Décision judiciaire de Conseil d'État, 27 novembre 2019

Date de Résolution27 novembre 2019
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

XVe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 246.199 du 27 novembre 2019

A. 225.421/XV-3767

En cause : ALLARD Etienne, ayant élu domicile chez

Mes Bruno LOMBAERT et Anne-Sophie BOUVY, avocats, rue de Loxum 25 1000 Bruxelles,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez

Mes Sébastien DEPRÉ et Marie LAMBERT de ROUVROIT, avocats, place Flagey 7 1050 Bruxelles.

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I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 7 juin 2018, Etienne ALLARD demande, d’une part, la suspension de l’exécution de "la décision de la Direction du contrôle des mandats du 26 avril 2018 par laquelle [il] est invité, conformément à l’article L5421-2, § 2, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, à rembourser le montant total des sommes trop perçues pour l’année 2016 dans l’exercice de son mandat au sein de l’association de pouvoirs publics “CHR Sambre et Meuseˮ, à savoir 9.972,68 euros, au CPAS de Namur, dans les soixante jours de la réception de [cette] décision" et, d’autre part, l’annulation de la même décision.

II. Procédure

Un arrêt n° 242.375 du 19 septembre 2018 a rejeté la demande de suspension de l’exécution de l’acte attaqué et a réservé les dépens. Il a été notifié aux parties.

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Par un courrier du 18 octobre 2018, le requérant a demandé la poursuite de la procédure.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

M. Lionel RENDERS, auditeur au Conseil d’État, a rédigé un rapport sur la base de l’article 12 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties ont déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 25 octobre 2019, l’affaire a été fixée à l’audience publique du 26 novembre 2019 à 9 heures 30.

M. Marc JOASSART, conseiller d’État, a fait rapport.

Me Anne-Sophie BOUVY, avocat, comparaissant pour le requérant, et Me Marie LAMBERT de ROUVROIT, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendues en leurs observations.

M. Lionel RENDERS, auditeur, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l’emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

Les faits ont été exposés dans l’arrêt n° 242.375, précité. Il convient de s’y référer.

IV. Moyen unique

IV.1. Thèse de la partie requérante

Le moyen unique est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, de l’article 38, §§ 3 et 4, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale, des articles L5111-1 et L5311-1 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation (CwaDEL), de l’erreur manifeste

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d’appréciation, du vice et de l’erreur des motifs de fait et de droit, de la contradiction des motifs et de la violation de l’article 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs.

Dans une première branche, le requérant rappelle l’objectif poursuivi par le législateur wallon en adoptant le régime juridique prévu aux termes du CwaDEL relatif aux mandats locaux et aux obligations des mandataires en matière de déclaration de mandats et de rémunération. Il observe que, depuis qu’il n’est plus conseiller communal, son mandat de conseiller de l’action sociale est, en application de l’article 38, § 4, de la loi du 8 juillet 1976, précitée, assimilé au mandat de conseiller communal, c’est-à-dire considéré comme un mandat originaire. Il fait valoir que, conformément aux articles 22 et 33 des statuts de l’association de pouvoirs publics "Centre Hospitalier Régional Sambre et Meuse" (APP CHR Sambre et Meuse), le conseil d’administration est notamment composé de dix administrateurs représentant le centre public d’action sociale (CPAS) de Namur et la présidence est attribuée pour un terme de six années au CPAS. Selon l’article 24, alinéa 2, des statuts, le mandat d’administrateur représentant ce CPAS se perd ou s’acquiert avec la qualité de membre du CPAS. Il en déduit que son mandat de président du conseil d’administration d’APP CHR Sambre et Meuse est un mandat dérivé au sens du CwaDEL. Il précise les plafonds de rétributions et autres avantages en nature résultant de l’exercice des mandats dérivés prévus par l’article L5311-1 du CwaDEL. Il indique que le législateur a expressément entendu exclure de ces plafonds les administrateurs chargés de fonctions relatives à la gestion journalière, étant donné que de telles tâches doivent pouvoir être rémunérées proportionnellement à la charge de travail qu’elles représentent, qui va bien au-delà d’une présence ponctuelle à la réunion mensuelle d’un conseil d’administration. Si les plafonds sont inapplicables aux administrateurs chargés de la gestion journalière, ceux-ci ne doivent a fortiori pas s’appliquer aux présidents assumant des tâches de gestion journalière. Il s’appuie sur l’enseignement de l’arrêt n° 235.241 du 27 juin 2016 quant à la manière d’apprécier l’exercice de la gestion journalière d’un mandataire. Il soutient que sa situation ne s’apparente pas à une multiplication indue de mandats exercés en cumul et que ce risque n’existe pas dans son chef. Il souligne qu’outre son mandat de conseiller du CPAS, la fonction de président du conseil d’administration de l’APP CHR Sambre et Meuse constitue son activité professionnelle principale. Il est d’avis que les avantages financiers perçus à ce titre sont proportionnés par rapport aux fonctions exercées. Il souligne que son mandat de président requiert une disponibilité quotidienne et occupe la majeure partie de son emploi du temps (charge de travail évaluée à une quarantaine d’heures par semaine). Il insiste sur l’importance des responsabilités et des tâches assumées par le président de l’APP CHR Sambre et Meuse. Il ajoute que, conformément aux statuts de l’APP,

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en plus d’assurer la présidence de l’assemblée générale et du conseil d’administration, le président est également de droit président des comités de gestion des deux hôpitaux et des organes de gestion. À ce titre, il veille à l’instruction préalable des affaires qui lui sont soumises, convoque les réunions, en fixe l’ordre du jour et en assure la continuité. Il écrit qu’eu égard à la nature spécifique de l’activité hospitalière, l’APP CHR Sambre et Meuse estime que le président doit se montrer opérationnel et quotidiennement disponible. Il s’appuie sur une liste non-exhaustive des diverses réunions auxquelles le président est tenu d’assister, qu’il a communiquée à la direction du contrôle des mandats. Il soutient que, dans les faits, ses fonctions en tant que président sont plus étendues encore que celles qu’il devrait normalement assumer, assurant, nonobstant l’article 33, § 4, des statuts de l’APP, une partie non négligeable des missions de gestion journalière de l’association. Il constate qu’il a été jugé, par l’arrêt n° 235.241 du 27 juin 2016, que l’article 33, § 4, précité, n’interdit pas au président du conseil d’administration d’effectuer des tâches relevant de la gestion journalière, comme en l’espèce. Il précise que, bien qu’un nouveau directeur général soit entré en fonction le 1er octobre 2016, il continue, dans les faits, à assumer une partie des missions de gestion journalière. Il observe que ce partage des tâches avec le...

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