Décision judiciaire de Conseil d'État, 8 janvier 2019

Date de Résolution 8 janvier 2019
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 243.346 du 8 janvier 2019

A. 220.946/XIII-7862

En cause : la Ville de Mons, ayant élu domicile chez Me Philippe CASTIAUX, avocat, avenue Baudouin de Constantinople 2 7000 Mons,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, rue de Nieuwenhove 14 A 1180 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 5 décembre 2016, la ville de Mons demande l'annulation de l'arrêté du Ministre ayant l'urbanisme et l'aménagement du territoire dans ses attributions, pris en date du 4 octobre 2016, octroyant un permis unique à la société anonyme (S.A.) AANNEMINGEN BOSSCHAERT et ayant pour objet la construction et l'exploitation d'un centre de regroupement et de tri de déchets inertes, de construction et de démolition provenant principalement des chantiers de travaux publics et privés dans un établissement situé rue de Baudour (quai du Large, 1) nº 50 à Ghlin (Mons).

II. Procédure

Par une requête introduite le 23 janvier 2017, la S.A. AANNEMINGEN BOSSCHAERT a demandé à être reçue en qualité de partie intervenante.

Cette intervention a été accueillie par une ordonnance du 2 février 2017.

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Par une requête introduite le 13 juillet 2017, la société privée à responsabilité limitée (S.P.R.L.) RECOTRI a demandé à être reçue en qualité de partie intervenante.

Cette intervention a été accueillie par une ordonnance du 10 août 2017.

Un arrêt n° 241.122 du 27 mars 2018 a rejeté les demandes d'intervention de la S.A. AANEMINGEN BOSSCHAERT et de la S.P.R.L. RECOTRI, a déclaré non fondé le premier moyen en sa première branche, rouvert les débats, chargé le membre de l'auditorat désigné par M. l'Auditeur général de poursuivre l'instruction du recours, liquidés les dépens liés aux requêtes en intervention introduites par la S.A. AANEMINGEN BOSSCHAERT et la S.P.R.L. RECOTRI et réservé les dépens pour le surplus. Il a été notifié aux parties.

M. Lionel RENDERS, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport complémentaire sur la base de l'article 13 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties ont déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 8 août 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 18 octobre 2018 à 09.30 heures.

Mme Anne-Françoise BOLLY, conseiller d'État, président f.f., a exposé son rapport.

Me Yves-Alexandre HUBERT, loco Me Philippe CASTIAUX, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Emilie LEBEAU, loco Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

M. Lionel RENDERS, auditeur, a été entendu en son avis contraire.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

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III. Faits

Les faits ont été exposés dans l'arrêt n° 241.122 du 27 mars 2018 précité. Il convient de s'y référer.

IV. Premier moyen, seconde branche

IV.1. Thèses des parties

A. La requête

Le premier moyen est pris de la violation de l'"article 30bis, alinéa 1er, 2, 4 et 5 du CWATUP [lire : Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine], du P.C.A. [lire : plan communal d'aménagement] n° 3 dit "Zone industrielle Sud-Ouest", du schéma de structure communal de Mons adopté par le conseil communal en sa séance du 27 juin 2000, de l'erreur dans les motifs, de l'erreur manifeste d'appréciation, des principes de bonne administration et du devoir de minutie, des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation des actes administratifs.

En sa deuxième branche, la partie requérante constate qu'il ressort de la page 26 de l'acte attaqué et de l'article 4 de son dispositif qu'il est prévu une zone tampon située le long de la rue de Condé, laquelle est constituée exclusivement comme suit :

- une haie de thuyas et la plantation d'arbres à haute tige sans autre précision, qui sont censés protéger les riverains de nuisances sonores issues d'un charroi interne à l'établissement de 40 camions/jour, soit 80 passages;

- un ancien mur de briques surmonté d'une vieille toiture composée de tôles ondulées.

