Décision judiciaire de Conseil d'État, 18 juillet 2017

Date de Résolution18 juillet 2017
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

LE PRÉSIDENT F.F. DE LA XVe CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

A R R Ê T

nº 238.849 du 18 juillet 2017

221.883/XV-3385

En cause : PIA Ettore, ayant élu domicile chez Me Edwige SPAMPINATO, avocat, avenue de la Toison d’Or 77 1060 Bruxelles,

contre :

l’État belge, représenté par le Ministre de l’Intérieur. ------------------------------------------------------------------------------------------------------

I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 6 avril 2017, Ettore PIA demande la suspension de l’exécution (et l’annulation) de «la décision du Ministre de l’Intérieur [du 1er février 2017] lui refusant sa carte d’identification d’agent de gardiennage au motif qu’il ne satisfait pas aux conditions de sécurité fixées à l’article 6, alinéa 1er, 8°, de la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière»;

II. Procédure devant le Conseil d’État

La note d’observations et le dossier administratif ont été déposés.

M. Éric THIBAUT, premier auditeur chef de section au Conseil d’État, a rédigé un rapport sur la base de l’article 12 de l’arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d’État.

Par une ordonnance du 16 mai 2017, les parties ont été convoquées à l’audience publique du 9 juin 2017 à 9 heures 30 et le rapport leur a été notifié.

M. Imre KOVALOVSZKY, président de chambre f.f., a fait rapport.

Me Elsa WAUTERS, loco Me Edwige SPAMPINATO, avocat, comparaissant pour le requérant, et M. Philippe JAQUEMYNS, attaché, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

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M. Éric THIBAUT, premier auditeur chef de section, a été entendu en son avis contraire.

Il est fait application des dispositions relatives à l’emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits de la cause

Le 31 juillet 2015, Ettore PIA consent à ce qu’une enquête relative aux conditions de sécurité soit effectuée à son sujet.

Le 17 août, l’entreprise de gardiennage G4S Secure Solutions introduit une demande de carte d’identification d’agent de gardiennage en faveur du requérant.

Le 8 septembre, une enquête relative aux conditions de sécurité est demandée conformément à l’article 7 de la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière.

Le 23 septembre, les services de la partie adverse interrogent le procureur du Roi de Charleroi à propos des procès-verbaux ouverts en son office à l’encontre du requérant. Le 27 novembre, le procureur du Roi de Charleroi communique aux services de la partie adverse deux jugements, l’un d’eux ayant été rendu par le tribunal correctionnel du Hainaut le 23 mars 2015 pour des faits de faux en écritures, usage de faux et escroquerie.

Le 30 décembre, l’inspecteur principal de police chargé de l’enquête établit un rapport d’enquêtes sur les conditions de sécurité.

Le 18 janvier 2016, la Commission «enquêtes sur les conditions de sécurité» émet un avis concluant que le requérant ne satisfait pas aux conditions de sécurité.

Par un courrier recommandé du 24 mars, la partie adverse fait savoir au requérant que le ministre de l’Intérieur envisage un refus de la carte d’identification d’agent de gardiennage sur la base du jugement du 23 mars 2015, qu’il peut consulter son dossier dans les 15 jours de la réception dudit courrier et qu’il dispose d’un délai de 40 jours pour transmettre ses moyens de défense. Ce courrier a été présenté à son adresse le 25 mars et, en l’absence de réclamation de la lettre, a été renvoyé à l’expéditeur.

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Le 1er février 2017, le ministre de l’intérieur refuse la carte d’identification au requérant. Il s’agit de la décision attaquée, qui se présente comme suit :

« Monsieur,

Une entreprise de gardiennage a introduit pour vous une demande de carte d’identification d’agent de gardiennage afin que vous puissiez y exercer des activités de gardiennage.

Les interventions des entreprises de gardiennage et de leur personnel ont un rapport étroit avec l’ordre public et sont, dès lors, particulièrement délicates.

Le législateur a tenu à s’assurer que les personnes qui exercent des activités de gardiennage – activités qui sont traditionnellement du ressort d’autorités publiques – soient des individus dignes de confiance.

Afin de pouvoir exercer des activités de gardiennage, vous devez satisfaire à toutes les conditions d’exercice prévues dans la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière.

