Décision judiciaire de Conseil d'État, 7 novembre 2018

Date de Résolution 7 novembre 2018
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

VIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 242.873 du 7 novembre 2018

A.215.195/VI-20.378

En cause : 1. L'ÉVÊQUE DE LIÈGE, 2. LA FABRIQUE D'ÉGLISE SAINT BARTHELEMY DE LIÈGE,

ayant élu domicile chez

Me Pierre LEJEUNE, avocat, rue des Fories 2 4020 Liège,

contre :

la province de Liège.

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I. Objet de la requête

Par une requête déposée introduite le 6 mars 2015, l'Évêque de LIÈGE et la fabrique d'église SAINT BARTHELEMY DE LIÈGE demandent l'annulation de "la décision du Collège provincial de Liège du 18 décembre 2014, approuvant, moyennant rectification des articles 31 et 59, le budget 2014 de la Fabrique d'église de la paroisse Saint Barthélemy de Liège".

II. Procédure

Un arrêt n° 237.999 du 25 avril 2017 a rouvert les débats et a chargé le membre de l'auditorat, désigné par l'Auditeur général, de déposer un rapport complémentaire.

Cet arrêt a été notifié aux parties.

M. Raphaël BORN, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 13 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties requérantes ont déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 12 janvier 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 21 février 2018 à 10 heures.

M. Imre KOVALOVSZKY, président de chambre, a exposé son rapport.

Me Pierre LEJEUNE, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, a été entendu en ses observations.

M. Raphaël BORN, auditeur, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

Les faits utiles à l'examen du recours ont été exposés dans l'arrêt n° 237.999 du 25 avril 2017, précité. Il y a lieu de s'y référer.

IV. Premier moyen

IV.1. Thèse des requérants

A. Requête

Le premier moyen est pris de la violation des articles 1er, 3 et 13 de la loi du 4 mars 1870 sur le temporel des cultes, des articles 1er, 46, 49 et 92 du décret impérial du 30 décembre 1809 concernant les fabriques d'église, du "modèle de budget annexé aux arrêtés royaux du 7 août 1870 et du 12 septembre 1933, modèle imposé par ces mêmes arrêtés", du principe de confiance légitime, de sécurité juridique, du principe patere legem quam ipse fecisti, "de l'absence de motifs exacts, pertinents et légalement admissibles et de l'existence d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation".

En une première branche, les requérants dénoncent une "violation de la notion de budget". Ils rappellent que le budget doit être global (selon les termes de la circulaire du 24 mai 2013) et complet (selon les termes de l'acte attaqué), tandis qu'il résulte des articles 36 et 46 du décret impérial du 30 décembre 1809 que les fabriques d'église peuvent disposer de recettes de biens et, ajoutent les requérants, que "corrélativement, […] elles doivent assumer les charges correspondantes". Ils se réfèrent aussi au modèle de budget, annexé aux arrêtés royaux des 7 août 1870 et 12 septembre 1933 et imposé aux fabriques d'église par l'article 13 de la loi du 4 mars 1870 qui a servi de fondement à ces deux arrêtés, modèle qui prévoit de faire figurer à l'article 1er les "loyers de maison", à l'article 31 les "entretien et réparation d'autres propriétés bâties", et à l'article 59 les "grosses réparations, construction d'autres propriétés bâties". Les requérants en déduisent qu'il est contraire à la notion même de budget et aux articles précités d'admettre un article relatif aux recettes des biens loués – en l'occurrence 25.000 euros -, mais de refuser les dépenses nécessaires à leur entretien et leur réparation.

En une deuxième branche, les requérants dénoncent la violation de l'obligation d'administrer les biens de la fabrique, de veiller à percevoir les recettes et d'assumer les charges, obligation qui découle, selon eux, de l'article 1er du décret

impérial du 30 décembre 1809. Ils soutiennent que l'acte attaqué, qui refuse les dépenses nécessaires à l'entretien d'un bien de la fabrique ne peut que mener à son appauvrissement, contrairement au prescrit légal, ainsi qu'à une augmentation du subside communal, ce qui est contraire à l'article 1er précité.

