Décision judiciaire de Conseil d'État, 24 janvier 2019

Date de Résolution24 janvier 2019
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

XIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 243.482 du 24 janvier 2019

A. 218.653/XI-21.038

En cause : la S.A. ROCOLUC, ayant élu domicile chez

Mes François TULKENS et

Maxime VANDERSTRAETEN, avocats, boulevard de l'Empereur 3 1000 Bruxelles,

contre :

la Commission des Jeux de Hasard, ayant élu domicile chez

Me Philippe LEVERT, avocat, rue Defacqz 78-80 1060 Bruxelles.

Partie intervenante :

la S.A. CIRCUS LEISURE, ayant élu domicile route du Condroz 13/d 4100 Seraing.

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I. Objet de la requête

1. Par une requête introduite par voie électronique le 7 mars 2016, la société anonyme ROCOLUC demande l’annulation de « la décision de la Commission des jeux de hasard, de date inconnue, d’octroyer à la SA Circus Leisure une licence F1+124887 en vue d’exploiter l’organisation de paris via l’URL "www.betclic.be" ».

II. Procédure

2. La partie adverse a déposé le dossier administratif.

Par une requête introduite le 25 avril 2016, la S.A. CIRCUS LEISURE demande à être reçue en qualité de partie intervenante.

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Une ordonnance du 11 août 2016 a accueilli la requête en intervention introduite par la S.A. CIRCUS LEISURE.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement déposés.

M. Éric THIBAUT, auditeur général adjoint, a rédigé un rapport, sur la base de l’article 12 de l’arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État.

Ce rapport a été notifié aux parties.

La partie adverse a demandé la poursuite de la procédure et la partie requérante a déposé un dernier mémoire.

Une ordonnance du 14 novembre 2018, notifiée aux parties, a fixé l’affaire à l’audience de la XIe chambre du 6 décembre 2018 à 10 heures.

Mme Colette DEBROUX, président de chambre, a fait rapport.

Me Maxime VANDERSTRAETEN, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me Hanna BOUZEKRI, loco Me Philippe LEVERT, avocats, comparaissant pour la partie adverse, et Me Joris J. DE SMET, avocat, comparaissant pour la partie intervenante, ont présenté leurs observations.

M. l’auditeur général adjoint Éric THIBAUT a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

3. La S.A. Rocoluc est une société anonyme de droit belge qui a pour objet l’exploitation de jeux de hasard. Elle exploite un établissement de classe II et dispose, pour ce faire, d’une licence de classe B (licence B3892), renouvelée le 2 mars 2011 pour neuf années. Elle est également titulaire d’une licence supplémentaire B+3892 qui l’autorise à exploiter des jeux de hasard de classe II sur le site www.casinobelgium.be.

Depuis le 7 juillet 2010, la S.A. Prés Carats Sports est titulaire d’une licence B3976 pour l’exploitation d’un établissement de jeux de hasard de classe II. Le 7 octobre

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2015, elle obtient une licence B+3976 qui autorise l’exploitation de jeux de hasard par le biais du site www.betclic.be.

Depuis le 7 septembre 2011, la S.A. Circus Leisure est titulaire d’une licence F1 124887 pour l’organisation de paris. Le 7 octobre 2015, elle obtient une licence F1+124887 qui autorise l’organisation de paris en ligne par le biais du site www.betclic.be. Il s’agit de l’acte attaqué.

IV. Recevabilité du recours

Thèse de la partie requérante

4. La requérante expose qu’en tant qu’exploitant d’un établissement de classe II physique et virtuel, elle entre en concurrence avec les autres titulaires de licence B(+), comme la S.A. Prés Carats Sports, mais aussi avec les autres établissements de jeux de hasard, y compris les titulaires de licences F1(+) comme la S.A. Circus Leisure. À son estime, les actes attaqués qui autorisent, sous une même URL www.betclic.be, l’exploitation de jeux de hasard correspondant à plusieurs classes distinctes, permettent une visibilité accrue des jeux offerts en ligne par les titulaires concernés, qui, en outre, peuvent réaliser « des économies d’échelle et des gains très importants issus du jeu et des bénéfices publicitaires ». Elle considère être ainsi « désavantagée par la concurrence déloyale engendrée par un tel cumul de trois activités sur un même site internet, que la loi sur les jeux de hasard n’autorise pas ».

  1. Par ailleurs, la requérante indique avoir pris connaissance de l’acte attaqué sur le site de la Commission des jeux de hasard le 1er mars 2016, de sorte que le recours est recevable ratione temporis.

  2. En réplique, renvoyant notamment aux rapports annuels 2014 et 2015 de la Commission des jeux de hasard, elle réaffirme en substance qu’elle est en concurrence avec des exploitants d’établissements d’une autre classe, et certainement avec les entreprises exploitant des paris en ligne, dont le chiffre d’affaires a crû de manière exponentielle ces dernières années. Elle insiste sur le fait qu’il est évident qu’un site internet offrant au moyen d’une seule URL à la fois des jeux automatiques et des paris dispose d’un « avantage compétitif significatif par rapport à l’exploitant de tels jeux sur des sites distincts ».

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    Thèse de la partie adverse

  3. Selon la partie adverse, le recours est irrecevable à défaut d’intérêt, dès lors que la requérante, titulaire d’une licence de classe B qui l’autorise à exploiter un établissement de jeux de hasard de classe II, a des activités différentes de celles de la société intervenante, avec laquelle elle n’entre donc pas en concurrence, et qu’en effet, les jeux de hasard autorisés dans un établissement de classe II ne présentent aucun point commun avec les paris. Elle souligne qu’il n’y a aucune concurrence certaine et directe, ni entre la requérante et la S.A. Circus Leisure, titulaire d’une licence pour organiser des paris, ni entre la requérante et la S.A. Prés Carats Sports, qui certes dispose également d’une licence B pour l’exploitation de jeux de hasard mais qui se situe à environ 130 km de l’établissement de la requérante. Elle rappelle que les parties requérante et intervenante sont toutes deux titulaires de licences supplémentaires les autorisant à exploiter des jeux de hasard via des instruments de la société de l’information, et qu’il est inexact de soutenir que l’acte attaqué autorise l’exploitation de jeux de hasard correspondant à plusieurs classes distinctes sous une même URL, alors qu’il n’a d’autre objet que d’octroyer une licence de classe F1+ à la partie intervenante pour l’organisation de paris en ligne.

    Elle conteste que l’exploitation de jeux et de paris en ligne via une même URL puisse conférer aux sociétés concernées une visibilité accrue ou leur permettre de faire des économies d’échelle, ce dernier argument lui paraissant hypothétique et peu pertinent, dès lors qu’une URL unique peut reposer sur une infrastructure informatique coûteuse et complexe tandis qu’inversement, des URL multiples peuvent être liées à une infrastructure plus modeste. Elle ne comprend pas non plus en quoi l’utilisation d’une URL unique permettrait d’accroître de prétendues recettes publicitaires des sociétés concernées.

  4. Même à admettre l’existence d’une concurrence entre la partie intervenante et la requérante, la partie adverse observe que l’intérêt de...

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