Décision judiciaire de Conseil d'État, 10 juillet 2019

Date de Résolution10 juillet 2019
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

VIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 245.128 du 10 juillet 2019

A. 219.802/VI-20.824

En cause : TONGLET Jacques,

ayant élu domicile chez

Mes Jean LAURENT et Charline SERVAIS, avocats, avenue Louise 250 1050 Bruxelles,

contre :

la commune d'Auderghem,

ayant élu domicile chez

Me Antoinette CORNET, avocat, chaussée de La Hulpe 150 1170 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 20 juillet 2016, Jacques TONGLET demande, d'une part, la suspension de l'exécution et, d'autre part, l'annulation de "l'arrêté du Bourgmestre du 18 mai 2016 déclarant insalubre l'immeuble du requérant situé Boulevard des Invalides 103 à 1160 Auderghem".

II. Procédure

Un arrêt n° 236.560 du 29 novembre 2016 a rejeté la suspension de l'exécution de l'acte attaqué. Il a été notifié aux parties.

Le dossier administratif a été déposé.

La partie requérante a demandé la demande de poursuite de la procédure.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

VI – 20.824 - 1/17

M. Lionel RENDERS, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties ont déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 13 novembre 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 12 décembre 2018 à 10 heures.

Les droits visés à l'article 70 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État ont été acquittés.

M. Imre KOVALOVSZKY, président de chambre, a exposé son rapport.

Me Charline SERVAIS, loco Me Jean LAURENT, avocat, comparaissant pour la partie requérante et Me Laurence FERON, loco Me Antoinette CORNET, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

M. Lionel RENDERS, auditeur, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Exposé des faits utiles

Les faits utiles à l'examen du recours ont été résumés dans l'arrêt n° 236.560 du 29 novembre 2016.

IV. Premier moyen

IV.1. Thèse de la partie requérante

A. La requête

Le premier moyen est pris de "l'inexactitude matérielle des faits et de la violation de:

VI – 20.824 - 2/17

- La loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratif, notamment en ses articles 2 et 3;

- L'obligation de motivation de forme et de fond; - L'erreur sur les causes et les motifs; - L'erreur manifeste d'appréciation".

Le requérant relève que l'acte attaqué l'enjoint de procéder aux travaux et remises en état demandés dans le rapport de visite du 29 janvier 2016. Il ajoute que ce rapport de visite porte non pas sur des travaux mais sur des contrôles de situation avec exécution de travaux. Il remarque que les termes "si nécessaire" sont évoqués en regard de certains travaux. Il est d'avis que l'existence d'une insalubrité n'est donc pas démontrée.

Il critique les motifs de l'acte attaqué selon lesquels "des problèmes d'humidité importants existent dans l'immeuble qui n'est pas raccordé à l'électricité et se trouve sans eau chaude et sans chauffage. Ce type de problèmes nuisent à la salubrité publique et à la sécurité d'autrui et du ou des occupant(s) de l'immeuble".

Il soutient avoir démontré, à plusieurs reprises, que: - la prétendue humidité ponctuelle consiste en réalité en des traces de dégâts des eaux du 1er mai 2011 et que le bien ne souffre donc pas de problèmes d'humidité; - le raccordement électrique a été rétabli en date du 17 mars 2016 (les factures OCTA + attestent de ce raccordement); - le générateur d'eau chaude rendu inutilisable par le fait de la locataire a été remplacé en septembre 2011; - quant au système de chauffe, l'immeuble a été mis en vente de sorte qu'il ne veut pas handicaper la volonté de l'acheteur en procédant à cette transformation (une maison à rénover l'est en effet, selon les préférences de l'acheteur et non celles du vendeur).

Il considère également que les remarques de la partie adverse formulées dans l'acte attaqué ainsi que dans le rapport de visite du 29 janvier 2016 et répétées à plusieurs reprises depuis 2012, qu'il précise, ne sont pas d'actualité dès lors que: - soit elles concernent des recommandations d'entretien qui ont été exécutées et confirmées à plusieurs reprises en réaction aux rappels multiples de la partie adverse (la réparation de la toiture, l'entretien du jardin, le raccordement électrique, le raccordement à l'eau chaude,...); - soit elles témoignent d'erreurs d'interprétation de la partie adverse, qui a confondu les traces d'un ancien dégât des eaux avec de l'humidité structurelle;

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- soit elles concernent une modernisation d'équipements lourds dont le choix appartient aux futurs acheteurs de l'immeuble qui est mis en vente (le système de chauffe, les vitres fêlées, les châssis,...).

Il relève également que la situation s'est améliorée depuis le premier rapport réalisé le 16 juillet 2002 qui avait déjà considéré que " la maison présente le confort minimum afin d'assurer une hygiène de vie correcte aux occupants". Il conteste toute passivité dans son chef en s'autorisant de divers courriers, ainsi que de ses problèmes de santé. Il rappelle l'expertise judiciaire actuellement en cours qui l'a amené à éviter de procéder à des rénovations.

Il conclut que la partie adverse a nécessairement commis une erreur manifeste d'appréciation en adoptant l'acte attaqué.

B. Le mémoire en réplique

Dans son mémoire en réplique, le requérant conteste que l'immeuble litigieux présente des problèmes d'humidité importants, qu'il ne soit pas raccordé à l'électricité et qu'il se trouve sans eau chaude et sans chauffage. Il produit des pièces nouvelles attestant, selon lui, de la parfaite salubrité de son bien (déclaration de la gérante de l'agence Century 21; attestation de l'acquéreur du bien; preuve du remplacement récent du bloc alimentation et sécurité et du raccord du bien à l'électricité). Il souligne avoir informé à plusieurs reprises les services communaux des erreurs commises dans le cadre de la procédure ayant mené à l'adoption de l'acte attaqué.

Il précise avoir démontré à plusieurs reprises qu'aucun problème d'humidité n'affectait son bien, en indiquant à la partie adverse que: - la prétendue humidité ponctuelle consiste en réalité en des traces de dégâts des eaux du 1er mai 2011; - l'éventuelle humidité créée par le déplacement de tuiles à la suite de l'écroulement de la cheminée du voisin a indéniablement pris fin à la suite de la réfection du toit en mars 2015; - le 6 juin 2016, des travaux d'étanchéité (Derbigum) ont été réalisés à la corniche et il a été procédé au remplacement de la conduite d'eau de pluie, rendant le bien parfaitement étanche aux infiltrations d'eau de pluie.

Pour le surplus, le requérant réitère les développements de sa requête.

VI – 20.824 - 4/17

C. Dernier mémoire

Dans son dernier mémoire, le requérant expose ce qui suit:

" L'acte attaqué déclare le bien du requérant, sis Boulevard des Invalides 1036 à

1160 Auderghem, insalubre.

Il enjoint le requérant à procéder aux travaux et remises en état demandés dans le rapport de visite du 29 janvier 2016. Ce rapport de visite porte non pas sur des travaux mais sur des contrôle de situation avec exécution de travaux. Les termes «si nécessaire» sont évoqués en regard de certains travaux. L'existence d'une insalubrité n'est donc pas démontrée.

Il ressort de ce rapport de visite que «lors de cette visite, il est apparu qu'en dehors de la réparation de la toiture, rien n'a été entrepris par le propriétaire pour solutionner les problèmes pointés lors des précédentes visites et qu'aucun des travaux et prestations demandés n'avaient été exécutés».

L'acte attaqué énonce que «des problèmes d'humidité importants existent dans l'immeuble qui n'est pas raccordé à l'électricité et se trouve sans eau chaude et sans chauffage. Ce type de problèmes nuisent à la salubrité publique et à la sécurité d'autrui et du ou des occupant(s) de l'immeuble». […].

Il convient tout d'abord de souligner que l'autorité a commis une erreur manifeste d'appréciation en déclarant le bien insalubre alors même que le requérant avait averti la partie adverse de la mise en vente du bien. L'acte authentique a d'ailleurs été signé le 9 janvier 2017.

La ratio legis de l'acte attaqué est d'inciter le propriétaire d'un bien considéré comme insalubre à effectuer des travaux ou à vendre le bien.

La ratio legis de l'acte a été rencontrée en l'espèce dès lors que le concluant a procédé à la vente de son immeuble.

Dès lors que l'autorité avait été informée de la mise en vente du bien, il n'y avait plus lieu d'adopter l'acte attaqué. […].

Ensuite, la décision d'une autorité déclarant un bien insalubre doit reposer sur des faits exacts.

Le Conseil d'Etat a déjà déclaré que «L'acte administratif lui-même doit reposer sur des motifs établis en fait, pertinents et juridiquement admissibles qui doivent résulter du dossier administratif constitué au cours de l'élaboration de cet acte En vertu de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et du principe général de motivation, «tout acte administratif au sens de l'article 1er doit faire l'objet d'une...

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