En une troisième branche, les requérants dénoncent des erreurs de fait ou des erreurs manifestes d'appréciation.

Après avoir relevé les termes de l'acte attaqué selon lesquels les dépenses improuvées ne peuvent figurer au budget que pour autant que "sa situation financière le permette", ils soulignent que ladite dépense refusée porte sur un montant de 8.000 euros à l'ordinaire (dépense art. 31) et 5.000 euros à l'extraordinaire (dépense art. 59) alors que le bien en cause génère un revenu de 44.500 euros.

Ils reprochent également à l'acte attaqué de mentionner que la décision a été prise "en accord avec le Chef diocésain", ce qui n'est pas le cas, ainsi qu'il résulte du document du 8 septembre 2014, reproduit dans le corps même dudit acte, de sorte qu'en décidant le contraire, la partie adverse a commis une erreur de fait ou une erreur

manifeste d'appréciation.

Par ailleurs, ils se fondent sur les définitions doctrinales des notions de "dépenses obligatoires" et "facultatives", pour considérer que les dépenses rejetées qui permettent l'entretien et la réparation des bâtiments propriétés de la fabrique et, dès lors, de générer des recettes correspondantes, sont des "dépenses indispensables au bon fonctionnement de l'administration fabricienne", qui doivent dès lors être considérées comme des "dépenses obligatoires", ce que confirmeraient, selon les requérants, les écrits de plusieurs auteurs. Les requérants se référent également à un jugement du tribunal civil de Namur du 26 septembre 2008 selon lequel il ne peut être considéré qu'un bien immobilier de la fabrique n'est pas "manifestement utile" à la fabrique d'église pour l'exercice de sa mission (Civ. Namur (juge des saisies), 26 septembre 2008, J.L.M.B., 2010/9, p. 425-428).

En une quatrième branche, les requérants dénoncent une violation de la confiance légitime, en ce sens que les dépenses remises en cause aujourd'hui ont pourtant été acceptées "depuis des temps immémoriaux".

B. Mémoire en réplique

Sur les première et deuxième branches, les requérants se limitent à soutenir que, dans son mémoire en réponse, la partie adverse n'a formulé aucune réponse à leur argumentation.

Sur la troisième branche, les requérants s'appuient sur le "recours" - en fait celui introduit contre l'acte attaqué auprès de la Région wallonne - pour contester le propos de la partie adverse selon lequel il appartenait à la deuxième requérante de rechercher les recettes correspondantes aux frais envisagés sur le bien litigieux. De plus, ils se réfèrent à une étude doctrinale qui vise, au titre des dépenses obligatoires, notamment celles nécessaires au bon fonctionnement de l'administration fabricienne. Ils invoquent aussi des extraits d'un autre ouvrage qui confirmerait, selon eux, que les dépenses d'entretien aux bâtiments privés de la fabrique constituent des dépenses obligatoires et non facultatives.

Sur la quatrième branche, les requérants font valoir qu'il y a bien eu revirement d'attitude puisque, selon eux, la partie adverse n'a jamais remis en cause l'inscription comme dépenses obligatoires de celles ayant trait à l'entretien des propriétés bâties productrices de recettes. Ils n'acceptent pas non plus la référence aux

restrictions budgétaires des communes pour justifier ce revirement.

C. Dernier mémoire

Sur la première branche, les requérants exposent que la fabrique d'église est propriétaire de biens immobiliers qui sont loués à des tiers. Ils soulignent que, comme tout élément figurant dans un patrimoine, la propriété immobilière a une composante active et génère des loyers, mais également une composante passive à savoir l'obligation d'assumer certains frais de réparation et d'entretien, l'existence de l'une ne pouvant se concevoir sans...

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