loofstraat 39 8500 Courtrai,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez

Me Martin ORBAN, avocat, Kaperberg 50 4700 Eupen.

Partie intervenante :

la société anonyme MENEBA TAELMAN,

ayant élu domicile chez Mes Francis HAUMONT et Fabrice EVRARD, avocats, chemin du Stocquoy 1 1300 Wavre.

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I. Objet de la requête

Par une requête introduite par la voie électronique le 6 juillet 2017, Philippe MEEUS demande l'annulation du permis unique délivré le 10 avril 2017 par le Ministre ayant l'Environnement et de l'Aménagement du territoire dans ses attributions, à la société anonyme (SA) MENEBA TAELMAN portant sur la construction de six nouveaux silos pour le stockage de farine et sur le renouvellement anticipé du permis d'environnement de l'ensemble de l'établissement sur un bien sis, rue de Bossuit 7, à Celles.

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II. Procédure

Par une requête introduite le 28 juillet 2017, la SA MENEBA TAELMAN a demandé à être reçue en qualité de partie intervenante.

Cette intervention a été accueillie par une ordonnance du 10 août 2017.

Le dossier administratif a été déposé.

Un mémoire en réponse a été déposé.

Un mémoire en intervention a été déposé.

M. Raphaël Born, auditeur au Conseil d'État, a rédigé une note demandant l’application de l’article 14bis du règlement général de procédure.

Un arrêt nº 239.661 du 26 octobre 2017 a ordonné la reprise de la procédure. Il a été notifié aux parties.

Un mémoire en réplique a été déposé.

M. Raphaël Born, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l’article 12 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties ont déposé un dernier mémoire.

Avec l'accord de toutes les parties, l'affaire a été traitée conformément à l'article 3 de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux nº 12 du 21 avril 2020 concernant la prorogation des délais de procédure devant le Conseil d'État et la procédure écrite, tel que modifié par les arrêtés royaux du 4 mai 2020 et du 18 mai 2020.

Mme Gaëlle Werquin, auditeur adjoint, a rédigé un avis conforme.

À la suite de la communication de cet avis aux parties, les débats ont été clos et l'affaire mise en délibéré le 9 juin 2020.

Il est fait application des dispositions relatives à l’emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.

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III. Faits

1. Le 22 décembre 2015, la partie intervenante introduit une demande de permis unique ayant pour objet le renouvellement du permis d'environnement de l'ensemble de l'établissement existant et l'extension de celui-ci par la construction et l'exploitation de six nouveaux silos pour le stockage de farine, ceux-ci étant installés dans une seule et unique tour.

  1. L'établissement concerné est situé en zone agricole au plan de secteur de Tournai-Leuze-Peruwelz. Il est également repris dans un périmètre d'intérêt paysager.

  2. Après l'introduction de compléments par la demanderesse de permis, les fonctionnaires technique et délégué jugent la demande complète et recevable en date du 18 août 2016.

  3. Une enquête publique est organisée du 29 août au 12 septembre 2016. À cette occasion, deux lettres de réclamation sont adressées, dont une provenant de la partie requérante.

  4. Les avis suivants sont donnés :

    - 12 septembre 2016 : avis favorable conditionnel de la cellule bruit du Service public de Wallonie (S.P.W.) ;

    - 14 septembre 2016) : avis favorable du département du développement rural

    (DGO3 du S.P.W.) ; - 14 septembre 2016 : avis favorable conditionnel de l’agence wallonne de l'air et du climat (AWAC) ; - 13 septembre 2016 : avis favorable conditionnel de la cellule des risques d'accidents majeurs ; - 14 septembre 2016 : avis favorable conditionnel de l’office wallon des déchets

    (O.W.D.) ; - 6 octobre 2016 : avis favorable conditionnel du service régional d'incendie

    (S.R.I.) ; - 7 octobre 2016 : avis favorable conditionnel de la direction des eaux de surface.

  5. Le 25 novembre 2016, les fonctionnaires technique et délégué compétents en première instance rédigent un rapport de synthèse défavorable.

  6. Par une décision du 9 décembre 2016, le collège communal de Celles refuse le permis unique sollicité.

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    8. Le 28 décembre 2016, la partie intervenante introduit, par l'intermédiaire de son conseil, un recours administratif à l'encontre de cette décision auprès du Gouvernement wallon.

  7. Le 20 mars 2017, les fonctionnaires technique et délégué compétents sur recours émettent un avis respectivement favorable sur le volet environnemental du projet et défavorable sur le volet urbanistique. Ce faisant, ils proposent de confirmer la décision dont recours et de refuser l'autorisation sollicitée.

  8. Le 10 avril 2017, le ministre octroie le permis unique sollicité moyennant le respect de conditions. Il s'agit de l'acte attaqué.

    IV. Premier moyen

    IV.1. Thèse du requérant

    Le premier moyen est pris de la violation « des articles 35, 111 et 114 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine (CWATUP), du plan de secteur de Tournai-Leuze-Péruwelz (approuvé par arrêté royal du 24 juillet 1981), des articles 1 à 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs et du principe de bonne administration, et plus précisément, du devoir de minutie ».

    Le requérant rappelle que la demande de permis unique n'est pas conforme à la destination générale de la zone agricole du plan de secteur. Il constate que la partie adverse autorise une dérogation au plan de secteur sur la base des articles 111 et 114 du CWATUP, qui doivent être interprétés restrictivement, sur la base d’une motivation qui n’est pas complète, précise, pertinente et adéquate, vu que la partie adverse n’a pas vérifié si la demande est conforme aux conditions d’application des dispositions précitées.

    Dans une première branche, il soutient que les six nouveaux silos litigieux ne constituent ni une transformation, ni un agrandissement, ni une reconstruction d’une construction existante, mais bien une nouvelle construction, ce qui n’est pas autorisé en application de l’article 111 du CWATUP.

    Il estime aussi que le demandeur de permis qui sollicite l'application de ce même article doit établir que le bâtiment à transformer existait de manière régulière avant l'entrée en vigueur du plan de secteur. Selon lui, la motivation du permis attaqué ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles l'auteur du

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    permis attaqué ne s'est pas expressément prononcé, de manière claire et explicite, à ce sujet.

    Il se réfère, par ailleurs, à l’article 111, alinéa 2, du CWATUP en relevant, cependant, que la décision attaquée n’a pas fait application de cette disposition, ce qui relève du pouvoir d’appréciation de l’autorité administrative, à l’exclusion du Conseil d’État.

    Il observe, enfin, que l’article 111 du CWATUP exige que le projet respecte, structure ou recompose les lignes de forces du paysage. Il l’interprète comme exigeant que l'autorité ait une perception exacte des lignes de force du paysage, se représente ensuite l'impact du projet sur celles-ci et établisse enfin la manière selon laquelle, à son sens, le projet respecte les lignes de force du paysage ou les structure ou encore les recompose, cette analyse devant ressortir de la motivation formelle du permis.

    Il affirme que la décision attaquée n’est pas motivée sur cette condition d’application de la disposition précitée et que l'autorité de recours avait une perception insuffisamment concrète, précise et exacte des lignes de force du paysage dans lequel s'implante le projet litigieux. Il est d'avis que la motivation de la décision attaquée se limite aux arguments économiques de la partie intervenante et qu’elle n’est donc pas adéquatement motivée au regard du bon aménagement des lieux. Il reproche en outre à la partie adverse de ne pas avoir étudié les alternatives.

    Dans une seconde branche, il considère que la partie adverse reste en défaut de justifier le caractère...

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