Elle développe les arguments suivants :

- aucune analyse in concreto n'a été assurée par la partie adverse quant à l'efficacité de cette zone tampon. L'auteur de l'acte attaqué se contente d'une formule creuse en considérant que le dispositif végétal mis en place serait suffisant;

- il appartenait à l'autorité d'examiner cette problématique et d'en tirer les conclusions adéquates par rapport à la nature des dispositifs d'isolement à prévoir conformément à l'article 30bis, alinéa 4, du CWATUP. Or, en méconnaissance de

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cette disposition, du principe de bonne administration et du devoir de minutie, l'auteur de l'acte attaqué a estimé, aux termes d'une motivation inadéquate, ne pas devoir procéder à une telle analyse compte tenu de l'article 18 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002 fixant les conditions générales des établissements classés;

- au vu du charroi attendu d'une telle activité et des nuisances qui en découleront, la décision de l'autorité sur ce point relève également de l'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où seul un dispositif paysager est prévu pour isoler les riverains, relativement proches, de nuisances sonores et de poussières. Un tel dispositif est manifestement inefficace pour se prémunir de ces nuisances;

- compte tenu des prescriptions du P.C.A. n° 3, il revenait à l'autorité de prévoir de réelles zones de dégagement entre le site concerné et le voisinage immédiat, ainsi que de prendre en compte la moindre gêne pour le voisinage. Or, il n'est prévu aucune zone de dégagement sur le site par rapport aux riverains de la rue de Condé sachant que le bâtiment accueillant les activités les plus bruyantes est construit à quelques mètres seulement des façades des riverains les plus proches et que le solde du site ne comprend aucun dégagement, sauf le dispositif paysager prédécrit. En outre, l'acte attaqué ne témoigne pas d'une réelle prise en compte de la moindre gêne pour le voisinage.

B. Le mémoire en réponse

L'argumentation de la partie adverse peut être résumée de la manière suivante :

- on ne peut reprocher à l'auteur de l'acte attaqué d'avoir respecté l'article 18 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002 en indiquant que l'impact acoustique du charroi ne doit pas être pris en considération dans l'évaluation du bruit particulier de l'établissement;

- l'article 19 du même dispositif distingue le bruit ambiant du bruit particulier. Il en résulte que l'évaluation du bruit particulier de l'établissement ne prend pas en considération l'impact sonore généré par le charroi, l'objectif étant d'évaluer l'impact sonore de l'établissement seul, avec les installations qu'il contient, en vue de déterminer si les activités projetées respectent les limites de bruit applicables. L'évaluation qui a été opérée par le bureau MODYVA sur cet aspect conclut que "la future activité n'émergera pas du niveau sonore actuel mesuré chez les riverains";

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- si les articles 18 et 19 précités impliquent d'exclure l'impact sonore du charroi généré par le projet lorsqu'il s'agit d'évaluer le bruit particulier, cela ne signifie pas que cet impact sonore n'a pas été pris en considération;

- les motifs de l'acte attaqué, qu'elle met en exergue en substance, montrent que l'autorité s'est souciée des incidences qui pourront éventuellement être générées par le projet, dont l'impact visuel, paysager, sonore, olfactif et l'impact environnemental;

- il en est d'autant plus ainsi que les conditions qui sont imposées sont précises et reflètent la volonté de l'autorité d'empêcher que les riverains subissent d'éventuelles nuisances. Concernant le charroi, l'acte attaqué lui-même et les conditions l'assortissant font apparaître que les camions ne pourront pas passer par la rue de Condé, ce qui signifie que l'impact sonore pour les riverains doit être relativisé, d'autant plus que l'exploitant souhaite développer les transports fluviaux de déchets;

- la requérante ne démontre pas l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation, ni que les dispositifs imposés par l'acte attaqué seraient insuffisants pour prévenir les nuisances éventuelles, d'autant qu'il est imposé la réalisation d'une étude acoustique supplémentaire pour s'assurer que l'exploitant respecte bien les limites de bruit.

C. Le mémoire en réplique

La partie requérante précise ne pas contester les conclusions de l'étude acoustique réalisée à la demande du bénéficiaire du permis, mais bien l'absence de prise en compte des nuisances issues du charroi sur le site et ses abords et la nonconformité du projet au regard des exigences du CWATUP et du P.C.A. en termes d'aménagement d'une zone tampon.

Elle rappelle que la problématique du charroi avait été dénoncée par les riverains lors de l'enquête publique.

Elle estime démontrer à suffisance la violation de l'article 30bis, alinéa 4, du CWATUP.

Pour le surplus, elle réitère certains développements de sa requête.

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D. Le dernier mémoire de la partie requérante

La partie requérante conteste qu'une zone suffisante pour constituer un dispositif d'isolement ait été envisagée par le projet et, partant, que l'autorité délivrante ait pu considérer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que le rideau d'arbres à haute tige existants et à planter, constitue un tel dispositif suffisant compte tenu des activités et du charroi (environ 40 camions par jour) prenant part sur le site.

Elle souligne que tant l'avis de la cellule bruit de la direction générale opérationnelle de l'agriculture, des ressources naturelles...

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