Décision judiciaire de Conseil d'État, 17 avril 2018

Date de Résolution17 avril 2018
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 241.228 du 17 avril 2018

A. 219.976/XIII-7756

En cause : SOTTIAUX Xavier, ayant élu domicile chez Me Benjamin REULIAUX, avocat, chaussée de Louvain 431 F 1380 Lasne,

contre :

  1. la Commune de Florennes, ayant élu domicile chez Me Bernard PAQUES, avocat, chaussée de Marche 458 5101 Erpent,

  2. la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, rue de Nieuwenhove 14 A 1180 Bruxelles.

    Partie intervenante :

    la Société anonyme

    VLASIMMO, ayant élu domicile chaussée de Tournai 81 A/8 8500 Courtrai. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

    Par une requête introduite le 8 août 2016, Xavier SOTTIAUX demande l'annulation du "permis d'urbanisation délivré par le Collège communal de Florennes à la S.A. VLASIMMO en date du 6 juin 2016 et ayant pour objet l'urbanisation d'un ensemble de parcelles sises rue du Vieux Martin et rue du Baty et cadastrées 11ème division, section A, n° 456 et 458 S et section B, n° 417 W et 443 H et la division dudit bien en 23 lots en vue de construire des habitations unifamiliales".

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    II. Procédure

    Par une requête introduite le 28 septembre 2016, la société anonyme (S.A.) VLASIMMO demande à être reçue en qualité de partie intervenante.

    Cette intervention a été accueillie par une ordonnance du 20 octobre 2016.

    Le dossier administratif a été déposé.

    Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

    M. Luc DONNAY, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

    Le rapport a été notifié aux parties.

    La partie requérante et la première partie adverse ont déposé un dernier mémoire.

    Par une ordonnance du 13 février 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 15 mars 2018 à 09.30 heures.

    Mme Anne-Françoise BOLLY, conseiller d'État, a exposé son rapport.

    Me Alexandra DE HULTS, loco Me Benjamin REULIAUX, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me Grégory WINAND, loco Me Bernard PAQUES, avocat, comparaissant pour la première partie adverse, et Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, comparaissant pour la seconde partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

    M. Luc DONNAY, auditeur, a été entendu en son avis conforme.

    Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

    III. Faits

    1. Le 25 juin 2014, la S.A. VLASIMMO introduit une demande de permis d'urbanisation portant sur un bien situé à Florennes, dans le village

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    d'Hanzinne, entre la rue du Baty et la rue du Vieux Martin. Cette demande porte, d'une part, sur l'ouverture et la suppression de voiries communales et, d'autre part, sur l'urbanisation d'un bien en 23 lots constructibles.

    Parmi les documents joints à la demande de permis figurent une notice d'évaluation des incidences sur l'environnement et un rapport d'urbanisation.

    Au plan de secteur de Philippeville-Couvin, le bien concerné par la demande figure en zone d'habitat à caractère rural, les parcelles concernées sont cadastrées 11ème division, n° 456 et 458 S (section A) ainsi que 417 W et 443 G (section B). À l'atlas des chemins vicinaux, le terrain est longé par le sentier n° 38 et traversé par le chemin 51.

  3. Le 3 juillet 2014, la demande de permis est déclarée recevable et complète.

  4. Une enquête publique se tient du 18 août au 17 septembre 2014. Elle suscite le dépôt de six réclamations. Outre celles-ci, la partie requérante a fait parvenir ses observations en dehors du délai imparti.

  5. Parmi les instances consultées en cours de procédure, la commission consultative communale d'aménagement du territoire et de la mobilité de la commune de Florennes (C.C.A.T.M.) émet un avis général favorable.

  6. Le bureau d'études missionné par la demanderesse de permis produit, le 19 septembre 2014, un plan spécifique pour l'emprise réservée aux voiries à créer et pour le sentier à supprimer; il dépose en outre un document intitulé "analyse des réclamations".

  7. Par une délibération du 17 décembre 2014, le conseil communal de Florennes approuve la suppression du sentier communal n° 51 et la création d'une nouvelle voirie communale.

  8. Par un courrier du 21 janvier 2015, le fonctionnaire délégué donne les informations suivantes au collègue communal :

    " [...] Mon administration considère que s'agissant d'une demande de permis d'urbanisation avec réalisation d'une voirie communale, la demande de permis doit être traitée par le Collège communal.

    En effet, la circonstance que constitue la nécessité d'une voirie pour la mise en œuvre d'un permis d'urbanisation n'est pas une justification prévue par le Parlement wallon pour modifier les règles d'attribution des autorités compétentes, fixées par ou en vertu des articles 107 et 127 du CWATUP [...]".

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    8. En sa séance du 10 février 2015, le collège communal de Florennes donne un avis favorable conditionnel quant au projet d'urbanisation.

