Décision judiciaire de Conseil d'État, 3 août 2017

Date de Résolution 3 août 2017
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRÉSIDENT DE LA XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 238.916 du 3 août 2017

  1. 221.423/XIII-7926

    En cause : LECLERE Sandrine, ayant élu domicile chez

    Me François JONGEN, avocat, rue des Martyrs 19 6700 Arlon,

    contre :

    la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez

    Me Pierre MOËRYNCK, avocat, avenue de Tervueren 34/27 1040 Bruxelles.

    Partie intervenante :

    GENIN Frédéric, rue de Moyen 37 6810 Chiny. ------------------------------------------------------------------------------------------------------

    I. Objet de la requête

    Par une requête introduite, par la voie électronique, le 7 février 2017, Sandrine LECLERE demande, d'une part, la suspension de l'exécution du permis d'urbanisme octroyé le 10 novembre 2016 par le Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire, de la Mobilité et des Transports et du Bien-être animal de la Région wallonne à Frédéric GENIN et ayant pour objet la construction d'une bergerie comprenant une partie destinée au stockage de matériel agricole, sur un bien sis à Chiny, rue de Moyen, 37, cadastré 2ème division, section A, nº 132 h, et, d'autre part, l'annulation du même acte attaqué.

    II. Procédure

    La note d'observations et le dossier administratif ont été déposés.

    Mme Valérie MICHIELS, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 93 du règlement général de procédure.

    Le rapport a été notifié aux parties.

    Par une ordonnance du 24 mai 2017, les parties ont été convoquées à l'audience du 29 juin 2017 à 10.30 heures.

    Par une requête introduite le 14 juin 2017, Frédéric GENIN demande à être reçu en qualité de partie intervenante.

    Mme Simone GUFFENS, président de chambre, a exposé son rapport.

    Me Delphine DE VALKENEER, loco Me François JONGEN, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me Natacha DIERCKX, loco Me Pierre MOËRYNCK, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Frédéric GENIN, partie intervenante, ont été entendus en leurs observations.

    Mme Valérie MICHIELS, auditeur, a été entendue en son avis conforme.

    Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

    III. Faits

    1. Le 25 mars 2016, la commune de Chiny accuse réception d'une demande de permis d'urbanisme introduite par Frédéric GENIN, agriculteur à titre complémentaire, visant la construction d'une bergerie pour 45 à 50 brebis avec une partie pour le stockage de matériel agricole sur un bien situé à Jamoigne, rue de Moyen, 37, cadastré 2ème division, section A, nº 132 h.

    Sont notamment joints à cette demande :

    - les attestations de l'architecte; - un extrait du plan parcellaire cadastral; - une notice d'évaluation des incidences sur l'environnement;

    - un reportage photographique; - un rapport des actes et travaux projetés; - une série de plans.

    Le projet s'implante en zone agricole, immédiatement à l'arrière d'une zone d'habitat à caractère rural, sur un terrain situé à l'arrière de l'habitation et de l'annexe de Frédéric GENIN. Le bâtiment, d'une superficie au sol de 368 m², soit 28,26 m de long et 13 m de large, jouxte en longueur une annexe existante, sise à cheval sur la zone d'habitat à caractère rural et sur la zone agricole.

    1. Une enquête publique est réalisée du 31 mars au 14 avril 2016, au cours de laquelle la partie requérante ainsi que 9 autres riverains introduisent une réclamation commune.

    2. Le 14 avril 2016, la direction du développement rural de Libramont émet un avis favorable conditionnel, rédigé notamment comme suit :

      " [...]

      L'implantation du bâtiment est acceptable là où elle est projetée.

      [...]

      D'un point de vue technique, la partie bergerie suscite quelques remarques de ma part. [...]

      Un système de ventilation naturel[le] devra être mis en place vu l'utilisation d'un bardage en tôle profilée métallique, source de condensation. Le bardage en façades latérales devra être ajouré.

      Si du fumier est stocké sur le site, il doit l'être en respect du code de l'Eau : [...]

      Des plantations d'arbres de haute venue et des haies vives constituées d'essences feuillues et locales accompagneront la construction afin d'atténuer l'impact paysager.

      [...]".

    3. Le 15 avril 2016, la commission consultative de l'aménagement du territoire et de la mobilité (C.C.A.T.M.) de Chiny donne un avis favorable non motivé.

