Décision judiciaire de Conseil d'État, 24 janvier 2019

Date de Résolution24 janvier 2019
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 243.495 du 24 janvier 2019

  1. 216.640/XIII-7395

    En cause : 1. CORNET d'ELZIUS Cécile, 2. l'Association sans but lucratif FONDATION WALLONNE POUR LA CONSERVATION DES HABITATS,

    1. l'Association sans but lucratif FRIENDS OF THE COUNTRYSIDE,

    2. l'Association sans but lucratif EUROPEAN LANDOWNERS ORGANIZATION,

      ayant toutes élu domicile chez

      Mes Jan BOUCKAERT et Olivier DI GIACOMO, avocats, rue de Loxum 25 1000 Bruxelles,

      contre :

      la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Mes Etienne ORBAN de XIVRY et Jean-François CARTUYVELS, avocats, boulevard du Midi 29 6900 Marche-en-Famenne.

      Partie intervenante :

      la Société anonyme ENECO WIND BELGIUM, ayant élu domicile chez Me Denis BRUSSELMANS, avocat, rue Ottiamont 9 5140 Sombreffe. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

      Par une requête introduite le 6 août 2015, Cécile CORNET d'ELZIUS, l'association sans but lucratif (A.S.B.L.) FONDATION WALLONNE POUR LA CONSERVATION DES HABITATS, l'A.S.B.L. FRIENDS OF THE COUNTRYSIDE et l'A.S.B.L. EUROPEAN LANDOWNERS ORGANIZATION demandent l'annulation de l'arrêté du Ministre de la Région wallonne ayant dans ses

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      compétences l'Environnement et l'Aménagement du territoire du 8 juin 2015 statuant sur les recours administratifs introduits contre l'arrêté du 8 avril 2009 des fonctionnaires technique et délégué et accordant un permis unique visant à construire et exploiter un parc de six éoliennes et une cabine de tête dans un établissement situé au lieu-dit Fosse des Loups, à Ciney (Pessoux).

      II. Procédure

      Par une requête introduite le 30 septembre 2015, la société anonyme (S.A.) ENECO WIND BELGIUM demande à être reçue en qualité de partie intervenante.

      Cette intervention a été accueillie par une ordonnance du 16 octobre 2015.

      Le dossier administratif a été déposé.

      Les mémoires en réponse, en réplique et en intervention ont été régulièrement échangés.

      Mme Valérie MICHIELS, premier auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

      Le rapport a été notifié aux parties.

      Les parties ont déposé un dernier mémoire.

      Par une ordonnance du 25 octobre 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 6 décembre 2018 à 09.30 heures.

      Mme Anne-Françoise BOLLY, conseiller d'État, a exposé son rapport.

      Me Olivier DI GIACOMO, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, Me Jean-François CARTUYVELS, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Me Bruno LECLERCQ, loco Me Denis BRUSSELMANS, avocat, comparaissant pour la partie intervenante, ont été entendus en leurs observations.

      Mme Valérie MICHIELS, premier auditeur, a été entendue en son avis conforme.

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      Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

      III. Faits

      1. Le 14 août 2008, la société anonyme (S.A.) AIR ENERGY, devenue aujourd'hui la S.A. ENECO WIND BELGIUM introduit une demande de permis unique afin d'implanter et exploiter un parc de 6 éoliennes et une cabine de tête sur des terrains sis à Ciney, au lieu-dit "Fosses des loups".

      Une étude d'incidences est jointe au dossier de demande, dans la mesure où le projet litigieux est un établissement de classe I. L'étude a été réalisée par le bureau CSD ENVIRO CONSULT S.A., agréé par la Région wallonne.

      Les parcelles concernées sont situées en zone agricole au plan de secteur de Dinant-Ciney-Rochefort arrêté le 22 janvier 1979.

    3. Le 24 janvier 2008, préalablement à l'introduction de la demande de permis unique, la S.A. AIR ENERGY a organisé une réunion d'information, conformément à l'article D.29-5 du livre Ier du Code de l'environnement. Cette consultation a donné lieu à plusieurs réclamations, de sorte que la configuration du projet a été modifiée et qu'une seconde réunion d'information s'est tenue le 18 juin 2008.

    4. Le 28 octobre 2008, les fonctionnaires technique et délégué déclarent la demande recevable et complète, après avoir obtenu un complément d'étude d'incidences relatif au tracé de raccordement des éoliennes au réseau de transport d'électricité.

    5. Des enquêtes publiques sont réalisées du 22 novembre 2008 au 22 décembre 2008 sur le territoire des communes de Ciney, Hamois et SommeLeuze. Plusieurs centaines de réclamations sont introduites.

