Décision judiciaire de Conseil d'État, 12 octobre 2018

Date de Résolution12 octobre 2018
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

VIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 242.633 du 12 octobre 2018

A. 221.225/VI-20.949

En cause : 1. l'association sans but lucratif Union Belge pour la

Vape - Belgische Damp Bond (UBV-BDB), 2. ISTACE Claude, 3. KWASHIN Yves,

ayant élu domicile chez

Mes Michel KAISER et

Fanny VAN DE WIJNGAERT, avocats, boulevard Louis Schmidt 56 1040 Bruxelles,

contre :

l'État belge, représenté par la Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique,

ayant élu domicile chez

Me Jean-François DE BOCK, avocat, chaussée de Waterloo 612 1050 Bruxelles.

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I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 16 janvier 2017, l'association sans but lucratif Union Belge pour la Vape - Belgische Damp Bond (UBV-BDB), Claude ISTACE et Yves KWASHIN demandent l'annulation de "l'arrêté royal du 28 octobre 2016 relatif à la fabrication et à la mise dans le commerce des cigarettes électroniques. Elles ont pris connaissance de l'acte attaqué par sa publication au Moniteur belge intervenue le 17 novembre 2016".

II. Procédure

Les droits visés à l'article 70 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil

d'État ont été acquittés.

Le dossier administratif a été déposé.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

M. Christian AMELYNCK, premier auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties ont déposé des derniers mémoires.

Par une ordonnance du 21 juin 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 12 septembre 2018 à 10 heures.

Mme Nathalie VAN LAER, conseiller d'État, a exposé son rapport.

Me Michel KAISER, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, et Me Jean-François DE BOCK, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

M. Christian AMELYNCK, premier auditeur chef de section au Conseil d’État, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Exposé des faits utiles

Le 15 février 2016 est adopté un arrêté royal relatif à la fabrication et à la mise dans le commerce des cigarettes électroniques. Cet arrêté a été publié au Moniteur belge le 3 mars 2016 et est entré en vigueur le 13 mars 2016.

Par un arrêt n° 234.324 du 8 avril 2016, le Conseil d'État a ordonné la suspension de l'exécution de cet arrêté royal. L'examen du recours en annulation est actuellement pendant sous le numéro de rôle A.218.734/VI-20.736.

Le 7 septembre 2016, la partie adverse a sollicité l'avis de la section de législation du Conseil d'État, dans un délai de trente jours, sur un avant-projet d'arrêté royal relatif à la fabrication et à la mise dans le commerce des cigarettes électroniques.

Le 7 octobre 2016, la section de législation du Conseil d'État a remis l'avis n° 60.088/3 sur l'avant-projet précité.

Cet avis est rédigé comme suit :

" [...]. En application de l'article 84, § 3, alinéa 1er, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, la section de législation a fait porter son examen essentiellement sur la compétence de l'auteur de l'acte, le fondement juridique et l'accomplissement des formalités prescrites.

PORTÉE ET FONDEMENT JURIDIQUE DU PROJET [...]. Le projet d'arrêté royal soumis pour avis a pour objet de transposer partiellement la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 «relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE». L'arrêté envisagé se substitue à l'arrêté royal du 15 février 2016 «relatif à la fabrication et à la mise dans le commerce des cigarettes électroniques», consécutivement à la suspension de l'exécution de ce dernier par la section du contentieux administratif du Conseil d'État.

L'article 3 du projet concerne la notification de la mise dans le commerce de cigarettes électroniques et de flacons de recharge, la communication annuelle d'un certain nombre d'autres données et la mise à jour d'un système de collecte d'informations sur tous les effets indésirables présumés. Par rapport à l'arrêté royal du 15 février 2016, le projet prévoit la diffusion sur un site internet des informations communiquées dans la notification, compte tenu de la nécessité de protéger les secrets commerciaux. En outre, le montant de la redevance pour une notification passe de 4.000 à 165 euros.

Le projet règle la composition et les propriétés du liquide contenant de la nicotine et des cigarettes électroniques (article 4), certaines mentions à faire figurer sur le dépliant et sur le conditionnement, ainsi que les avertissements sanitaires à mentionner sur le conditionnement (article 5). La vente à distance de cigarettes électroniques et de flacons de recharge est interdite (article 6).

L'article 7 déclare nuisibles les cigarettes électroniques et les flacons de recharge qui ne répondent pas au régime en projet et comporte une disposition déclarative concernant la recherche, la constatation, la poursuite et la sanction des infractions au régime envisagé.

