Décision judiciaire de Conseil d'État, 27 septembre 2018

Date de Résolution27 septembre 2018
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 242.452 du 27 septembre 2018

  1. 220.705/XIII-7833

    En cause : l'Association sans but lucratif

    ASSOCIATION DU VAL D'AMBLÈVE, LIENNE

    ET AFFLUENTS, en abrégé "AVALA", ayant élu domicile chez Me Alain LEBRUN, avocat, place de la Liberté 6 4030 Grivegnée,

    contre :

    la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Pierre MOËRYNCK, avocat, avenue de Tervueren 34/27 1040 Bruxelles. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

    Par une requête introduite le 15 décembre 2016, l'association sans but lucratif (A.S.B.L.) ASSOCIATION DU VAL D'AMBLÈVE, LIENNE ET AFFLUENTS, en abrégé "AVALA", demande l'annulation du permis d'urbanisme conditionnel accordé par le fonctionnaire délégué de la Région wallonne, le 9 juin 2016, à la commune de Stoumont pour "l'abattage d'un hêtre remarquable" sur le "site classé par arrêté du 16/02/1944 (chapelle Saint-Gilles et les hêtres qui l'entourent)".

    II. Procédure

    Par une requête introduite le 14 novembre 2016, l'A.S.B.L. AVALA a demandé la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de l'acte attaqué précité.

    Un arrêt n° 236.444 du 17 novembre 2016 a accueilli la requête en intervention introduite par la commune de Stoumont dans la procédure en suspension d'extrême urgence, rejeté la demande de suspension d'extrême urgence,

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    liquidé les dépens à la somme de 350 euros à la charge de la partie requérante et en ce compris l'indemnité de procédure d'un montant de 700 euros. Il a été notifié aux parties.

    Le dossier administratif a été déposé.

    Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

    Mme Isabelle LEYSEN, premier auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

    Le rapport a été notifié aux parties.

    La partie requérante a déposé un dernier mémoire.

    Par une ordonnance du 6 juin 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 13 septembre 2018 à 09.30 heures.

    Mme Simone GUFFENS, président de chambre, a exposé son rapport.

    Me Alain LEBRUN, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Julien LAURENT, loco Me Pierre MOËRYNCK, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

    Mme Isabelle LEYSEN, premier auditeur, a été entendue en son avis conforme.

    Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

    III. Faits

    1. Un arrêté du Ministère de l'Instruction publique du 16 février 1944 classe le site formé par la chapelle Saint-Gilles et les hêtres qui l'entourent au lieu-dit "Le Caty" à Chauveheid.

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    2. Un arrêté de l'Exécutifde la Communauté française du

    30 septembre 1982 étend ce classement comme suit :

    " Est classée en raison de sa valeur esthétique et scientifique, l'extension de classement comme site de l'ensemble formé par la chapelle Saint-Gilles et les hêtres qui l'entourent, au lieu-dit «Le Caty» à Chauveheid, commune de Stoumont".

    1. Le 11 janvier 2016, le département de la nature et des forêts (D.N.F.) de la direction générale opérationnelle de l'agriculture, des ressources naturelles et de l'environnement (DGO3) adresse à la direction de la Protection du patrimoine une lettre rédigée notamment comme suit :

      " [...]

      Concernant le principal hêtre (348 cm de circ.) entourant la chapelle, celui-ci présente un affaiblissement très important de sa cime (plus d'un tiers de cime dépérissante). Plus d'un quart du pourtour de la base du tronc est dégradé (décollement d'écorce, présence de champignons saprophytes Pholiote sp.). Le dépérissement semble irréversible. Le risque de chute de cet arbre est à prévoir à court terme. C'est pourquoi, vu la proximité de la chapelle, il est recommandé de procéder à l'abattage de ce hêtre.

      Pour rappel, cet arbre est répertorié dans la liste des arbres remarquables, il est nécessaire d'obtenir préalablement un permis d'urbanisme pour son abattage.

      [...]".

    2. Le 2 février 2016, le département du patrimoine de la direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie (DGO4) écrit la lettre suivante au collège communal de Stoumont :

      " Suite à une récente inspection effectuée par mes services, il a été constaté que le hêtre principal planté devant la chapelle Saint-Gilles à Chauveheid, présentait un état sanitaire préoccupant.

      Après avis recueilli auprès du service compétent du Département de la Nature et des Forêts, que vous trouverez en annexe à la présente, il se vérifie que ce hêtre (Fagus Sylvatica) a effectivement atteint un stade avancé de dépérissement et qu'il convient dès lors de procéder à son enlèvement.

      Tenant compte du risque de chute que craint le service précité à court terme, je vous invite en conséquence à entamer les démarches utiles dans les meilleurs délais et ce, dans le respect de la réglementation applicable en la matière, le hêtre en question étant visé par le classement et par ailleurs reconnu remarquable au sens du CWATUP (réf. AHR 73/1).

      [...]".

