Décision judiciaire de Conseil d'État, 26 octobre 2018

Date de Résolution26 octobre 2018
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

VIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 242.816 du 26 octobre 2018

A. 222.197/VIII-10.482

En cause : BAUVAL Anne, ayant élu domicile chez Me Geoffroy GENERET, avocat, rue Capitaine Crespel 2-4 1050 Bruxelles,

contre :

le centre public d'action sociale d'Aubange, représenté par son conseil de l'action sociale, ayant élu domicile chez Mes Laurence RASE et Jacques CLESSE, avocats, quai de Rome 2 4000 Liège.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 15 mai 2017, Anne BAUVAL demande l'annulation de "la décision du 8 février 2017 par laquelle la partie adverse procède à son licenciement et, pour autant que de besoin, l'évaluation négative formulée par la partie adverse le 27 janvier 2017".

II. Procédure

Le dossier administratif a été déposé.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

M. Benoit CUVELIER, premier auditeur chef de section au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

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Les parties ont déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 7 août 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 26 octobre 2018.

M. Frédéric GOSSELIN, conseiller d'État, a exposé son rapport.

Me Geoffroy GENERET, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Julie D'HAUTCOURT, loco Mes Laurence RASE et Jacques CLESSE, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

M. Benoit CUVELIER, premier auditeur chef de section, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

1. Selon la requête, "le 14 mars 2016, la requérante est engagée en qualité de directrice de la maison de repos Résidence Bellevue et ce en qualité d'agent stagiaire" pour une durée de douze mois.

  1. Le 28 octobre 2016, le conseil de l'action sociale de la partie adverse informe la requérante du constat de manquements récurrents dans l'exercice de ses fonctions. Ces manquements sont énumérés comme il suit : " Des critiques négatives émanant tant du personnel que des familles de certains résidents commencent à entacher la bonne image de la Résidence.

    Vous méconnaissez et rencontrez peu le personnel, vous n'avez que très peu de contact avec les résidents que vous ne saluez pas et ne connaissez bien souvent pas. Les Conseillers et nous-mêmes avons pu le constater lors des visites à la Résidence.

    Vous ne connaissez pas suffisamment le bâtiment : lors de nos visites et celles de conseillers, vous avez été surprise de trouver certains locaux techniques en désordre total…

    Vous trouvez normal que des vêtements appartenant à des résidents, voire ayant appartenu à des résidents décédés aient été entassés pêle-mêle dans divers locaux non prévus à cet effet.

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    Vous tolérez que les abords de la Résidence ne soient pas mieux entretenus, que des caisses en carton traînent dans les couloirs pour faciliter le tri qui, in fine, n'est pas fait.

    Vous prétendez que c'est à un ouvrier du CPAS non affecté spécialement à la résidence d'évacuer ces poubelles… Vous ne connaissez donc pas le profil de fonction de l'ouvrier recruté pour la Résidence et ne le donnez pas de directives ni ne suivez correctement son travail.

    Le local «poubelles» n'est pas nettoyé, les conteneurs pas davantage et le tri des déchets ménagers n'est pas réalisé. Toutes ces négligences ont entraîné l'apparition de rats.

    La toiture plate Nord est non entretenue : des flaques d'eau stagnent car les crépines sont bouchées ainsi que des chenaux encrassés.

    Certains travaux demandés par le Conseil de l'Action Sociale du 28 septembre 2016 et devant être réalisés pour ce 19 octobre n'étaient pas effectués complètement.

    Vous déclarez qu'un rendez-vous est programmé pour ce mercredi 26 courant avec la société D-FI et Madame [E.] pour régler le problème de déplacement des centrales à vapeur dans la buanderie. Madame [E.] confirme à la Directrice Générale ff. qu'aucun contact n'a été pris (Cf. voir mail du 10/10/2016)

    Ne pensez-vous pas qu'il relève de vos attributions de suivre la réalisation des travaux demandés à votre personnel, notamment à Monsieur [T.] et de lui donner des injonctions lorsque ceux-ci ne sont pas réalisés dans un délai raisonnable ou de façon satisfaisante ?

    Ne pensez-vous pas qu'il est de votre responsabilité de veiller à assurer la sécurité du bâtiment et de ses résidents, et de prendre les mesures adéquates afin que cet objectif soit rencontré ?

    Des interventions inadéquates auprès des bénévoles de la Cafétéria les ont incités à créer une ASBL afin d'éviter quelques soucis notamment dus au manque de suivi des commandes et de pénurie de produit à vendre.

    Il est à noter que la Directrice Générale ff. a constaté que des informations à caractère social se trouvaient dans les dossiers administratifs, or une assistante sociale est tenue au secret professionnel (art. 36 § 2 et art. 50 de la Loi Organique des CPAS du 8 juillet 1976 et art. 458 du Code pénal).

    Elle a également constaté qu'aucun dossier social n'existait actuellement après un an de fonctionnement. Ces graves manquements dans le chef de l'assistante sociale ont notamment entraîné des pertes financières pour le C.P.A.S.

    Un problème subsiste quant à votre temps de travail : vous avez récupéré deux jours les 14 et 21 octobre 2016, soit 2 * 7h36 et ce, contrairement aux usages. De plus, sur base de vos pointages, votre capital d'heures de travail était largement négatif. La Directrice Générale faisant fonctions vous a demandé de justifier ces heures récupérées et attend toujours votre réponse à ce jour (Cf. mail du 21/10/2016). De plus vous devez systématiquement introduire vos demandes de congé conformément au statut administratif en vigueur auprès de votre autorité supérieure.

    Considérant ce qui précède, le Conseil estime que sa confiance à votre égard est largement entamée. Il s'interroge sur l'incidence de vos comportements sur l'image de la Résidence Bellevue auprès de la population.

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    Par conséquent, il attend un changement absolu et rapide dans votre façon d'envisager votre travail et de le réaliser. Il exige une amélioration radicale de votre attitude vis-à-vis du personnel et des résidents.

    Il attend également de votre part, une collaboration franche et totale avec l'administration du CPAS représentée par sa Directrice générale et son président. Copie de ce courrier sera joint à votre dossier disciplinaire.

    […]".

  2. Par un courrier du 8 novembre 2016, la requérante répond à l'ensemble des manquements qui lui sont imputés.

  3. En novembre et décembre 2016, la partie adverse reçoit deux nouvelles plaintes à son encontre.

  4. Le 7 décembre 2016, le bureau permanent décide de "lancer la procédure d'évaluation" de la requérante, conformément à l'article 58 du statut administratif de la commune, et désigne "deux supérieurs hiérarchiques en charge d'établir le projet d'évaluation", à savoir la directrice générale f.f. C. B. et la directrice financière I. A. 6. Le 21 décembre 2016, celles-ci rédigent un projet d'évaluation "en vue d'une statutarisation le 16/03/2017", accompagné d'une grille d'évaluation, qui lui attribue un score de 45/100. Ce projet d'évaluation reprend les neuf points suivants en annexe : " 1. Les dossiers préparés pour les CAS/BP manquent souvent de précision : les projets de délibérations relatifs notamment au personnel sont souvent incomplets, par ex. coût d'une formation, date et lieu de stages, convention avec la Croix Rouge... et remis tardivement. Par conséquent, il s'avère difficile pour la Direction Générale d'assurer une vérification avant le CAS/BP, considérant le temps restant avant la réunion, et l'autorité risquant de statuer erronément.

    Le dossier des résidents est incomplet quant aux droits du patient.

  5. Il s'avère difficile pour la directrice de connaître les compétences des organes du CPAS et de situer les responsabilités de chacun.

    Le courrier externe lorsque cela s'avère obligatoire n'est pas toujours signé par le Président et le Directeur Général malgré leurs demandes.

    Il a été constaté que le courrier reste parfois plusieurs jours au siège du CPAS.

    Il est à noter un manque de suivi du travail de l'ouvrier entraînant des problèmes de propreté, des retards dans la réparation de matériel, et également une carence dans le suivi de l'Assistante sociale engagée précédemment. Ce comportement risque d'avoir des répercussions financières pour le CPAS mais également pour les résidents, par ex: introduction tardive d'une demande de l'Allocation d'Aide aux Personnes Agées et/ou des démarches administratives auprès des débiteurs d'aliments.

  6. Comme évoqué ci-dessus, les dossiers sont souvent remis dans l'urgence.

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    Le dossier relatif à la création d'un Centre de jour reste en attente de présentation devant le Conseil de l'Action Sociale. Quid de la procédure suivie pour désigner et enregistrer les personnes de contact auprès de E-health ?

  7. La Directrice ne recherche pas le contact avec les résidents, par exemple en leur adressant un bonjour franc et chaleureux, il en est de même pour les familles. Elle reste dans son bureau et ne se déplace pas pour rencontrer, en vis-à-vis la direction et les agents traitant les dossiers.

    Les relations s'établissent essentiellement par Emails et parfois par téléphone. Il est à noter qu'aucune lettre de condoléances n'est transmise suite au décès d'un résident, ceci a pourtant été demandé par les autorités.

  8. La directrice remet en question les décisions du Conseil (organisation des animations...

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