Décision judiciaire de Conseil d'État, 26 novembre 2019

Date de Résolution26 novembre 2019
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRÉSIDENT DE LA XIIIe CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

A R R Ê T

nº 246.190 du 26 novembre 2019

A. 228.681/XIII-8723

En cause : 1. VAN ESPEN Jean-Marc, 2. VAN ESPEN Hadrien, ayant tous deux élu domicile chez Mes Bernard PAQUES et Pierre-Yves MELOTTE, avocats, chaussée de Marche 958 5101 Erpent,

contre :

la Ville de Namur, représentée par son collège communal, ayant élu domicile chez

Me Julien BOUILLARD, avocat, rue Jean-Baptiste Brabant 56 5000 Namur,

Parties intervenantes :

  1. MARLET Sophie, 2. THOMAS Benjamin, ayant tous deux élu domicile chez Mes Fabrice EVRARD et

    Kevin POLET, avocats, chemin du Stocquoy 1 1300 Wavre.

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    I. Objet de la requête

    Par une requête introduite le 25 juillet 2019, Jean-Marc VAN ESPEN et Hadrien VAN ESPEN demandent, d'une part, la suspension de l'exécution de la délibération du collège communal de Namur du 31 mai 2019 par laquelle celui-ci délivre à Benjamin MARLET et Sophie THOMAS un permis d'urbanisme ayant pour objet la transformation et l'extension d'une habitation unifamiliale sur un bien sis à Namur, rue Charles Zoude 67, et, d'autre part, son annulation.

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    II. Procédure

    Par une requête introduite le 27 août 2019, Sophie MARLET et Benjamin THOMAS demandent à être reçus en qualité de parties intervenantes.

    La note d'observations et le dossier administratif ont été déposés.

    Mme Valérie MICHIELS, premier auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'État.

    Le rapport a été notifié aux parties.

    Par une ordonnance du 14 octobre 2019, l'affaire a été fixée à l'audience du 18 novembre 2019 à 10.00 heures.

    M. Luc DONNAY, conseiller d'État, président f.f., a exposé son rapport.

    Mes Christophe THIEBAUT et Pierre-Yves MELOTTE, avocats, comparaissant pour les parties requérantes, Me Julien BOUILLARD, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Me Kevin POLET, avocat, comparaissant pour les parties intervenantes, ont été entendus en leurs observations.

    Mme Valérie MICHIELS, premier auditeur, a été entendue en son avis conforme.

    Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

    III. Faits

    1. Le 1er mars 2011, les consorts BODSON-GUILLAUME introduisent une demande de permis d'urbanisme relative à un bien, dont ils étaient alors propriétaires, sis à Namur, rue Charles Zoude 67, et cadastré 2ème division, section G, n° 279F3, pour la transformation et l'extension d'une habitation unifamiliale.

    Le bien est situé en zone d'habitat au plan de secteur et en « classe A : Partie centrale des quartiers urbains » au schéma de structure communal, adopté définitivement par le conseil communal de Namur le 23 avril 2012, devenu schéma

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    de développement communal (S.D.C.), depuis l'entrée en vigueur du Code du développement territorial (CoDT).

  2. Par une délibération du 10 mai 2011, le collège communal de la ville de Namur octroie le permis sollicité.

  3. À la suite d'un recours introduit devant le Conseil d'État par le premier requérant et ses anciens locataires (A. 200.397/XIII-5907), ce permis est retiré par une décision du collège communal du 21 juin 2011.

  4. Le 20 décembre 2018, Benjamin THOMAS et Sophie MARLET, devenus propriétaires du bien litigieux, introduisent une nouvelle demande de permis d'urbanisme pour un projet similaire, soit la transformation et l'extension arrière d'une habitation unifamiliale mitoyenne.

  5. Le 24 janvier 2019, le service du développement territorial de la ville de Namur émet un avis favorable conditionnel.

  6. Le 7 février 2019, le collège communal octroie le permis d'urbanisme sollicité.

  7. Le 17 avril 2019, les parties requérantes s'adressent au collège communal pour solliciter le retrait du permis. Elles joignent à l'appui de leur courrier une étude d'ensoleillement réalisée par leur architecte.

  8. Le 25 avril 2019, le collège communal décide de retirer le permis d'urbanisme délivré et procède, par l'intermédiaire de ses services, à une étude d'ensoleillement.

  9. Le 14 mai 2019, le service du développement territorial de la ville de Namur émet un avis favorable conditionnel.

  10. Le 23 mai 2019, à la suite d'un réexamen du dossier et sur la base de l'étude d'ensoleillement réalisée par les services communaux, le collège communal délivre à nouveau le permis d'urbanisme sollicité. Il s'agit de l'acte attaqué.

    IV. Intervention

    La requête en intervention introduite par Sophie MARLET et Benjamin THOMAS, bénéficiaires de l'acte attaqué, est accueillie.

