Décision judiciaire de Conseil d'État, 20 novembre 2018

Date de Résolution20 novembre 2018
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

XVe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 243.003 du 20 novembre 2018

A. 220.163/XV-3195

En cause : 1. la société privée à responsabilité limitée

OLIVIER DUBUISSON, 2. DUBUISSON Olivier, 3. VANDEN BOGAERT Marie, ayant élu domicile chez

Mes Benoît CAMBIER et Fabien HANS, avocats, avenue Winston Churchill 253/40 1180 Bruxelles,

contre :

la commune d'Uccle, représentée par son collège des bourgmestre et échevins.

Partie intervenante :

la société privée à responsabilité limitée THIERRY KISLANSKI, ayant élu domicile chez

Mes Tanguy VANDENPUT et

Valérie ELOY, avocats, avenue Tedesco 7 1160 Bruxelles.

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I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 31 août 2016, la s.p.r.l OLIVIER DUBUISSON, Olivier DUBUISSON et Marie VANDEN BOGAERT demandent l'annulation de "la décision du Collège des Bourgmestre et Échevins de la commune d'Uccle datée du 3 mai 2016 par laquelle il délivre un permis d'urbanisme à Monsieur Thierry KISLANSKI c/o S.P.R.L. Thierry KISLANSKI pour le bien situé avenue des chênes n°58. Ce permis tend «à la mise en conformité de travaux réalisés non conformément au PU 16-40049-2011 (modification de volume) et réaménagement du jardin (suppression de la piscine)»".

II. Procédure

Par une requête introduite par la voie électronique le 30 septembre 2016, la s.p.r.l. THIERRY KISLANSKI demande à être reçue en qualité de partie intervenante.

Cette intervention a été accueillie provisoirement par une ordonnance du 18 octobre 2018.

Les mémoires en réponse, en réplique et en intervention ont été régulièrement échangés.

M. Raphaël BORN, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties ont déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 3 octobre 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 13 novembre 2018.

M. Marc JOASSART, conseiller d'État, a exposé son rapport.

Me Fabien HANS, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, Mme Lydie JERKOVIC, juriste en chef, comparaissant pour la partie adverse et Me Valérie ELOY, avocat, comparaissant pour la partie intervenante, ont été entendus en leurs observations.

M. Raphaël BORN, auditeur, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

1. Le 14 février 2012, le collège des bourgmestre et échevins de la commune d'Uccle accorde à la s.p.r.l. THIERRY KISLANSKI un permis d'urbanisme (16-40049-2011) tendant à "la transformation lourde d'une habitation

(démolition/reconstruction) avec modification de volume" d'un bien situé avenue des Chênes, 58, à 1180 Uccle.

Le bien se situe en zone d'habitation à prédominance résidentielle du plan régional d'affectation du sol (PRAS) arrêté par l'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 3 mai 2001.

  1. Le 14 octobre 2014, la s.p.r.l. Thierry KISLANSKI introduit une nouvelle demande de permis d'urbanisme portant sur le même bien et tendant à "la mise en conformité de travaux réalisés non conformément au permis d'urbanisme 16-40049-2011 (modification du volume) et au réaménagement du jardin (suppression de la piscine)".

  2. Le 12 novembre 2014, l'administration communale accuse réception d'un dossier incomplet.

  3. Le 19 novembre 2014, les documents complémentaires requis sont déposés.

  4. Le 3 décembre 2014, il est accusé réception du dossier complet.

  5. Une enquête publique est organisée du 5 janvier au 19 janvier 2015. Deux réclamations sont introduites durant cette enquête, dont une lettre émanant des requérants.

  6. Le 4 février 2015, la commission de concertation rend un avis favorable unanime conditionnel dans lequel figurent notamment les deux premières conditions suivantes :

    " - revoir l'aménagement de la terrasse nord du 1er étage, conformément à la situation de droit du permis d'urbanisme 16-40049-2011 et délimiter les zones accessibles et les zones plantées; - aligner l'allège de la fenêtre de la chambre 6 à celle de la salle de bain 4 (façade Est)".

  7. Le 11 mars 2015, le collège des bourgmestre et échevins invite le demandeur à déposer des plans modifiés respectant les conditions fixées par la commission de concertation en application de l'article 191 du CoBAT.

  8. Le 25 septembre 2015, des plans et documents modifiés sont déposés.

    Ces plans et documents présentent une solution alternative qui, selon la note de synthèse, "semble la mieux adaptée pour répondre à la fois au bon

    aménagement des lieux, au souci exprimé par le voisin, et à la propre préoccupation du maître d'ouvrage visant à le protéger des vues à partir de la propriété de Mr DUBUISSON, sur sa salle de bain, et la chambre 6". Il s'agit d'une configuration différente de la terrasse proposée, du maintien de la porte-fenêtre, reliée à ladite terrasse par une "coursive" de 1 mètre de profondeur et qui se prolonge jusqu'au coin Nord de la façade et du placement d'une claustra ayant une hauteur totale de 4,36 mètres, soit de 3,77 mètres depuis le niveau fini de la terrasse.

