Décision judiciaire de Conseil d'État, 28 septembre 2018

Date de Résolution28 septembre 2018
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

XVe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 242.487 du 28 septembre 2018

215.845/XV-2805

En cause : la société coopérative à responsabilité limitée

Fonds du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale, ayant élu domicile chez

Mes Emmanuel VAN NUFFEL et Kévin MUNUNGU, avocats, avenue Louise 81 1050 Bruxelles,

contre :

l’Institut des Comptes Nationaux (ICN), ayant élu domicile chez

Mes Jean-François DE BOCK et Pascaline MICHOU, avocats, chaussée de Waterloo 612 1050 Bruxelles. ------------------------------------------------------------------------------------------------------

I. Objet du recours

Par une requête introduite le 15 mai 2015, la société coopérative à responsabilité limitée Fonds du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale poursuit l’annulation de "la décision du 30 mars 2015 de l’Institut des comptes nationaux de la classer dans le secteur des administrations publiques du système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne (SEC 2010), sous-secteur S. 1312 Administrations d’États fédérés".

II. Procédure

Un arrêt n° 232.249 du 17 septembre 2015 a rejeté la demande de suspension et a réservé les dépens. Il a été notifié aux parties.

La partie requérante a, le 29 septembre 2015, demandé la poursuite de la procédure.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

M. Denis DELVAX, premier auditeur, a rédigé un rapport sur la base de l’article 12 du Règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les derniers mémoires ont été régulièrement échangés.

Par une ordonnance du 19 janvier 2018, l’affaire a été fixée à l’audience publique du 20 février 2018 à 9 heures 30.

Mme Diane DÉOM, conseiller d’État, a fait rapport.

Me Emmanuel VAN NUFFEL, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Jean-François DE BOCK, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

M. Denis DELVAX, premier auditeur, a été entendu en son avis.

Il est fait application des dispositions relatives à l’emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

Les faits utiles à l’examen du recours ainsi que leur contexte sont exposés dans l’arrêt n° 232.249 du 17 septembre 2015, qui a rejeté la demande de suspension de l’exécution de l’acte attaqué.

IV. Recevabilité

La recevabilité du recours n’est plus contestée par la partie adverse dans le cadre de la procédure au fond. Le recours est recevable.

V. Moyen unique

A. Argumentation de la partie requérante

Dans son mémoire en réplique, la partie requérante a renoncé au premier moyen de la requête et "restructuré" le second, devenant donc le moyen unique. Elle présente ce dernier dans les termes suivants :

" 23. Pour sa lisibilité et la compréhension de l’argument, aux différentes phases du raisonnement qui amène à la décision de classement d’une unité

institutionnelle dans l’un des secteurs du SEC 2010 (si, alors; sinon), le deuxième moyen de la requête est restructuré en branches.

Cette restructuration n’amène aucune modification du fondement juridique du moyen tel qu’il a été formulé dans la requête et des éléments de fait et de droit qui le soutiennent au développement. 24. Pris de la violation [du] règlement UE n° 549/2013 relatif au Système des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne, Annexe A, en particulier chapitre 1, notamment paragraphes 1.34, 1.35 et 1.37, chapitre 2, paragraphe 2.32 et paragraphes 2.23 et 2.25, et chapitre 20, notamment paragraphe 20.17, paragraphes 20.29 à 20.34, et paragraphes 20.309 et 20.310, [des] principes de bonne administration, en particulier l’obligation d’examen sérieux, l’obligation de faire reposer sa décision sur des motifs exacts, pertinents et admissibles et le principe du raisonnable, et de l’excès de pouvoir;

En ce que l’ICN a appliqué les méthodes prescrites par le SEC 2010 pour le classement d’une unité institutionnelle dans les secteurs des administrations publiques selon un raisonnement en deux phases, i) d’identification des éléments indicateurs d’un contrôle permettant à l’unité de contrôle de déterminer la politique générale de l’unité contrôlée au sens du § 20.309 du SEC 2010, puis ii) d’identification d’éléments marquant sa domination sur celle-ci, jusque dans sa gestion journalière, le plaçant sous son “pilotage automatique” au sens du § 2.23 du SEC 2010;

Qu’après avoir considéré que le FONDS ne peut pas agir indépendamment de la Région de Bruxelles-Capitale, il a postulé, sur la base de ce constat, qu’il n’assume pas le risque économique de son activité et l’a classé alors dans le secteur des administrations publiques du SEC 2010;

Alors que, première branche, le classement d’une institution qui exerce une activité financière dans le SEC 2010 se fait au départ de deux critères: d’une part, les contrôles qui pèsent sur ses actifs et ses passifs et, d’autre part, le risque économique qu’elle assume concrètement;