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    V. Recevabilité de la demande de suspension

    V.1. Thèses des parties

    A. La note d'observations

    En premier lieu, la partie adverse met en doute l'intérêt à agir du second requérant. Elle considère que celui-ci ne démontre pas qu'il est locataire du bien voisin du projet (situé au n° 65), alors qu'il est domicilié au n° 74 de l'avenue de la Pairelle à Namur. Elle soutient que personne n'est domicilié au n° 65 de la rue Charles Zoude depuis plusieurs années. Elle produit à cet égard un document intitulé « Regroupement des ménages par habitation », lequel indique que « l'adresse est existante mais qu'aucun habitant n'a été trouvé à cette adresse au 9 août 2019 », la même mention est reprise pour le 20 août 2014.

    En second lieu, elle soutient que l'intérêt à agir des deux parties requérantes est illégitime en ce que l'immeuble du premier requérant est en infraction urbanistique, dans la mesure où il est affecté à des kots d'étudiants en l'absence de permis d'urbanisme autorisant cette destination particulière. Elle en déduit qu'en recherchant la préservation d'un bien affecté de manière irrégulière, les parties requérantes poursuivent en réalité la recherche d'un intérêt illégitime.

    B. La requête en intervention

    Les parties intervenantes affirment que la seconde partie requérante est installée au second étage de l'immeuble situé au n° 65 de la rue Charles Zoude. Elles soutiennent que le rez-de-chaussée et le premier étage de cet immeuble sont aménagés en kots d'étudiants.

    C. La demande de suspension

    Les parties requérantes affirment que Jean-Marc VAN ESPEN est propriétaire de l'immeuble situé au n° 65 de la rue Charles Zoude et que cet immeuble est occupé et loué par Hadrien VAN ESPEN, sans faire allusion à une occupation de l'immeuble par des étudiants.

    V.2. Examen

    En principe, la qualité de locataire ou d'occupant de l'immeuble voisin du projet en cause suffit à établir un intérêt à poursuivre l'annulation d'un permis d'urbanisme dont l'exécution est susceptible de modifier son environnement. Dès

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    lors que les parties intervenantes reconnaissent que le second requérant occupe effectivement en partie l'immeuble voisin du projet, il y a lieu de rejeter la première exception d'irrecevabilité soulevée par la partie adverse, même s'il est domicilié à une autre adresse.

    Par ailleurs, l'intérêt au recours allégué par le requérant doit être légitime, c'est-à-dire qu'il ne s'assimile pas au maintien d'une situation illégale, autrement dit contraire aux lois impératives, à l'ordre public ou aux bonnes mœurs. En principe, l'intérêt d'un voisin immédiat à demander l'annulation d'un permis d'urbanisme ne devient pas illégitime par le fait qu'il aurait procédé à des aménagements sans disposer des autorisations nécessaires, étant donné que les griefs qu'il pourrait faire valoir subsisteraient même en l'absence de tels aménagements. Du reste, si, à ce stade de la procédure, il est vraisemblable que l'immeuble du premier requérant est partiellement affecté à la location de kots d'étudiants, la partie adverse n'établit pas avec certitude le caractère infractionnel de cette situation, outre que l'éventuelle infraction ne porte pas sur des éléments du bâti en tant que tels et est sans lien avec les griefs exprimés. Il y dès lors lieu de rejeter la seconde exception d'irrecevabilité soulevée par la partie adverse.

    VI. Conditions de la suspension

    Conformément à l'article 17, § 1er, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, la suspension de l'exécution d'une décision administrative suppose deux conditions, une urgence incompatible avec le délai de traitement de l'affaire en annulation et l'existence d'au moins un moyen sérieux susceptible, prima facie, de justifier l'annulation de cette décision.

    VII. Premier moyen

    VII.1. Thèses des parties

    A. La demande de suspension

    Le premier moyen est pris de la violation des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, de l'article D.I.1 du CoDT, des articles D.50, D.62, § 1er, et D.75 du Livre Ier du Code l'environnement, des principes généraux de bonne administration, dont le devoir de minutie, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'excès de pouvoir.

    En un premier grief, les parties requérantes critiquent la motivation de l'acte attaqué quant au gabarit de l'annexe projetée. Elles estiment que c'est à tort que

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    son auteur a considéré que « le projet a été revu à la baisse par rapport à la version précédente proposée en 2011 » étant donné que, désormais, le niveau rez-dechaussée s'étend sur toute la largeur de la parcelle et non plus sur une partie de celleci. De plus, elles font valoir que l'autorité est imprécise lorsqu'elle considère que le niveau d'acrotère de l'annexe aurait diminué. À leur estime, il convient de distinguer la hauteur sous acrotère du niveau « 1er étage » qui semble avoir diminué, de celle du niveau « rez-de-chaussée » du côté le plus proche des parties requérantes, qui a...

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