  9. Le 17 février 2015, la partie requérante forme un recours administratif à l'encontre de la délibération du 17 décembre 2014 adoptée par le conseil communal en matière de voiries.

  10. Le 16 mars 2015, le fonctionnaire délégué émet un avis défavorable au motif qu'il "est prématuré d'émettre un avis sur la demande de permis d'urbanisation dès lors que le projet s'articule autour d'une voirie dont l'approbation dépend d'une décision ou d'une absence de décision du Gouvernement wallon".

  11. Par un arrêté du 17 avril 2015, le ministre en charge de la voirie rejette le recours introduit par la partie requérante et "confirme" la délibération du 17 décembre 2014.

  12. En sa séance du 5 mai 2015, le collège communal de Florennes donne un avis favorable conditionnel quant au projet d'urbanisation.

  13. Le 16 juin 2015, le fonctionnaire délégué émet un nouvel avis défavorable concernant le projet d'urbanisation.

  14. Par un courrier du 2 décembre 2015, le bureau d'études missionné par la demanderesse de permis dépose un certain nombre de documents complémentaires.

  15. En sa séance du 22 décembre 2015, le collège communal octroie le permis d'urbanisation sollicité.

  16. À la suite d'un recours en annulation introduit par la partie requérante (A. 218.658/XIII-7599), le collège communal retire sa décision du 22 décembre 2015 et octroie à nouveau le permis sollicité par une délibération du 6 juin 2016. Il s'agit de l'acte attaqué.

    Par un arrêt n° 237.186 du 26 janvier 2017, le Conseil d'État constate que la décision portant retrait du permis du 6 juin 2016 est devenue définitive et qu'il n'y a plus lieu à statuer sur le recours introduit à l'encontre de la décision du 22 décembre 2015.

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    IV. Le premier moyen

    IV.1. Thèse de la partie requérante

    A. La requête

    La partie requérante prend un premier moyen "de la violation des articles 107 et 127 du CWATUP, de l'erreur de droit, de l'erreur manifeste d'appréciation, de l'excès de pouvoir".

    Elle soutient que l'objet de la demande est un projet mixte en ce qu'il relève partiellement de la compétence de l'autorité communale et de celle du fonctionnaire délégué en raison des travaux de voirie, d'aménagement de parkings et d'espaces publics qui y sont prévus. Elle précise que le projet prévoit la suppression du sentier n° 51, la création d'une nouvelle voirie entre la rue du Baty et la rue du Vieux Martin, accompagnée de la pose d'un trottoir, de la création de places de parking, du placement de végétations et la pose d'un égout et d'impétrants sur cette nouvelle voirie. Elle note que les travaux visent également l'élargissement d'un tronçon de la rue du Vieux Martin et des travaux de redimensionnement de l'égout existant et de la pose d'avaloirs sur la rue du Vieux Martin.

    La partie requérante, estimant que ces aspects du projet sont indissociables du reste de celui-ci, déduit de la jurisprudence PROPERTY & ADVICE (arrêt n° 222.393 du 5 février 2013) que l'autorité compétente pour l'autoriser était en l'espèce le fonctionnaire délégué et non l'autorité communale.

    B. Le mémoire en réplique

    La partie requérante indique que l'article 91 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine (CWATUP) prévoit que, lorsque la demande lui en est faite, l'autorité peut autoriser l'aménagement de la voirie communale en même temps que l'urbanisation mais qu'il n'a pas pour objet de déterminer l'autorité compétente en matière de permis. Elle affirme que les articles 107 et 127 du CWATUP, précités, sont seuls applicables.

    IV.2. Examen

    L'article 107, §§ 1er et 2, du CWATUP, alors en vigueur, énonce les hypothèses dans lesquelles le collège communal est compétent pour délivrer les permis avec ou sans avis préalable du fonctionnaire délégué.

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    L'attribution de compétence réglée à l'article 127, § 1er, du même Code est exceptionnelle comme le souligne le législateur lui-même qui dispose que l'article 127 s'applique "par dérogation aux articles 88, 89, 107 et 108".

    En l'espèce, le permis d'urbanisation relève en principe de la compétence du collège communal, conformément à l'article 107 du CWATUP et la création d'une voirie est susceptible d'entrer dans le champ d'application de l'article 127 du CWATUP, qui prévoit la compétence de la Région ou du fonctionnaire délégué dans une série d'hypothèses, dont notamment les constructions et équipements de service public ou communautaires (article 127, § 1er, alinéa 1er, 7°).

    Même s'il faut qualifier d'indissociable le lien entre le projet d'urbanisation et les travaux de voirie, cela ne suffit cependant pas à fonder la compétence du fonctionnaire délégué pour le tout.

    S'agissant d'un permis d'urbanisation, il existe en effet une disposition spécifique, qui doit prévaloir en tant que lex specialis et qui permet de...

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