Décision judiciaire de Conseil d'État, 28 janvier 2019

Date de Résolution28 janvier 2019
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRÉSIDENT DE LA XIIIe CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

A R R Ê T

nº 243.531 du 28 janvier 2019

A. 226.309/XIII-8484

En cause : la Commune de Lierneux, ayant élu domicile chez

Mes Pierre HENRY et Thierry WIMMER, avocats, rue du Palais 64 4800 Verviers,

contre :

la Région wallonne,

représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez

Me Jean-François CARTUYVELS, avocat, boulevard du Midi 29 6900 Marche-en-Famenne.

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I. Objet de la requête

Par une requête introduite, par la voie électronique, le 1er octobre 2018, la commune de Lierneux demande, d'une part, la suspension de l'exécution de l’arrêté du Ministre ayant l’Environnement et l’Aménagement du territoire dans ses attributions du 31 juillet 2018, octroyant à Michèle MONFORT un permis unique ayant pour objet la construction et l’exploitation de 2 poulaillers BIO (9600 poulets au total), d’un hangar agricole et la création d’un forage en vue d’une prise d’eau dans un établissement sis à Grand-Sart/Lierneux, sur les parcelles cadastrées 1ère

division, section D, nos 183a, 182, 181c, 179, 180, 178a, 178b, 176b, et, d'autre part, son annulation.

II. Procédure

La note d'observations et le dossier administratif ont été déposés.

M. Lionel RENDERS, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'État.

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Par une ordonnance du 4 décembre 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 14 janvier 2019 à 10 heures et le rapport a été notifié aux parties.

Mme Simone GUFFENS, président de chambre, a exposé son rapport.

Me Gaëtan BIHAIN, loco Mes Pierre HENRY et Thierry WIMMER, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Bénédicte HENDRICKX, loco Me Jean-François CARTUYVELS, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

M. Lionel RENDERS, auditeur, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

1. Le 22 décembre 2017, Michèle MONFORT dépose une demande de permis unique pour un établissement sis rue Grand-Sart sur la commune de Lierneux et ayant pour objet :

" - construction de deux petites unités d’élevage sur parcours de poulets de chair respectant les modes de l’agriculture biologique d’une capacité nominale de 4800 animaux (soit 9600 animaux au total).

- construction d’un hangar agricole. - création d’une prise d’eau. - l’exploitation de 2 silos «tour» d’aliments secs pour volailles d’une capacité nominale de 10 m³, d’une citerne d’eau de nettoyage des poulaillers de 20 m³ de capacité, de 3 citernes d’eau pluviale de 10 m³ chacune et d’une citerne de gaz domestique pour un total de 2600 litres".

  1. Par un courrier recommandé du 16 janvier 2018, les fonctionnaires technique et délégué informent notamment Michèle MONFORT que sa demande de permis unique est complète et recevable.

  2. Du 22 janvier au 15 février 2018, une enquête publique se tient.

    48 réclamations sont déposées à cette occasion.

  3. Le 1er février 2018, le département de la nature et des forêts (D.N.F.) émet un avis favorable conditionnel sur le projet.

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    5. Le 7 février 2018, une première séance de présentation du projet est organisée.

  4. Le 14 février 2018, la direction du développement rural (DGO3) émet un avis favorable conditionnel.

  5. Le 16 février 2018, la direction des eaux souterraines (DGO3) émet un avis défavorable quant au forage pour prise d'eau.

  6. Le 20 février 2018, la commission consultative d’aménagement du territoire et de la mobilité (C.C.A.T.M.) de Lierneux émet un avis favorable "pour le projet déplacé d’une centaine de mètres à l’Est de l’autre côté du chemin".

  7. Le 22 février 2018, la zone de secours 5 Warche-Amblève-Lienne (W.A.L.) émet un avis favorable sur le projet, moyennant la prise en compte de certains éléments.

  8. Le 5 mars 2018, une seconde séance de présentation du projet est organisée, afin de présenter la solution alternative proposée par la C.C.A.T.M.

  9. Le 7 mars 2018, le collège communal de Lierneux émet un avis défavorable.

  10. Le 26 mars 2018, les fonctionnaires technique et délégué adressent leur rapport de synthèse et un projet de décision d’octroi du permis unique et de refus du permis relatif au forage.

    La commune de Lierneux réceptionne ces documents le 27 mars 2018.

  11. Le 11 avril 2018, le collège communal refuse le permis unique sollicité.

    Cette décision est notifiée à Michèle MONFORT par un courrier du 16 avril 2018.

