Décision judiciaire de Conseil d'État, 23 janvier 2018

Date de Résolution23 janvier 2018
JuridictionVbis
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE Vbis SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

A R R Ê T

nº 240.515 du 23 janvier 2018

A. 222.245/Vbis-198

En cause : 1. l'ASSOCIATION SANS BUT LUCRATIF

COMMUNAUTÉ D'INTÉRÊT DE LA VALLÉE DE L'OUR SUPÉRIEURE, 2. TUMELERO Bruno, ayant tous deux élu domicile chez Me Alain LEBRUN, avocat, place de la Liberté 6 4030 Grivegnée,

contre :

la Région wallonne,

représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Martin ORBAN, avocat, Kaperberg 50 4700 Eupen.

Partie intervenante :

la Société anonyme E.M.Z. WERKE MANDERFELD,

ayant pour conseils Me Edgar DUYSTER, avocat,

Vervierser Strasse 10, 4700 Eupen, et Me Julia MESS, avocat, chemin du Stocquoy 1 1300 Wavre, au cabinet de laquelle il est fait élection de domicile. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 22 mai 2017, l'association sans but lucratif (A.S.B.L.) COMMUNAUTÉ D'INTÉRÊT DE LA VALLÉE DE L'OUR SUPÉRIEURE et Bruno TUMELERO demandent la suspension de l'exécution de l'arrêté du Ministre régional de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire du 21 mars 2017 accordant à la société anonyme (S.A.) E.M.Z WERKE MANDERFELD un permis unique visant à étendre un hall industriel, construire et exploiter une installation de cogénération, ainsi qu'une installation de production de

Vbis R - 198fr - 1/17

combustibles sous forme de briquettes, en extension d'un établissement de fabrication métallique existant, situé Merlscheid 17 [lire : 26] à Bullange.

Par la même requête unique, les requérants demandent également l'annulation de ce permis unique.

II. Procédure

Par une requête introduite le 16 juin 2017, la S.A. E.M.Z. WERKE MANDERFELD demande à être reçue en qualité de partie intervenante.

La note d'observations et le dossier administratif ont été déposés.

M. Denis DELVAX, premier auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'État.

Par une ordonnance du 6 septembre 2017, l'affaire a été fixée à l'audience du 26 octobre 2017 à 10 heures et le rapport a été notifié aux parties.

Mme Wanda VOGEL, conseiller d'État, président f.f., a exposé son rapport.

Me Charles PAQUAY, loco Me Alain LEBRUN, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, Me Gabriele WEISGERBER, loco Me Martin ORBAN, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Me Émilie DUMORTIER, loco Mes Julia MESS et Edgar DUYSTER, avocat, comparaissant pour la partie intervenante, ont été entendus en leurs observations.

M. Denis DELVAX, premier auditeur, a été entendu en son avis conforme au présent arrêt.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

1. Le 28 juillet 2015, la S.A. E.M.Z. WERKE MANDERFELD introduit une première demande de permis unique pour l'extension d'un établissement de fabrication métallique existant situé Merlscheid 26 à Manderfeld - Bullange, portant

Vbis R - 198fr - 2/17

sur l'extension d'un hall industriel, la construction et l'exploitation d'une installation de cogénération ainsi que d'une installation de production de combustible sous forme de briquettes, sur des parcelles cadastrées Bullange, division 8, section R, nos 181z et 181a2.

  1. Au plan de secteur Hautes Fagnes-Eifel approuvé par arrêté royal du 28 août 1979, le bien en cause est repris en zone d'activité économique industrielle. Il se situe également dans la zone de parc international Hautes-Fagnes Eifel. Un site Natura 2000 (BE33059 "Sources de l'Our et de l'Ensebach") se trouve à environ 330 mètres du site d'implantation du projet. Ce site d'implantation est éloigné de moins de 150 mètres de l’Engbach, un cours d'eau non classé qui se jette dans l'Our et dans le site Natura 2000 susvisé. Les habitations les plus proches se trouvent à une distance d'environ 200 mètres du projet. Celui-ci comporte plusieurs installations de classe 2 au sens de l'arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002 arrêtant la liste des projets soumis à étude d'incidences et des installations et activités classées. Le projet nécessite des travaux de modification du relief du sol. Il implique une augmentation du nombre de camions empruntant quotidiennement la N626, qui constitue la voie d'accès au site d'implantation du projet.

