Décision judiciaire de Conseil d'État, 11 septembre 2019

Date de Résolution11 septembre 2019
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

XIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 245.402 du 11 septembre 2019

A. 223.065/XI-21.632

En cause : MAHI Yassine, ayant élu domicile chez Me Harold SAX, avocat, avenue Louise 379/20 1050 Bruxelles,

contre :

l'État belge, représenté par le Ministre de la Justice, ayant élu domicile chez

Me Bernard RENSON, avocat, rue Père Eudore Devroye 47 1040 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

I. Objet de la requête

Par une requête introduite par la voie électronique le 6 septembre 2017, Yassine MAHI demande l'annulation et la suspension de l'exécution, selon la procédure d'extrême urgence, de "la décision du 31 août 2017 de le placer «en régime de sécurité particulier individuel»".

Par une requête, introduite par la voie électronique le 21 mars 2018, la partie requérante demande une indemnité réparatrice d'un montant de 5.900 €.

II. Procédure

Un arrêt n° 242.885 du 8 novembre 2018 a rouvert les débats et accordé à la partie requérante le bénéfice de l’assistance judiciaire dans la procédure en annulation.

M. Benoit CUVELIER, premier auditeur chef de section au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base des articles 13 et 25/3 du règlement général de procédure.

XI - 21.632 - 1/12

‡BBJTNEBBA-BDIGCET‡

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties ont déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 28 mai 2019, l'affaire a été fixée à l'audience du 20 juin 2019.

M. Yves HOUYET, conseiller d'État, a fait rapport.

Me Harold SAX, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Florence MATTHIS, loco Me Bernard RENSON, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

M. Benoit CUVELIER, premier auditeur chef de section, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

Les faits utiles à l'examen du recours sont exposés dans l'arrêt n° 239.106 du 14 septembre 2017.

IV. Les moyens

IV.1. Premier moyen

Le requérant prend un premier moyen du détournement de pouvoir et de la violation de l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 19 de la Constitution et des articles 71 et 116, § 1er, de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus.

Le requérant soutient qu'il faut "qu'il ressorte des circonstances concrètes ou de l'attitude du détenu que celui-ci présente une menace constante pour la sécurité et ce n'est que pour contrer cette menace constante, et si toutes les autres mesures se sont révélées insuffisantes, que le Directeur général peut prendre la décision de placer ou maintenir une personne en régime de sécurité particulier

XI - 21.632 - 2/12

‡BBJTNEBBA-BDIGCET‡

individuel", que "la décision ne poursuit pas cet objectif", qu'il "ressort de la décision qu'aucune circonstance ou fait concret établissant une menace constante pour la sécurité n'est repris", que "lors de l'audition préalable, le conseil du requérant a demandé au Directeur de la prison de Lantin si le requérant était un détenu difficile ou violent", que "le Directeur de l'Établissement lui a confirmé que, depuis son arrivée, Monsieur MAHI était un détenu calme dont le comportement ne souffrait pas de critique", que "cet élément a été acté dans le fax que le conseil du requérant a adressé au Directeur général et à la Direction de Lantin, sans être contredit", que "les seuls éléments qui motivent le placement du requérant en régime de sécurité particulier individuel seraient ses «idées extrémistes» et le fait qu'il soit «musulman radicalisé»", que "malgré la demande expresse du conseil du requérant, la Direction générale ne donne aucun contenu à ces notions vagues et ambigües", qu'à "défaut pour la Direction générale de définir en quoi ces notions floues sont compatibles avec la notion de «risque permanent pour la sécurité» la décision ne peut s'interpréter que comme une volonté de restreindre le requérant dans sa liberté de culte et de conscience" et que "cette attitude et cette motivation s'apparentent à un détournement de pouvoir qui viole les droits fondamentaux du détenu".

Dans son dernier mémoire, le requérant expose que "la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme consacre le fait que le prosélytisme (c'est-à-dire le fait de chercher à convaincre d'autres personnes d'adhérer à ses croyances) fait partie intégrante de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'Homme et que, partant, toute ingérence doit être prévue par la loi, poursuivre un objectif légitime et être proportionnée à l'objectif poursuivi", que "dans un arrêt Kokkinakis c/ Grèce du 25 mai 1993, la Cour reconnaît que seul l'usage de moyens abusifs dans le cadre d'un discours prosélyte peut être sanctionné, pas le prosélytisme en tant que tel […]", que "la Cour européenne des droits de l'Homme considère que l'entrave au prosélytisme ne se justifie pas si les moyens utilisés par le prosélyte ne sont pas abusifs", qu'il "est donc inexact de considérer que le droit d'exercer sa religion même collectivement n'emporte pas le droit de tenir des propos prosélytes", qu'il "ressort par ailleurs du dossier administratif que c'est uniquement en raison d'un prosélytisme supposé (mais nullement étayé) que Monsieur MAHI est placé en régime de sécurité particulier individuel", que "la pièce 21 du dossier de la partie adverse (application d'une mesure provisoire) indique pour seule motivation : «Ce vendredi 9/6/2017, l'intéressé arrive de la prison d'Ittre avec la classification 'TERRORISTE'»", qu'une "seconde décision d'application d'une mesure de sécurité particulière (pièce 20 du dossier administratif) indique que le requérant est incarcéré depuis mai 2013 mais signalé comme musulman radicalisé depuis août 2015", que "soulignant le risque de prosélytisme, la partie adverse indique qu'il est nécessaire de l'isoler du reste de la population", que "c'est donc bien le caractère «radicalisé» et le

XI - 21.632 - 3/12

‡BBJTNEBBA-BDIGCET‡

«risque de prosélytisme» qui justifient la mesure, aucunement le passé du requérant"...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT