Décision judiciaire de Conseil d'État, 16 juillet 2018

Date de Résolution16 juillet 2018
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 242.120 du 16 juillet 2018

A. 221.580/XIII-7939

En cause : la Société anonyme TOPS, ayant élu domicile chez Me Philippe BOSSARD, avocat, boulevard Mayence 19 6000 Charleroi,

contre :

la Région wallonne,

représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Xavier DRION, avocat, rue Hullos 103 - 105 4000 Liège.

Partie intervenante :

la Société privée à responsabilité limitée EUROPEAN

EXHIBITION COMPANY, en abrégé EEC, ayant élu domicile chez Mes Bernard PAQUES et Gregory WINAND, avocats, chaussée de Marche 458 5101 Namur. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 24 février 2017, la société anonyme (S.A.) TOPS demande l'annulation du permis d'urbanisme délivré le 15 décembre 2016 par le Ministre ayant l'Environnement et l'Aménagement du territoire dans ses compétences, à la société privée à responsabilité limitée (S.P.R.L.) EUROPEAN EXHIBITION COMPANY pour la construction d'un immeuble de bureaux et services sur un terrain sis chaussée de Courcelles 1 à Gosselies, et cadastré section A, nº 81a8.

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II. Procédure

Par une requête introduite le 19 avril 2017, la société privée à responsabilité limitée (S.P.R.L.) EUROPEAN EXHIBITION COMPANY, en abrégé EEC, a demandé à être reçue en qualité de partie intervenante.

Cette intervention a été accueillie par une ordonnance du 16 mai 2017.

Le dossier administratif a été déposé.

Les mémoires en réponse, en réplique et en intervention ont été régulièrement échangés.

M. Lionel RENDERS, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties ont déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 24 mai 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 28 juin 2018 à 9.30 heures.

M. Michel PÂQUES, conseiller d'État, a exposé son rapport.

Me Sophie VAN KERCKHOVE, loco Me Philippe BOSSARD, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me Xavier DRION, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Me Gil RENARD, loco Mes Bernard PAQUES et Gregory WINAND, avocat, comparaissant pour la partie intervenante, ont été entendus en leurs observations.

M. Lionel RENDERS, auditeur, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

Le 7 décembre 2015, la S.P.R.L. EEC introduit une demande de permis d'urbanisme auprès du fonctionnaire délégué pour la construction d'un immeuble de

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bureaux et services sur un bien sis chaussée de Courcelles 1 à Gosselies, cadastré section A, n° 81a8.

La demande de permis prévoit notamment un parking en sous-sol d'une capacité de 52 emplacements.

Le 28 décembre 2015, le fonctionnaire délégué établit un accusé de réception de dossier complet et informe la demanderesse de permis de la procédure administrative qui sera suivie.

Le 12 janvier 2016, la direction de l'aéroport de Charleroi (DGO2) adresse un avis positif sur le projet.

Le 13 janvier 2016, le service prévention incendie de la zone HainautEst émet un avis favorable conditionnel.

Le 14 janvier 2016, BELGOCONTROL émet un avis favorable.

Du 19 janvier au 2 février 2016, une enquête publique se tient.

La partie requérante introduit une réclamation.

Le 12 février 2016, le service de l'urbanisme de la ville de Charleroi émet un avis favorable conditionnel.

Le 17 février 2016, la direction du développement rural (DGO3) informe le fonctionnaire délégué qu'elle n'a pas d'avis sur le projet.

Le 23 février 2016, le collège communal de Charleroi émet un avis favorable conditionnel.

Cet avis et le dossier complété de la demande sont adressés au fonctionnaire délégué le 29 février 2016.

Le 12 avril 2016, le fonctionnaire délégué refuse le permis d'urbanisme, pour les motifs suivants :

" [...]

Considérant que le projet propose un parking intérieur au sous-sol de 52 places; qu'en application de la rubrique 63.21.01.01.02 «parc de stationnement de véhicules autres que ceux visés à la rubrique 50.10 - Local d'une capacité de 51 à 750 véhicules automobiles» du Code de l'Environnement, le projet est un

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établissement de classe 2; qu'une demande de permis unique devait être introduite et non un permis d'urbanisme;

Considérant en outre que dans le cadre de l'avis de principe précité, il a été imposé «d'envisager un programme restreint de surface de bureaux en lien direct et en support des services offerts par l'hôtel»; que seuls 3000 m² maximum pourraient être autorisés en rapport avec les activités de l'hôtel; que tel n'est pas le cas de la présente demande; que par conséquent, il conviendra de revoir le projet eu égard à ces remarques, au regard des réclamations émises lors de l'enquête publique et de réintroduire le dossier sous forme de permis unique auprès de l'Administration communale".