    3. Le 15 mars 2016, la commune de Stoumont introduit auprès du fonctionnaire délégué de la Région wallonne une demande de permis d'urbanisme pour procéder à l'abattage du hêtre précité.

      XIII - 7833 - 3/24

      6. Le 8 avril 2016, le collège communal de Stoumont donne un avis favorable sur la demande.

    4. Le 26 avril 2016, la commission royale des monuments, sites et fouilles (C.R.M.S.F.) émet un avis défavorable.

    5. Le 29 avril 2016, le D.N.F. émet un avis favorable conditionnel.

    6. Le 9 juin 2016, le fonctionnaire délégué délivre le permis d'urbanisme. Il s'agit de l'acte attaqué rédigé notamment comme suit :

      " [...]

      Considérant que le bien est situé en zone d'habitat à caractère rural au plan de secteur de Stavelot approuvé par A.R. du 27/05/1977, qu'il se situe également dans un périmètre visé à l'article 417 et suivants du CWATUP relatif au Règlement Général sur les Bâtisses en Site Rural ainsi que dans un site classé par arrêté du 16/02/1944 (Chapelle Saint-Gilles et les hêtres qui l'entourent);

      Considérant que la demande de permis comprend une notice d'évaluation des incidences sur l'environnement;

      Considérant que conformément à l'article D.68, § 1er du Livre Ier du Code de l'Environnement, l'autorité qui a apprécié la recevabilité et la complétude du dossier de demande de permis, a également procédé à l'examen des incidences probables du projet sur l'environnement au sens large, sur base des critères de sélection pertinents visés à l'article D.66 du Livre Ier du Code de l'Environnement;

      Considérant qu'il résultait des caractéristiques du projet, de son impact sur l'environnement pris au sens large, de sa localisation, qu'il n'y avait pas lieu de requérir la réalisation d'une étude d'incidences du projet sur l'environnement, qu'en outre le dossier permet d'appréhender de manière adéquate et suffisante les divers impacts du projet;

      Considérant que la demande porte sur l'abattage d'un hêtre remarquable implanté dans le site classé «Chapelle Saint-Gilles et les hêtres qui l'entourent»;

      Considérant que, comme l'indique l'avis du D.N.F., cet arbre est dégradé à la base du tronc et présente un affaiblissement de la cime, symptômes permettant d'affirmer que son dépérissement est irréversible;

      Considérant qu'initialement, le site comportait 3 hêtres et un charme, qu'un hêtre est disparu depuis plusieurs années;

      Considérant qu'en compensation, deux nouveaux sujets devront être plantés et leur positionnement sera choisi en collaboration avec la Division du Patrimoine, du D.N.F. et de la commune;

      Considérant que l'avis du Collège communal de et à Stoumont, sollicité en date du 24/03/2016 et transmis en date du 12/04/2016 est favorable.

      Considérant que l'avis de la C.R.M.S.F. - Chambre provinciale de Liège, sollicité en date du 24/03/2016 et transmis en date du 27/04/2016 est défavorable.

      XIII - 7833 - 4/24

      Considérant que l'avis de la DGO ARNE - Nature et Forêts - Direction de Liège, sollicité en date du 24/03/2016 et transmis en date du 03/05/2016 est favorable conditionnel et motivé comme suit :

      Le projet vise l'abattage d'un hêtre remarquable répertorié à l'Inventaire des

      Arbres et Haies remarquables de Wallonie (site n° 73/1) : ce hêtre (348 cm de circ.) principal arbre entourant la chapelle, présente un affaiblissement très important de sa cime (plus d'un tiers de cime dépérissante).

      Plus d'un quart du pourtour de la base du tronc est dégradé (décollement d'écorce, présence de champignons saprophytes Pholiote sp.). Le dépérissement semble irréversible. Le risque de chute de cet arbre est à prévoir à court terme. À l'origine, le site était constitué de 3 hêtres et d'un charme.

      Après abattage, il ne restera plus qu'un unique hêtre ainsi que le charme; le Département Nature et Forêts émet un avis favorable conditionnel au projet

      Vu les documents immatriculés en mes services en date du 15/03/2016;

      Considérant que les actes et travaux ne compromettent pas la destination générale de la zone et son caractère architectural;

      DÉCIDE :

      Article 1er : Le permis d'urbanisme sollicité par l'administration communale de Stoumont est octroyé.

      Le titulaire du permis devra respecter la condition émise par le D.N.F., à savoir :

      en compensation à l'abattage du hêtre, le demandeur procédera à la replantation de deux nouveaux sujets de force min. 12-14 cm de circ. à 1 m du sol (avec tuteurs et attaches) d'une essence de 1ère ou de 2ème grandeur (tilleul ou chêne indigène)

      ".

    7. La requérante précise avoir pris connaissance de l'existence de cette décision le 10 novembre 2016.

      IV. Premier moyen

      IV.1. Thèse de la partie requérante

      Le premier moyen est pris de la violation de l'article 294, 4° et 6°, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de...

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