    6. Plusieurs instances sont consultées :

      - avis favorables : direction des Routes de Namur, conseil wallon de l'environnement pour le développement durable (CWEDD) et commission régionale d'aménagement du territoire (CRAT);

      - avis favorables conditionnels : FLUXYS, direction générale opérationnelle de l'agriculture, des ressources naturelles et de l'environnement (DGO3) (Division

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      de l'Énergie), direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie (DGO4) (Direction générale de l'Agriculture), commission consultative communale d'aménagement du territoire et de mobilité (C.C.A.T.M.) de la commune de Ciney, département de la Nature et des Forêts (D.N.F.), collège communal de Ciney; - avis favorable par défaut : SPF Mobilité et Transports (Direction générale du

      Transport aérien); - avis défavorables : collège communal et C.C.A.T.M. de Hamois.

    7. Le 8 avril 2009, les fonctionnaires technique et délégué octroient le permis unique sollicité.

    8. Cette décision d'octroi fait l'objet de quatorze recours administratifs.

    9. Le 21 août 2009, un rapport de synthèse favorable est adressé au Ministre.

    10. Le 14 septembre 2009, le Ministre ayant l'Environnement et l'Aménagement du territoire dans ses attributions modifie la décision des fonctionnaires technique et délégué en ajoutant une condition particulière relative à l'avifaune et aux chiroptères et délivre le permis unique sollicité par la S.A. AIR ENERGY.

    11. Un recours est introduit devant le Conseil d'État à l'encontre de ce permis. Le recours est enrôlé sous le nº A. 194.602/XIII-5418 et donne lieu à l'annulation du permis par un arrêt nº 229.959 du 22 janvier 2015.

    12. Alors que le parc éolien est en exploitation depuis le 1er juillet 2012, un complément d'étude d'incidences est réalisé le 12 février 2015, portant sur trois points :

      - une présentation de la situation existante de droit et de fait des accès utilisés en cours de chantier ainsi que des aménagements réalisés,

      - une analyse du potentiel éolien, - et enfin une présentation des mesures compensatoires mises en œuvre en faveur des espèces agraires et du programme de bridage requis en faveur des populations de chauve-souris.

    13. Une nouvelle enquête publique est réalisée du 16 mars au 14 avril

      2015 dans les communes de Ciney, Somme-Leuze et Hamois.

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      13. De nouveaux avis sont donnés :

      - avis favorable conditionnel du CWEDD le 24 mars 2015; - avis favorable par défaut de la DGO4 et de la C.C.A.T.M. de Ciney le

      2 mars 2015; - avis défavorable des collèges communaux de Ciney et de Hamois le 20 avril 2015 et du D.N.F. le 7 avril 2015.

    14. Le 10 avril 2015, les fonctionnaires technique et délégué prorogent de trente jours le délai de transmission à l'autorité compétente du rapport de synthèse.

    15. Le 27 avril 2015, le conseil communal de Ciney approuve les créations et modifications de voirie.

    16. Le 11 mai 2015, les fonctionnaires technique et délégué adressent au Ministre leur rapport de synthèse et proposent d'accorder le permis sollicité.

    17. Le 8 juin 2015, le Ministre ayant l'Environnement et l'Aménagement du Territoire dans ses attributions octroie le permis unique à la S.A. ENECO WIND BELGIUM, en modifiant les articles 3 et 4 de ce permis, lesquels ont trait aux conditions particulières relatives à l'avifaune, aux chiroptères et au bruit. Il s'agit de l'acte attaqué en l'espèce.

      IV. Recevabilité

      IV.1. Thèses des parties

  2. Les mémoires en réponse et en intervention

    L'intérêt au recours des différentes parties requérantes est contesté par les parties adverse et intervenante. Dans le chef de la première requérante, personne physique, c'est l'absence de grief précis qui devrait conduire à l'absence d'un intérêt suffisant au recours et dans le chef des trois dernières parties requérantes, personnes morales, c'est l'absence d'un intérêt collectif spécifique qui leur est reproché, leur objet social étant jugé trop large pour leur accorder un intérêt suffisant à agir dans la présente cause.

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    B. Le mémoire en réplique et le dernier mémoire des parties requérantes

    La première partie requérante rappelle qu'elle est propriétaire du château de Ribiéfontaine qui est situé à 520 mètres de l'éolienne la plus proche, qu'elle a une vue sur le projet et qu'elle a donc la qualité de voisine du projet ce qui suffit à justifier son intérêt au recours.

    Les trois autres partie requérantes exposent qu'elles sont des A.S.B.L. actives dans la protection de l'environnement et de la biodiversité et qu'en vertu des articles 2, § 5 et 9, § 2, alinéa 2, de la Convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, elles disposent d'un intérêt à agir.

    IV.2. Examen

    Tout riverain a normalement intérêt au bon aménagement de son quartier, ce qui implique la possibilité de contester tout projet susceptible de modifier son environnement ou d'affecter son cadre de vie.

    En ce qui concerne la première partie requérante, elle est bien propriétaire du "château de Pessesse", sis rue Pesesse 2 à Pessoux. La circonstance qu'elle n'apporte aucune précision sur les modalités d'occupation de cette propriété est sans incidence sur son intérêt à agir, sa qualité de propriétaire étant suffisante. La distance qui sépare le château de l'éolienne la plus proche est de 520 mètres, et la partie requérante peut avoir...

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