    4. Le 4 mai 2016, la direction des cours d'eau non navigables du secteur de Neufchâteau émet un avis défavorable. L'avis relève que le projet est en zone d'aléa d'inondation moyen par débordement de la Semois et demande que le projet soit revu en fonction des éléments suivants :

      " - Étude et création d'une zone de compensation de 100 m3 en déblai afin de ne pas réduire le volume de stockage de l'eau en période de crue.

      - Le rez-de-chaussée doit être situé hors niveau des inondations en ajoutant par précaution et suivant les recommandations du Groupe Transversal Inondations une marge de sécurité de telle sorte que le niveau fonctionnel soit supérieur de 0,80 m par rapport à la cote la plus élevée du terrain naturel au droit de la construction. Cela ne signifie pas pour autant que l'objet de la demande est à l'abri du risque d'inondation. Ainsi, la cote imposée pour le niveau fonctionnel ne garantit pas le demandeur contre le risque d'inondation de ce même niveau.

      - Tout remblai est interdit en zone d'aléa d'inondation; - [...]".

    5. Le 6 juin 2016, le fonctionnaire délégué donne un avis défavorable, estimant les réclamations fondées "tenant compte de la configuration des lieux". Celui-ci estime "qu'en effet, la construction de dispositifs agricoles qui s'étendent en arrière zone par rapport à un quartier résidentiel ne peut prétendre rencontrer le principe de bon aménagement des lieux; que la destination traditionnelle des espaces de cour et jardin du demandeur et des voisins proches est compromise par la pression que ces installations exerceront sur leur environnement [...]".

    6. Le 17 juin 2016, le collège communal de la ville de Chiny refuse le permis d'urbanisme sollicité par Frédéric GENIN.

    7. Par un courrier du 20 juillet 2016, Frédéric GENIN introduit un recours auprès du Gouvernement wallon.

    8. Le 5 septembre 2016, la commission d'avis sur les recours émet un avis défavorable "dans l'état du dossier", des plans modifiés devant corriger le projet afin de répondre aux remarques du département de la ruralité et des cours d'eau.

    9. Par un courrier du 28 octobre 2016, la direction juridique, des recours et du contentieux du département de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et de l'énergie adresse au Gouvernement wallon une proposition de refus de permis dans laquelle elle se rallie à l'avis de la commission et précise que des plans modificatifs ne peuvent être introduits à ce stade de la procédure.

    10. Le 10 novembre 2016, le Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire, de la Mobilité et des Transports et du Bien-être animal décide d'octroyer conditionnellement le permis sollicité. Il s'agit de l'acte attaqué en l'espèce, rédigé comme suit :

      " [...]

      Considérant que le bien est repris en zone d'habitat à caractère rural et en zone agricole au plan de secteur SUD-LUXEMBOURG adopté par arrêté royal du 27 mars 1979; que le bien est situé dans un périmètre d'aléa d'inondation dit moyen, (Semois-Chiers);

      Considérant que la demande de permis comprend une notice d'évaluation des incidences sur l'environnement; que l'impact environnemental du projet, examiné à la lumière des critères de sélection pertinents énumérés à l'article D. 66 du Code de l'environnement, est minime et permet, eu égard au projet et à l'environnement dans lequel il est appelé à s'insérer, de conclure qu'il n'y a pas lieu d'exiger une étude d'incidences sur l'environnement, et ce notamment eu égard à la nature et à la faible ampleur de la bergerie sollicitée et de sa situation (bien déjà urbanisé et équipé, bergerie accolée à un bâtiment agricole préexistant);

      Considérant que l'article 27 du Code dispose que : [...]

      Considérant que l'article 35 du Code dispose que : [...]

      Considérant que la demande est conforme à la destination générale de la zone considérée telle qu'elle résulte des articles 27 et 35 précités du Code; que le demandeur a le statut d'agriculteur;

      Considérant dès lors qu'il convient d'examiner la demande en fonction des circonstances urbanistiques et architecturales locales, de son intégration au cadre bâti et non bâti, de son impact dans le paysage et de sa compatibilité avec le voisinage;

      Considérant que la demande de permis a été soumise à des mesures particulières de publicité en application de l'article 330, 2º du Code;

      Considérant que dix réclamations ont été introduites, que ces réclamations portent essentiellement sur les nuisances qui seraient générées par le projet;

      Considérant que les services ou commissions visés ci-après ont été consultés :

      - Commission consultative...

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