L'arrêté royal du 15 février 2016 est abrogé (article 8 du projet).

L'arrêté envisagé entre en vigueur deux mois après sa publication au Moniteur belge (article 9). [...]. L'arrêté en projet trouve en principe un fondement juridique dans l'article 6, § 1er, a), de la loi du 24 janvier 1977 «relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits». En vertu de cette disposition, le Roi peut, dans l'intérêt de la santé publique ou en vue d'empêcher les tromperies ou les falsifications dans ce domaine, appliquer les mesures visées à l'article 2, alinéas 1er et 2, et à l'article 3, 2°, a), et 3°, c), de cette loi notamment aux produits à base de tabac et produits similaires. Ces mesures

permettent de réglementer et d'interdire la fabrication, l'exportation et le commerce de ces produits, ce qui comprend la possibilité de déterminer la composition de produits du tabac et de réglementer les indications utiles à l'information, ainsi que de rendre ces mesures applicables aux objets et matières destinés à entrer en contact avec des produits du tabac et de réglementer et d'interdire l'emploi de ces objets et matières et de réglementer l'utilisation et l'hygiène des récipients et appareils destinés à entrer en contact avec ces produits du tabac.

On peut admettre que la cigarette électronique, qui est un appareil et non pas un produit à base de tabac, peut malgré tout être considérée comme un produit similaire au sens de l'article 6, § 1er, a), de la loi du 24 janvier 1977, dès lors que sa fonction est la consommation de vapeur contenant de la nicotine. [...].L'article 3, § 6, de l'arrêté en projet, qui prévoit une redevance, trouve spécifiquement son fondement juridique dans l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 24 janvier 1977. Cette disposition habilite le Roi à imposer une redevance, dont il détermine le montant et les modalités de perception, pour toutes les demandes introduites en application de cette loi, ainsi que pour toutes pièces justificatives à délivrer en application de cette loi. [...].L'article 7, § 1er, du projet, qui déclare nuisibles les cigarettes électroniques et les flacons de recharge qui ne répondent pas au régime en projet, trouve son fondement juridique dans l'article 18, § 1er, de la loi du 24 janvier 1977. Bien que sa formulation ne soit pas heureuse, cette disposition confère au Roi le pouvoir de déclarer nuisibles des denrées alimentaires ou d'autres produits visés par cette loi par un «règlement de l'administration générale», comme c'est le cas de l'arrêté en projet.

FORMALITÉS [...].Dès lors que l'arrêté en projet implique une nouvelle transposition partielle de la directive 2014/40/UE, il doit être communiqué à la Commission européenne, conformément à l'article 29, paragraphe 3, de cette directive. Cette obligation de notification doit encore être remplie, au plus tard lors de l'élaboration de l'arrêté envisagé.

EXAMEN DU TEXTE

Chapitre 1er [...]. Il vaudrait mieux remplacer l'intitulé du chapitre 1er («Champ d'application et définitions») par «Dispositions introductives», dès lors que l'article 1er du projet n'entend pas définir le champ d'application de l'arrêté en projet, mais bien mentionner la transposition partielle de la directive 2014/40/UE.

Pour le même motif, on remplacera l'intitulé de l'article 1er («Champ d'application») par «Mention de la transposition».

Article 9 [...].Conformément à l'article 9 du projet, l'arrêté envisagé entre en vigueur deux mois après sa publication au Moniteur belge.

Les auteurs du projet ont dès lors choisi à juste titre de ne pas faire rétroagir l'arrêté envisagé à la date limite de transposition de la directive 2014/40/UE. En effet, le régime en projet contient, à l'égard des fabricants et des importateurs de cigarettes électroniques et de flacons de recharge, des obligations qui ne peuvent pas être imposées avec effet rétroactif.

Par ailleurs, le Conseil d'État n'est pas en mesure de cerner les éléments de fait nécessaires pour apprécier si le délai de transition de deux mois est suffisant pour permettre aux personnes concernées de se préparer à l'entrée en vigueur de l'arrêté envisagé".

Le 28 octobre 2016, la partie adverse adopte l'arrêté royal relatif à la fabrication et à la mise dans le commerce des cigarettes électroniques. Cet arrêté est

publié le 17 novembre 2016 au Moniteur belge et constitue l'arrêté attaqué.

En son article 8, cet arrêté...

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