Décision judiciaire de Conseil d'État, 18 mai 2018

Date de Résolution18 mai 2018
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRÉSIDENT DE LA VIe CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

A R R ÊT

nº 241.541 du 18 mai 2018

A.225.115/VI-21.240

En cause : BRUNELLE Bernard,

ayant élu domicile chez

Me Jean-Marc RIGAUX, avocat, Boulevard d'Avroy 270 4000 Liège,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement.

ayant élu domicile chez

Mes Jean-François CARTUYVELS et Laurence RENOY, avocats, boulevard du Midi 29 6900 Marche-en-Famenne.

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I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 4 mai 2018 sur la plate-forme électronique du Conseil d'Etat, Bernard BRUNELLE demande la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de "la décision de saisie du 3 mai 2018 (réf. Dossier 18-0011-06) de la partie adverse, notifiée et réceptionnée le 3 mai 2018, pour violation de formes substantielles prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir".

Par la même requête, il sollicite "la mesure provisoire de la restitution de ses chiens, hormis les 8 chiens adultes non identifiés, sous peine d'une astreinte unique équivalente à son préjudice, soit 100.000 €, dans les 8 jours de la signification de l'arrêt à intervenir".

II. Procédure

Par une ordonnance du 7 mai 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 15 mai 2018.

Par un courrier du 9 mai 2018, l'affaire a été remise à l'audience du 17 mai 2018.

La note d'observations et le dossier administratif ont été déposés.

Le droit visé à l'article 70 et la contribution prévue à l'article 66, 6°, de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État ont été acquittés.

M. David DE ROY, conseiller d'État, Président f.f., a exposé son rapport.

Me Jean-Marc RIGAUX, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Laurence RENOY, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

Mme Geneviève MARTOU, premier auditeur au Conseil d'État, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Exposé des faits utiles à l'examen de la demande

Le contexte factuel dans lequel s'inscrit la présente cause ressort de deux arrêts nos 240.799 et 241.284, prononcés par le Conseil d'Etat les 22 février et 23 avril 2018. L'examen de la présente demande appelle à apporter quelques compléments.

  1. Le 26 mars 2018, la partie adverse adopte une décision aux termes de laquelle elle refuse l'agrément, sollicité par le requérant, comme éleveur commerçant pour un établissement situé rue Dodeur, 16 à 4350 Pousset.

  2. Par une requête introduite le 29 mars 2018, le requérant sollicite, selon la procédure d'extrême urgence, la suspension de l'exécution de cette décision de refus. Il sollicite également du Conseil d'État la condamnation de la partie adverse à lui délivrer, dans les trois jours de la notification de l'arrêt, un agrément provisoire sous peine d'une astreinte unique de 50.000 euros.

  3. Le 20 avril 2018, le requérant est convoqué dans les bureaux des services de la partie adverse pour y être auditionné dans le cadre d'une "enquête concernant la commercialisation et l'identification de chiots", selon les termes du

    "procès-verbal initial" destiné au Procureur du Roi du Parquet de Liège (Division de Huy).

  4. Le 23 avril 2018, le Conseil d'Etat prononce l'arrêt n° 241.284 précité, rejetant l'ensemble des demandes que lui avaient soumises le requérant.

  5. Le 27 avril 2018, les membres du Département de la Police et des Contrôles – Unité de bien-être animal de la partie adverse, accrédités aux fins de telles opérations, reçoivent, à la faveur d'une ordonnance prise par le juge d'instruction délégué au tribunal de première instance de Liège (Division de Huy), une autorisation de visite domiciliaire des espaces habités et enclos sis à 4350 Remicourt/Pousset, rue Joseph Dodeur, n° 16, lieu d'implantation de l'établissement pour lequel l'agrément a été refusé au requérant.

  6. Le 3 mai 2018, la partie adverse adopte une décision de saisie, portant – selon ses termes – sur 151 chiens dont le requérant est présenté comme étant le "propriétaire/responsable".

    Cette décision, qui constitue l'acte attaqué par le présent recours, est motivée comme suit :

    " Considérant les antécédents de Monsieur Bernard Brunelle et notamment les procès-verbaux HU.63/M1/308089/17, HU.63/M1/308271/17, HU.63/M1/ 308300/17 ainsi que son audition du 7 juin 2017 concernant plusieurs infractions en matière de bien-être animal, celui-ci assumant la gestion de l'élevage incriminé, à tout le moins, depuis le courant de l'année 2017 et participant à sa gestion depuis plusieurs années;

    Considérant les refus d'agrément du 15 décembre 2017 et du 26 mars 2018 justifiés par les différents manquements aux législations relatives au bien-être animal dont certaines sont répétitives dont notamment : • Le défaut d'identification et d'enregistrement des chiens; • Le non-respect des superficies des enclos où sont détenus les animaux; • Les irrégularités dans le cadre du nettoyage et de la désinfection des enclos; • Les manquements en matière de détection d'incendie; • La présence d'objets potentiellement dangereux.

    Considérant que si, au regard de la législation relative au bien-être animal, Monsieur Bernard Brunelle a le droit de détenir un nombre «illimité» de chiens et dispose du libre choix de poursuivre la reproduction de ses animaux, il doit néanmoins assurer le bien-être de ceux-ci conformément à la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux et de ses arrêtés d'exécution.

    Or, tel n'est pas le cas en l'espèce dans la mesure où :

  7. Les conditions de détention des chiens et les soins apportés à ceux-ci ne sont pas appropriés.

    Lors du contrôle réalisé ce jour il a notamment été constaté que : • le défaut d'identification et d'enregistrement de plusieurs chiens; • le non-respect des superficies de certains enclos où sont détenus les animaux;

    • plusieurs problèmes de soins : certains chiens présentent de la gale, des traces de bagarres, maigre, griffes trop longues

    Ces faits constituent des infractions à l'article 4 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux.

    Il s'agit à nouveau des mêmes faits infractionnels que ceux antérieurement constatés.

  8. Monsieur Brunelle exerce une activité d'élevage de chiens sans agrément et ne respecte pas les dispositions en matière d'identification et d'enregistrement des chiens

    Monsieur Bernard Brunelle a décidé de se séparer d'une partie des chiots de son élevage en commettant différentes infractions en matière de bien-être animal, à savoir : • Commercialiser les chiots, à tout le moins la cession à titre gratuit, à plusieurs éleveurs. Dans le cadre de son audition du 20 avril 2018, Monsieur Bernard Brunelle a reconnu avoir cédé plusieurs chiens à Madame Schoubben;

    Ces faits constituent des infractions à l'article 5 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux • Transférer la propreté de chiens sans avoir préalablement identifiés et enregistrés ceux-ci. L'enquête effectuée par Notre Service et l'audition d'un éleveur ainsi que du vétérinaire Destexhe démontrent les transferts illégaux de chiots. La complicité du vétérinaire ayant été recherchée afin de dissimuler lesdites cessions; Ces faits constituent des infractions à l'article 7 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux et à l'article 4 de l'arrêté royal du 25 avril 2014 relatif à l'identification et l'enregistrement des chiens.

    On peut relever les contradictions dans les déclarations de Monsieur Brunelle entre l'audition du 7 mars 2018 et l'audition du 20 avril 2018 : dans le cadre de la première audition, Monsieur Brunelle a déclaré avoir confié temporairement les animaux à des éleveurs dont il refuse de communiquer l'identité. Dans le cadre de son audition du 20 avril 2018, celui-ci a finalement avoué avoir cédé les animaux à Madame Schoubben uniquement. Aucune justification quant à la disparition des chiots relevée par Notre Service n'a été donnée. Il existe dès lors un risque non-négligeable que Monsieur Brunelle réitère les mêmes agissements et dissimule des cessions de chiots sans identification préalable et sans respecter les obligations d'informations préalables aux candidats acheteurs.

    Considérant que les agissements de Monsieur Bernard Brunelle ainsi que la récurrence des irrégularités et infractions constatées tendent à démontrer que celui-ci ne dispose pas des compétences et des ressources suffisantes lui permettant de gérer un nombre d'animaux aussi élevé. À tout le moins, la détention de ces animaux semblent l'empêcher de mettre en ordre ses infrastructures afin de répondre au prescrit légal.

    Considérant qu'une partie des animaux a été laissé sur place à savoir, les mâles reproducteurs.

    Considérant que Monsieur Paul Brunelle détient dans son habitation deux femelles accompagnées de leur portée, aucun agrément n'ayant été obtenu quant à ce : au vu des activités de Monsieur Bernard Brunelle, activités pour lesquelles Monsieur Paul Brunelle prête son assistance, et des antécédents du dossier, il y a de grandes probabilités pour que ces chiots fassent également l'objet d'une commercialisation illégale.

    Nous estimons dès lors que si les femelles reproductrices et les chiots sont laissés sur place, cela aura des conséquences négatives sur leur bien-être ou, à tout le moins, cela est susceptible d'avoir des conséquences négatives sur leur bien-être.

    Les animaux sont donc saisis et déplacés vers un lieu désigné par nous où ils recevront les soins appropriés".

    Le "procès-verbal subséquent" destiné au Procureur du Roi du Parquet de Liège (Division de Huy) et établi, à la...

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