Décision judiciaire de Conseil d'État, 31 mars 2020

Date de Résolution31 mars 2020
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

VIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 247.358 du 31 mars 2020

A. 216.265/VIII-10.714

En cause : l’association sans but lucratif

VLAAMS KOMITEE BRUSSEL, ayant élu domicile chez Me Luc VAN CANEGHEM, avocat, boulevard du Jubilé 96 1080 Bruxelles,

contre :

la commune de Saint-Gilles, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, ayant élu domicile chez Me Jean LAURENT, avocat, avenue Louise 250 1050 Bruxelles.

Partie intervenante :

BATITEYAU-LOWESEYA Patrick, ayant élu domicile chez Me Jean LAURENT, avocat, avenue Louise 250 1050 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 25 juin 2015, l’association sans but lucratif Vlaams Komitee Brussel demande l’annulation de « [d]e beslissing van de raad van [de gemeente Sint-Gillis] d.d. 15 januari 2015, strekkende tot aanwerving van de heer Patrick Batiteyau-Loweseya voor onbepaalde duur in de functie van bestuursassistent, met ingang van 19 januari 2015 ».

II. Procédure

Un arrêt n° 240.282 du 22 décembre 2017 a rouvert les débats et a renvoyé l’affaire au rôle général.

VIII - 10.714 - 1/17

Par une requête introduite le 10 novembre 2015, Patrick BatiteyauLoweseya demande à être reçu en qualité de partie intervenante.

Cette intervention a été accueillie par une ordonnance du 4 décembre 2015.

Les mémoires en réponse, en réplique et en intervention ont été régulièrement échangés.

Mme Florence Piret, premier auditeur au Conseil d’État, a rédigé un rapport sur la base de l’article 12 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties ont déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 11 février 2020, l’affaire a été fixée à l’audience du 13 mars 2020.

M. Frédéric Gosselin, conseiller d’État, a exposé son rapport.

Me Jean Laurent, avocat, comparaissant pour la partie adverse et la partie intervenante, a été entendu en ses observations.

M. Benoit Cuvelier, premier auditeur chef de section, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l’emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

1. Par une délibération du 15 janvier 2015, le collège des bourgmestre et échevins de la partie adverse décide d’engager Patrick Batiteyau-Loweseya, partie intervenante, en qualité d’assistant administratif (contrôleur des taxes) contractuel à temps plein et à durée indéterminée sous statut ACS au département Finances et Budget, à partir du 19 janvier 2015.

Il s’agit de l’acte attaqué, qui est motivé comme suit :

VIII - 10.714 - 2/17

« Vu sa décision du 2 septembre 2014 par laquelle il met fin au contrat de travail de [A. C. A.] en qualité d’assistant administratif (contrôleur des taxes) au département des Finances et du Budget;

Considérant que pour le bon fonctionnement du service il convient de remplacer dans le poste rendu vacant par un poste de niveau équivalent et subventionné, en l’occurrence un poste ACS (Agent Contractuel Subventionné);

Considérant que l’impact budgétaire de ce remplacement est positif, vu que les dépenses communales seront moins importantes;

Considérant que M. Patrick Batiteyau-Loweseya, de nationalité belge, […] accepte son engagement en qualité d’assistant administratif (contrôleur des taxes) contractuel à temps plein et à durée indéterminée sous statut ACS au département Finances et Budget, à partir du 19 janvier 2015;

Considérant que M. Patrick Batiteyau-Loweseya est titulaire du certificat d’enseignement secondaire supérieur, délivré par la Communauté française de Belgique;

Considérant que M. Patrick Batiteyau-Loweseya est de bonne conduite, vie et mœurs;

Considérant que l’intéressé appartient au groupe linguistique français; Considérant qu’Actiris a été contacté pour fournir une liste de candidats répondant au profil souhaité pour la fonction et ayant satisfait aux examens linguistiques requis (réf. : 226164 & 231605);

Considérant qu’aucune candidature répondant au profil requis ne nous est parvenue;

Considérant que M. Patrick Batiteyau-Loweseya s’engage à suivre des cours de seconde langue en vue de réussir les épreuves linguistiques organisées par le Selor;

Vu la délibération du Conseil communal du 13 décembre 2012 donnant délégation au Collège en vue notamment du recrutement d’agents contractuels;

[…] ».

Le contrat de travail est signé le jour même entre les parties.

  1. Par un arrêté du 16 février 2015, le commissaire du gouvernement de l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, vice-gouverneur, décide de suspendre l’exécution de l’acte attaqué, pour les motifs suivants :

    [...]