Le 13 mai 2016, le conseil de la S.P.R.L. EEC introduit un recours auprès du Gouvernement wallon à l'encontre de la décision de refus du 12 avril 2016. Le recours est réceptionné le 17 mai 2016.

Le 14 juin 2016, la commission d'avis sur les recours émet un avis défavorable.

Le 16 novembre 2016, le conseil de la demanderesse de permis adresse une lettre de rappel au Gouvernement wallon, réceptionnée le 18 novembre 2016.

Le 2 décembre 2016, la direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie (DGO4) propose au Ministre qui a l'Environnement et l'Aménagement du territoire dans ses compétences, de refuser le permis et lui soumet un projet d'arrêté ministériel en ce sens.

Le 15 décembre 2016, le ministre délivre le permis d'urbanisme sollicité.

Il s'agit de l'acte attaqué.

Cette décision est notifiée le 19 décembre 2016 à la S.P.R.L. EEC, au fonctionnaire délégué et à la ville de Charleroi.

La ville de Charleroi notifie l'acte attaqué à la partie requérante par un courrier du 13 janvier 2017.

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IV. Recevabilité

IV.1. Thèse de la partie intervenante

A. Le mémoire en intervention

La partie intervenante souligne que la partie requérante n'expose d'aucune manière son intérêt personnel au recours dans la requête. Il s'ensuit, à son estime, que cette dernière n'a pas d'intérêt personnel à solliciter l'annulation de l'acte attaqué.

Elle fait valoir que la partie requérante n'établit pas que son objet social serait affecté par l'acte attaqué. Elle rappelle l'objet du recours. Elle soutient que la partie requérante ne peut fonder son intérêt au recours sur l'exploitation qui résulterait de cette construction. Elle émet un réel doute quant à l'impact de la construction litigieuse.

B. Le dernier mémoire de la partie intervenante

Dans son dernier mémoire, la partie intervenante reproche à la partie requérante de ne pas mentionner dans sa requête l'intérêt dont celle-ci se prévaut et d'être totalement muette à ce sujet. Elle conclut que la requête doit être rejetée.

Elle a consulté les statuts de la partie requérante et ne voit pas comment celle-ci serait affectée par l'acte attaqué au regard de son objet social. Elle ajoute que le permis attaqué ne permet qu'une construction et non l'exploitation.

Elle prétend aussi que le simple fait d'être voisin ne suffit pas et qu'il faut encore démontrer l'incidence du projet sur le cadre de vie.

IV.2. Examen

Une personne morale propriétaire d'un bien situé à proximité des ouvrages autorisés par le permis d'urbanisme attaqué n'a pas à démontrer que son objet social serait affecté par ceux-ci et a, comme chacun, intérêt au bon aménagement de son quartier (C.E., 6 juillet 2017, COUPÉ et autres, n° 238.780).

Une mesure d'instruction à laquelle a procédé l'auditeur rapporteur permet d'établir que la partie requérante est propriétaire d'un bien contigu au projet litigieux.

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La fin de non-recevoir est écartée.

V. Le premier moyen

V.1. Thèses des parties

A. La requête en annulation

La partie requérante prend un premier moyen de la violation "du principe de légalité, plus précisément de l'annexe 1 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002 arrêtant la liste des projets soumis à étude d'incidences et des installations et activités classées, des articles 10, § 1er, et 81 du décret du 11 mars 1999 relativement au permis d'environnement, de l'article 123 du CWATUP [Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine], de l'absence de motivation interne adéquate ainsi que de l'excès de pouvoir".

Dans une première branche, elle fait valoir les éléments suivants :

- l'installation d'un "Parc de stationnement de véhicules autres que ceux visés à la rubrique 50.10 - local d'une capacité de 51 à 750 véhicules automobiles", dont question à la rubrique 63.21.01.01.02 de l'annexe 1 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002 arrêtant la liste des projets soumis à étude d'incidences et des installations et activités classées est un établissement de classe 2 au sens du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement;

- il résulte des articles 10 et 81 du décret du 11 mars 1999 précité que tout projet mixte doit faire l'objet d'un permis unique;

- le projet litigieux initial visait la construction d'un immeuble de 6 étages comprenant un parking en sous-sol de 52 places;

- l'appréciation émise par la partie adverse, selon laquelle "c'est, par erreur, que le projet a maintenu 52 places de parking en sous-sol, alors qu'il aurait pu se contenter de 50 places au total", est contestable;

- de la sorte la partie adverse a violé les exigences résultant des dispositions précitées et a excédé son pouvoir;

- tant le fonctionnaire délégué que la DGO4 ont considéré, dans leurs avis respectifs, que la demande comprend un parking intérieur de 52...

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