Une de ces conditions est fixée par l’article 6, alinéa 1, 8°, de la loi précitée. Cet article stipule que les personnes qui exercent une fonction d’exécution au sein d’une entreprise de gardiennage doivent satisfaire aux conditions de sécurité nécessaires à l’exercice de celle-ci et ne pas avoir commis de faits qui, même s’ils n’ont pas fait l’objet d’une condamnation pénale, portent atteinte à la confiance en l’intéressé, parce qu’ils constituent un manquement grave à la déontologie professionnelle ou une contre-indication au profil souhaité, tel que visé à l’article 7, § 1erbis.

Ledit profil, défini à l’article 7, § 1erbis, de la loi, est caractérisé par :

1° le respect pour les droits fondamentaux des concitoyens; 2° l’intégrité; 3° une capacité à faire face à un comportement agressif de la part de tiers et à se maîtriser dans de telles situations;

4° l’absence des liens suspects avec le milieu criminel.

Il doit donc être vérifié, pour chaque agent de gardiennage, s’il présente le profil requis pour travailler dans ce secteur.

C’est dans ce cadre qu’une enquête relative aux conditions de sécurité vous concernant a été réalisée par les services de police. Elle a révélé, dans votre chef, un certain nombre de renseignements de nature judiciaire et administrative ainsi que des données professionnelles qui sont importants dans le cadre de l’appréciation des conditions de sécurité visées à l’article 6, alinéa 1, 8° de la loi précitée et qui font l’objet du rapport de l’officier de police en charge de cette enquête.

Sur la base de ce rapport, la Commission “enquêtes sur les conditions de sécurité~ a émis son avis le 18 janvier 2016. Elle a estimé que vous ne satisfaisiez pas aux conditions de sécurité et qu’une procédure visant au refus de votre carte d’identification devait être initiée.

Vous avez été mis au courant de ces faits et de l’éventualité d’un refus de votre carte, par un courrier recommandé du 24 mars 2016. Vous avez été informé que vous pouviez, durant toutes les phases de la procédure, vous faire assister par un conseil de votre choix. Il a également été porté à votre connaissance que vous disposiez, d’une part, d’un délai de 15 jours ouvrables à compter de la date de réception de cette lettre pour prendre connaissance de votre dossier et en recevoir une copie et, d’autre part, d’un délai de 40 jours ouvrables pour faire valoir vos moyens de défense par courrier recommandé à la poste. Ce courrier nous est revenu avec la mention “non réclamé~.

Malgré la faculté qui vous était offerte, vous n’avez ni consulté votre dossier ni rendu vos moyens de défense.

R XV - 3385 - 3/14

* À titre liminaire, je constate que vous êtes notamment détenteur des attestations de réussite suivantes : • Attestation de réussite de la formation de base pour le personnel d’exécution des entreprises de gardiennage, délivrée le 17 novembre 2004; • Attestation de réussite de la formation contrôle de personnes type long, délivrée le 15 février 2007; • Attestation de recyclage agent de gardiennage, délivrée le 2 juillet 2010;

Au cours de ces formations, les droits incombant à un agent de gardiennage vous ont été enseignés, en ce compris l’attitude d’intégrité attendue dans le chef d’un agent de gardiennage.

De plus, je souligne que vous avez été détenteur de plusieurs cartes d’identification d’agent de gardiennage : • Carte numéro 00050268, délivrée à l’entreprise SECURITAS, valable du 15 avril 2005 au 15 avril 2010; • Carte numéro 10029469, délivrée à l’entreprise SECURITAS, valable du 10 août 2010 au 15 avril 2011, date à laquelle elle a été restituée à mes services; • Carte numéro 10043190, délivrée à l’entreprise G4S SECURE SOLUTION, valable du 10 août 2010 au 18 août 2015;

*

Le procès-verbal […] relatif à des faits de fausses déclarations et le procès-verbal […] relatif à des faits d’escroquerie sans internet ont été dressés à votre encontre.

Les policiers mentionnent les éléments suivants dans ces deux procès-verbaux :

RÉTROACTE

En date du 09/08/2012 vers 21.00 hrs, le nommé PIA Ettore se déplace pédestrement sur la place Saint-Roch à Châtelet.

Alors qu’il utilise son GSM de marque Samsung Galaxy SIII […], un individu inconnu, âgé de 20 à 25 ans et mesurant environ 175 cm, le dépasse en lui donnant un coup d’épaule, lui subtilisant ledit GSM.

Cet individu de sexe masculin, [que] la victime ne verra que de dos, prend la fuite en courant vers la rue de Namur.

Suite à ce vol, une étude téléphonique réalisée par nos services a permis d’établir que ledit GSM avait été réactivé par le numéro...

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