    Considérant qu’il appartient à l’autorité investie du pouvoir de nomination, sous le contrôle de l’autorité de tutelle, de déterminer au cas par cas si le titulaire d’une fonction ou d’un emploi met son titulaire en contact avec le public; que chaque fonctionnaire est appelé à répondre au téléphone et qu’il est dès lors raisonnable de supposer qu’un contact, même occasionnel, avec le public (fournisseurs et/ou citoyens) n’est pas à exclure, sauf à preuve du contraire; que le contact avec le public est inhérent à certaines fonctions telles que agent de sécurité, employé de guichet, gardien de parc et autres.

    VIII - 10.714 - 3/17

    Considérant que la Commission Permanente de Contrôle linguistique a estimé dans son avis n° 1915 du 19 octobre 1967 que le terme “nomination” au sens des lois linguistiques signifie tout apport de nouveau personnel malgré son statut; que le Conseil d’État a, en outre, jugé dans son arrêt n° 24.982 du 18 janvier 1985 que la connaissance de la seconde langue est liée à la fonction et non au statut;

    Considérant que l’intéressé n’a pas, avant sa nomination, satisfait aux épreuves écrite ou informatisée et orale sur la connaissance élémentaire de la seconde langue prescrite par l’article 21, §§ 2 et 5 des lois sur l’emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966 ; que, dès lors, ladite délibération est contraire à la loi; [...]

  2. Le 5 mars 2015, la partie adverse prend acte de cet arrêté de suspension et décide de maintenir l’acte attaqué dans les termes qui suivent:

    […]

    Considérant qu’il convient de maintenir l’intéressé en service pour répondre aux nécessités de bon fonctionnement de l’administration;

    Considérant qu’il s’agit du maintien en fonction d’un agent et qu’il n’y a donc pas lieu de contacter Actiris;

    Considérant qu’aucune candidature répondant au profil ne nous est parvenue;

    Considérant que M. Patrick Batiteyau-Loweseya s’engage à suivre des cours de seconde langue en vue de réussir les épreuves linguistiques organisées par le Selor;

    Vu la délibération du Conseil communal du 13 décembre 2012 donnant délégation au Collège en vue notamment du recrutement d’agents contractuels;

    […]

    .

    Cette décision est transmise au vice-gouverneur par un courrier du 16 mars 2015. Quarante jours après cette réception, la suspension de l’exécution de l’acte attaqué est levée conformément à l’article 65, § 3, dernier alinéa, des lois coordonnées du 18 juillet 1966 ‘sur l’emploi des langues en matière administrative’ (ci-après : les lois coordonnées).

  3. Dans le cadre des mesures d’instruction diligentées par l’auditeur rapporteur, le conseil des parties adverse et intervenante communique les documents suivants par un courriel du 23 janvier 2019 :

    ‐ une attestation de présence, datée du 23 janvier 2019, établissant que la partie intervenante s’est présentée à une épreuve « Artikel 9, § 2, administratief elementair Nederlands B1 » qui s’est déroulée le 26 février 2018; le document mentionne que « cette attestation ne présage en rien du résultat de cette épreuve »;

    ‐ une attestation du 14 septembre 2018 de réussite qui permet l’accès à une formation en management public local (cycle de base);

    VIII - 10.714 - 4/17

    - un certificat de connaissance linguistique, daté du 7 janvier 2016, qui établit que la partie intervenante a satisfait à l’épreuve écrite portant sur la connaissance élémentaire du néerlandais, conformément à l’article 8 de l’arrêté royal du 8 mars 2001 ‘fixant les conditions de délivrance des certificats de connaissances linguistiques prévus à l’article 53 des lois sur l’emploi des langues en matière administrative coordonnées le 18 juillet 1966’ (ci-après : l’arrêté du 8 mars 2001);

    - deux documents intitulés « descriptif de fonction » établis les 25 janvier 2015 et

    10 novembre 2017, selon lesquels la fonction d’assistant administratif (contrôleur des taxes) vise notamment l’ « accueil du public au téléphone et au guichet ».

    IV. Intervention

    La requête en intervention introduite par Patrick Batiteyau-Loweseya ayant été accueillie provisoirement, il y a lieu de l’accueillir définitivement.

    V. Compétence du Conseil d’État

    V.1. Thèse de la partie adverse

    La partie adverse soutient que le recours a pour objet réel et direct d’annuler le contrat de travail qu’elle a conclu avec la partie intervenante en raison d’un vice affectant sa conclusion, que le contentieux relève donc des droits subjectifs et qu’en vertu des articles 144 et 145 de la Constitution, le Conseil d’État n’est pas compétent pour en connaître. Elle ajoute que, conformément à l’article 578 du Code...

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