  12. Par un pli recommandé du 4 mai 2018, Michèle MONFORT introduit un recours devant le Gouvernement wallon, réceptionné le 7 mai 2018.

  13. Le 20 juin 2018, les fonctionnaires technique et délégué compétents sur recours prorogent de 17 jours le délai de transmission de leur rapport de synthèse.

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    16. Le 25 juin 2018, la direction des eaux souterraines émet un avis favorable conditionnel.

  14. Le 19 juillet 2018, les fonctionnaires technique et délégué compétents sur recours adressent leur rapport de synthèse au ministre, ainsi qu’un projet d’arrêté ministériel portant octroi du permis unique demandé.

  15. Le 31 juillet 2018, le ministre délivre le permis unique sollicité, sous conditions.

    Il s’agit de l’acte attaqué, notifié notamment à la commune de Lierneux par un courrier du 31 juillet 2018, adressé par pli recommandé simple déposé auprès des services postaux le 1er août 2018.

    IV. Conditions de la suspension

    Conformément à l'article 17, § 1er, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, la suspension de l'exécution d'une décision administrative suppose deux conditions, une urgence incompatible avec le délai de traitement de l'affaire en annulation et l'existence d'au moins un moyen sérieux susceptible, prima facie, de justifier l'annulation de cette décision.

    V. Premier moyen

    V.1. Thèse de la partie requérante

    Le premier moyen est pris de la violation "des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, de l’erreur dans les motifs, du défaut de motif et de motivation adéquats, pertinents et légalement admissibles, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'excès de pouvoir".

    Après avoir rappelé la portée des règles et principes qu’elle invoque à l’appui de son moyen, la partie requérante souligne que 48 réclamations ont été déposées dans le cadre de l’enquête publique et qu’elle avait précisément motivé les raisons pour lesquelles elle refusait en première instance la demande de permis unique litigieuse.

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    Elle estime que l’acte attaqué ne motive pas adéquatement les raisons qui justifient de s’écarter de sa décision de refus alors qu’une motivation renforcée s’imposait.

    En premier lieu, concernant la question du forage pour prise d’eau, elle tire de l’acte attaqué que son auteur confirme explicitement le caractère inopportun d’un projet de forage et d’exploitation de la prise d’eau souterraine.

    Elle considère qu’il est contradictoire de délivrer le permis unique, en ce compris pour le forage et l’exploitation de la prise d’eau, malgré cet avis exprimé en termes d’opportunité du recours au forage litigieux, et soutient que cette contradiction ne trouve aucune explication à la lecture de l’acte attaqué.

    En deuxième lieu, concernant les modifications du relief du sol, elle rappelle que son collège communal a refusé le permis unique en soulevant la problématique relative au choix de l’implantation retenue en ce que celui-ci imposerait une modification trop importante du relief du sol, provoquant également un exhaussement important du talus à la limite d’un chemin de promenade. Elle observe que ce motif a été évoqué non seulement dans son avis préalable du 7 mars 2018, mais aussi dans sa décision de refus.

    Elle estime que la motivation de l’acte attaqué sur ce point est insuffisante et ne permet pas de comprendre en quoi les modifications du relief du sol qui seront engendrées par le projet peuvent être considérées comme limitées et équilibrées.

    En troisième lieu, s’agissant de l’impact paysager du projet, elle relève que son collège communal a refusé la demande de permis unique car il estimait notamment que l’impact paysager du projet serait trop important pour le lieu considéré. Il justifiait cette position en exposant que l’endroit proposé pour l’implantation se situe sur l’unique percée visuelle, non fermée par un écran végétal. Elle fait valoir que cet endroit est le plus visible depuis le village car en dehors de la bande végétalisée existante. Elle considère que l’ensemble du projet ainsi implanté et aménagé viendra rompre l’uniformité paysagère du flanc de colline, telle une plage agricole homogène, visible depuis l’axe principal sis dans la vallée.

    Elle estime que la motivation de l’acte attaqué à cet égard ne répond pas à la position exprimée par plusieurs réclamants et par le collège communal et ne permet pas de comprendre en quoi elle serait inexacte ou devrait être relativisée.

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    En quatrième lieu, concernant l’absence de système de retenues en limite avale de propriété, elle souligne que son collège communal a refusé le permis unique en pointant cette absence de système de retenues efficace, empêchant tout risque de ruissellement d’eaux chargées ou usées vers le domaine public, et particulièrement les fossés se déversant dans le cours d’eau situé en contrebas.

    À son estime, la motivation de l’acte attaqué est insuffisante sur ce point, se cantonnant à examiner la problématique des eaux de toiture et renvoyant à la litière "pailleuse", sans garantir l’absence de...

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