  9. Le 21 octobre 2015, l'administration communale accuse réception d'un dossier incomplet.

  10. Le 1er décembre 2015, les documents complémentaires requis sont déposés.

  11. Le 12 janvier 2016, l'administration communale considère que les modifications apportées aux plans et documents introduits répondent aux conditions de l'article 126/1 du CoBAT.

  12. Le 11 février 2016, le collège des bourgmestre et échevins rend un avis favorable conditionnel. Cet avis critique sur plusieurs points le projet, dont la hauteur du claustra qu'une condition impose de réduire à 1,60 mètre depuis le niveau fini de la terrasse, et la largeur de la coursive qu'une autre condition impose de réduire à 60 centimètres. L'avis précise que "ces modifications sont telles que l'article 191, alinéa 2, du CoBAT est d'application" mais "également que par rapport à ces conditions, le demandeur peut, de sa propre initiative, modifier sa demande en application de l'article 126/1 du CoBAT".

  13. Le 14 mars 2016, le collège des bourgmestre et échevins invite le demandeur à déposer des plans modifiés respectant les conditions fixées par son avis en application de l'article 191 du CoBAT.

  14. Le 6 avril 2016, des plans et documents modifiés sont déposés par lesquels la coursive est réduite à une profondeur de 60 centimètres mais la hauteur du claustra reste à 1,90 mètre depuis le niveau fini de la terrasse.

  15. Le 3 mai 2016, le collège des bourgmestre et échevins délivre un permis d'urbanisme motivé comme suit :

    " Considérant le repérage administratif et la procédure :

    Vu la demande de permis d'urbanisme n°16-41870-2014 introduite le 14/10/2014 par la S.P.R.L. THIERRY KISLANSKI - c/o Monsieur Thierry KISLANSKI, et modifiée en application de l'article 126/1 du CoBAT (Ordonnance du 13/05/2004) en date du 12/01/2016 (attestation de dépôt) ainsi qu'en date du 06/04/2016, et visant la mise en conformité de travaux réalisés non conformément au permis d'urbanisme n°16-40049-2011 (modification de volume) et réaménagement du jardin (suppression de la piscine) sur le bien sis avenue des Chênes, 58;

    Considérant que le plan régional d'affectation du sol situe la demande en zone d'habitation à prédominance résidentielle;

    Considérant que les mesures particulières de publicité étaient requises pour le motif suivant :

    o application de la prescription générale 0.6 du PRAS, en matière d'acte et travaux de nature à porter atteinte à l'intérieur de l'ilot;

    Vu les résultats de l'enquête publique qui s'est déroulée du 05/01/2015 au 19/01/2015 inclus, et le nombre, la teneur des réclamations et observations et l'argumentaire y développé;

    Considérant que les réclamations portent sur les aspects suivants : o les propriétaires de la maison voisine de droite sise au n° 162 avenue des

    Chênes, s'opposent à la demande et estiment que: o cette demande est en réalité une demande de régularisation de travaux exécutés non conformément au permis d'urbanisme 16-40049-2011; o les modifications apportées au permis d'urbanisme d'origine ont pour conséquence d'augmenter substantiellement les nuisances pour cette maison voisine et pour les autres riverains; o le permis d'urbanisme 16-40049-2011 aurait été délivré sur base d'un dossier incomplet et contradictoire, ce qui a jeté le flou sur les intentions réelles du bénéficiaire du permis; - incomplet : pas de document de synthèse figurant le profil des immeubles voisins, pas de plan de localisation, plan d'implantation sans indication des limites cotées de la propriété, le relief existant et les arbres à haute tige devant être abattus; - contradictoire : erreur d'implantation du bâtiment (indiqué à 5 mètres de la limite mitoyenne du plaignant et construit à 2,40 mètres), et la représentation en 3D était trompeuse; o le demandeur aurait délibérément mis en œuvre un bâtiment de manière non conforme à son permis et attendu la fin des travaux pour solliciter la régularisation d'éléments qui n'auraient jamais pu être acceptés s'ils avaient été sollicités dès le départ; - l'implantation et ses conséquences :

     le bâtiment serait, en réalité, beaucoup plus proche des limites séparatives, par rapport au permis initial. Le demandeur ne mentionne pas explicitement cette modification dans sa note explicative;

     cette modification d'implantation a pour conséquence de modifier radicalement l'impact visuel depuis le terrain des plaignants. Ainsi, le gabarit déjà imposant d'un bâtiment d'une hauteur estimée anormale est encore plus disproportionné lorsqu'il est à ce point rapproché de l'habitation des plaignants;

     le rapprochement opéré se ferait directement vers les principales pièces de vie de l'habitation des plaignants qui auront une vue directe sur un bloc imposant, à peine à quelques mètres...

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