  2. La S.A. E.M.Z. WERKE MANDERFELD est une entreprise active dans le secteur de la construction métallique, qui produit des caillebotis en acier inoxydable et en aluminium. Elle est implantée à Manderfeld depuis 1961 et dispose des autorisations nécessaires à l'exercice de ses activités. Cette société souhaite construire un nouveau hall industriel, d'une superficie de 3.500 m2, en extension d'un hall existant, afin d'y déplacer les machines de production de caillebotis. Par ailleurs, vu la disponibilité de ressources en bois et le besoin énergétique important lié à ses activités, et dans un objectif d'autonomie d'approvisionnement en énergie propre, elle envisage la construction d'une centrale d'énergie thermique/électrique sous forme d'une installation de cogénération du type ORC (Organic Ranking Cycle) et la construction d'une unité de production de briquettes de bois. Le hall industriel existant, qui abrite jusqu'ici les machines de production, servirait à l'avenir à la réception des presses de briquettes et au stockage des produits finis prêts à l'expédition.

  3. Dans le cadre de l'instruction de la demande de permis unique, des échantillons du sol sont analysés en novembre 2015 par l'entreprise agréée UNIVERSOIL. Une première analyse témoigne d'un dépassement des valeurs seuils autorisées pour les métaux lourds, notamment de la valeur seuil pour l'arsenic. Une seconde analyse effectuée par UNIVERSOIL ne révèle pas de dépassement des valeurs seuils, ce qui amène cette entreprise à conclure que "[l']origine du dépassement observé lors de la première analyse d'une part, de la différence entre les

    Vbis R - 198fr - 3/17

    deux analyses d'autre part, ne peut pas être clairement établie [...]. L'hypothèse explicative la plus vraisemblable se base sur l'hétérogénéité naturelle de l'échantillon analysé avec, lors de la première mesure, un effet ponctuel («effet de pépite») dû à la présence d'un matériau plus concentré en arsenic".

  4. Le 4 décembre 2015, le collège communal de Bullange fait droit à la première demande de permis unique pour le projet litigieux.

  5. Sur recours notamment de l’A.S.B.L. requérante, le Ministre régional de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire annule, par une décision du 16 février 2016, le permis unique du 4 décembre 2015. Cette annulation est motivée par la considération que "l'objet de la demande n'a pas été correctement appréhendé lors de l'instruction de première instance; que dans les faits, le projet concerne une installation de regroupement de déchets non dangereux qui sont, pour partie, valorisés en briquettes de bois et, pour partie, incinérés pour produire de la chaleur et de l'électricité; que ces activités imposent la production de documents spécifiques qui ne font pas partie du dossier déposé; que dès lors, il n'est pas possible de délivrer le permis unique sollicité en l'état actuel du dossier".

  6. Le 26 mai 2016, la S.A. E.M.Z. WERKE MANDERFELD introduit une seconde demande de permis unique pour le même projet. La demande ayant été jugée incomplète, elle dépose un dossier complémentaire le 15 juin 2016. La demande est jugée complète et recevable par une lettre conjointe des fonctionnaires technique et délégué du 28 juin 2016. Les fonctionnaires technique et délégué estiment que la notice d'évaluation des incidences, les plans et les autres documents constitutifs du dossier synthétisent suffisamment les principaux paramètres écologiques du projet sur l'environnement, et qu'une étude d'incidences sur l'environnement (E.I.E.) n'est dès lors pas nécessaire.

  7. Le projet est soumis à une enquête publique du 11 juillet 2016 au 25 août 2016. Celle-ci suscite quatorze réclamations écrites dont une émanant de l'A.S.B.L. requérante. Les principales objections émises contre le projet concernent la proximité d'habitations et de zones à bâtir, le problème du charroi, les émissions de poussières, les risques de nuisances sonores et olfactives, la dévalorisation des biens, les incidences négatives sur le tourisme, des craintes quant à la destination des terres excavées qui seraient probablement contaminées avec des métaux lourds, et le risque de pollution des eaux de surface due à l'évacuation des eaux usées.

  8. Le 7 juin 2016, le département du sol et des déchets...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT