Décision judiciaire de Conseil d'État, 22 mars 2019

Date de Résolution22 mars 2019
JuridictionAG
Nature Assemblée Générale

TRADUCTION LIBRE

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

A R R ÊT

n° 244.015 du 22 mars 2019 A. 216.462/AG-142

En cause : Chretien MOORS, assisté et représenté par Me Pascal Malumgré, avocat, ayant son cabinet à 3980 Tessenderlo Lichtveld 38/001 où il est fait élection de domicile

contre :

l'ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Défense

-------------------------------------------------------------------------------------------------- I. Objet du recours

1. Le recours, introduit le 15 juillet 2015, poursuit l'annulation de l'arrêté royal n° 786 du 25 mai 2015 ‘portant prolongation d'une suspension par mesure d'ordre d'un officier de carrière’.

II. Déroulement de la procédure

2. Par l'arrêt n° 241.905 du 26 juin 2018, l'affaire a été soumise au Premier Président du Conseil d'État.

Par ordonnance du 3 septembre 2018, le Premier Président a renvoyé l'affaire devant l'assemblée générale de la section du contentieux administratif.

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Les parties ont été convoquées à l'audience de l'assemblée générale de la section du contentieux administratif, qui s'est tenue le 11 décembre 2018.

Les parties ont déposé une note.

Madame Patricia De Somere, conseiller d'État, a fait rapport.

Mes Pascal Malumgré et Philippe Vande Casteele, avocats, comparaissant pour le requérant, et le major Maarten Kerckhofs, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus.

Monsieur Geert De Bleeckere, premier auditeur, a été entendu en son avis.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, énoncées au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973 (ci-après : les lois sur le Conseil d'État).

III. Intérêt

A. Exposé de la problématique

  1. L'arrêt interlocutoire n° 241.905 du 26 juin 2018, à l'origine du renvoi de la présente cause devant l'assemblée générale de la section du contentieux administratif, a constaté qu'il est de jurisprudence constante que l'intérêt à entendre déclarer illégale la décision attaquée pour ensuite, sur la base de cette décision, appuyer une action en réparation devant le juge ordinaire, constitue un intérêt qui peut uniquement être qualifié d'indirect et qu'il ne suffit pas dans le cadre de la recevabilité d'un recours en annulation. Aux termes de l'arrêt interlocutoire, « la question se pose toutefois de savoir si l'insertion, dans l'article 11bis des lois coordonnées sur le Conseil d'État, de la faculté pour le Conseil d'État d'allouer lui-même une indemnité réparatrice n'a pas créé une

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    situation juridique nouvelle qui, le cas échéant, pourrait donner lieu à une révision de la jurisprudence constante précitée ».

    B. Point de vue des parties

  2. Le requérant qui entend introduire une demande d'indemnité, fait en premier lieu valoir que l'article 19 des lois sur le Conseil d'État n'instaure pas de limitations à la conception de l'intérêt actuel. L'exigence du recours effectif implique, pour lui, que soit maintenu l'intérêt légitime initial, même lorsque, les années passant, celui-ci a finalement pour unique, sinon principal, effet de pouvoir prouver une illégalité – et, donc, en principe une faute – de l'autorité. Le requérant relève que, selon le Conseil d'État de France, l'intérêt requis en droit doit uniquement être présent lors du dépôt de la requête ou lors du prononcé de la décision. Le requérant estime qu'envisagé sous l'angle du recours effectif, ce point de vue se justifie pleinement et qu'il se concilie parfaitement avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (ci-après : C.E.D.H.).

    De l'avis du requérant, la conception de l'intérêt actuel a en outre entre-temps été neutralisée et revue par la loi du 25 juillet 2008 ‘modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'État en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'État~ (ci-après : la loi du 25 juillet 2008). La loi souligne l'importance capitale de l'examen de la légalité par le Conseil d'État en alignant ses effets sur les règles de droit civil relatives à la prescription.

    Le requérant fait également valoir qu'il y a lieu d'accorder l'attention qui convient à l'application des articles 6 et 13 de la C.E.D.H. et des articles 13 et 160 de la Constitution, tout comme à l'incidence de l'article 144, alinéa 2, de la Constitution et de l'article 11bis des lois sur le Conseil d'État. Se référant à l'arrêt Vermeulen du 17 juillet 2018 de la Cour européenne des droits de l'homme, le requérant estime que, selon la Cour, l'application de la conception

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    jurisprudentielle de l'intérêt actuel viole l'article 6 de la C.E.D.H. Quoi qu'il en soit, l'adoption de l'article 144, alinéa 2, de la Constitution combinée avec l'insertion de la faculté, pour le Conseil d'État, d'allouer lui-même une indemnité réparatrice a créé une nouvelle situation juridique impliquant qu'il faille d'autant plus se départir de la jurisprudence constante (relative à la conception de l'intérêt actuel). Dès lors que la demande en réparation peut être introduite « au plus tard dans les soixante jours qui suivent la notification de l'arrêt ayant constaté l'illégalité », l'on ne peut dénier à la partie requérante un intérêt actuel au motif qu'elle n'aurait pas encore introduit de demande en réparation.

    Le requérant conclut en relevant que la mesure d'ordre attaquée l'a empêché d'exercer une activité professionnelle et que, dès lors que cette mesure a été infligée...

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