Que ce n’est que par exception que le § 2.23 du SEC 2010 présume l’absence de prise de risque lorsque l’unité contrôlée ne peut pas agir indépendamment de l’unité de contrôle;

Que cette présomption n’est pas irréfragable, l’unité concernée pouvant la renverser en démontrant qu’elle assume ce risque;

Qu’en l’espèce, l’ICN a traité la présomption comme étant irréfragable, et n’a pas pris en considération, dans sa décision, les éléments que le FONDS avait amenés à la discussion sur le risque de son activité;

Que, seconde branche, subsidiaire, le classement d’une institution financière captive avec l’unité qui la contrôle suppose qu’elle lui soit soumise, “en pilotage automatique” au sens du § 2.23 du SEC 2010, c’est-à-dire qu’elle ne dispose d’aucun pouvoir de décision autonome, ni même de gestion;

Que, d’une part, les structures juridiques qui encadrent les relations entre le FONDS et la Région de Bruxelles-Capitale, identifiées par l’ICN, ne sont pas d’une intensité telle qu’elles entraîneraient une dépendance du FONDS ou sa mise “en pilotage automatique” au sens du § 2.23 du SEC 2010;

Que ces structures laissent, en réalité, au FONDS la maitrise de son pouvoir de décision et de gestion de ses activités;

Que, d’autre part, le financement des activités du FONDS par la Région de Bruxelles-Capitale ne suffit à caractériser une dépendance, en particulier ses emprunts ne sont pas soumis à l’autorisation préalable de la Région de Bruxelles-Capitale et le FONDS assume concrètement les risques de son activité, notamment sur les emprunts qu’elle couvre avec sa garantie;

Que, troisième branche, infra subsidiaire, pour classer une unité institutionnelle dans le secteur public, il doit être démontré en tout état de cause qu’elle est soumise au contrôle d’une administration publique au sens du paragraphe 20.309 du SEC 2010, permettant de déterminer sa politique générale;

Que les contrôles que la Région de Bruxelles-Capitale peut exercer sur le FONDS sont partiellement d’informations et, lorsqu’ils sont de nature contraignante, la contrainte ne lui permet pas de déterminer la politique générale du FONDS;

De sorte que, première branche, l’ICN, en particulier, n’a pas fait reposer sa décision sur des motifs pertinents et a violé le § 2.23 du SEC 2010;

Que, deuxième branche, subsidiaire, l’ICN, en particulier, n’a pas fait reposer sa décision sur des motifs pertinents et a violé le § 2.23 du SEC 2010;

Que, troisième branche, infra subsidiaire, l’ICN, en particulier, n’a pas fait reposer sa décision sur des motifs pertinents et a violé le § 20.309 du SEC 2010;

Que la décision de classement dans le secteur des administrations publiques en résultant est, donc, irrégulière".

Dans son dernier mémoire, elle explicite à nouveau le cadre légal de la contestation.

Elle met en évidence la différence de degré entre le contrôle d’une administration publique au sens du § 20.309 du SEC 2010, soit la capacité de cette administration publique à déterminer la politique générale de l’institution, et la dépendance totale qui caractérise l’institution captive.

Elle dénonce une confusion entre les indices de contrôle et ceux du "pilotage automatique" ou de la dépendance complète. Elle soutient que si un élément de contrôle constaté permet d’influencer la politique générale de l’unité contrôlée, il faut des circonstances particulières pour que cet élément de contrôle puisse aller au-delà et entraîner la dépendance de l’unité contrôlée jusque dans sa gestion journalière.

La partie requérante déduit des §§ 2.21 à 2.23 que, pour apprécier si une unité institutionnelle placée sous le contrôle d’une administration publique exerce ou non une activité marchande, il faut, dans le domaine des activités financières, avoir égard à une double condition: la contrainte sur les actifs et les passifs (c’est-à-dire le contrôle), d’une part, et la prise en charge du risque de l’activité, d’autre part. Il estime que c’est seulement par exception que, lorsqu’une institution financière est contrôlée jusque dans sa gestion journalière, on présume le report du risque de son activité sur l’unité de contrôle, ce qui justifie son classement avec cette dernière. Lorsqu’au contraire, en dépit de sa dépendance, l’institution contrôlée est concrètement maître de ses décisions dans sa gestion quotidienne, il faudrait revenir au régime général et vérifier si elle assume ou non le risque de son activité. Elle considère que l’acte attaqué omet à tort l’analyse du risque en présumant que celui-ci est reporté sur l’unité de contrôle. Elle cite le règlement qui régissait précédemment la matière ("SCN 2008").

Elle invoque le principe de réalité économique sous-jacent au SEC 2010, comme l’exprime son § 20.164, et conteste une appréciation qui, selon elle, a été guidée par des éléments théoriques et abstraits, sans analyse des effets réels des procédés de contrôle sur la politique générale du Fonds ou son pouvoir de...

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