Décision judiciaire de Conseil d'État, 14 juillet 2017

Date de Résolution14 juillet 2017
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

LE PRÉSIDENT F.F. DE LA VIe CHAMBRE DE VACATIONS SIÉGEANT

EN RÉFÉRÉ,

A R R Ê T

nº 238.824 du 14 juillet 2017

222.533/XV-3455

En cause : 1. PINTO Carlo,

2. ARNAUTS Paula,

3. BENS Elly, ayant élu domicile chez Me Aurélie TRIGAUX, avocat, chemin du Stocquoy 1

1300 Wavre,

contre:

la Région de Bruxelles-Capitale,

ayant élu domicile chez

Me Jean-Paul LAGASSE, avocat, place Jamblinne de Meux

1030 Bruxelles,

Parties intervenantes:

1. la s.a. Soprinvest,

ayant élu domicile chez

Mes Monique KESTEMONT & Frédéric DE MUYNCK,

avocats,

Galerie du Roi 30

1000 Bruxelles,

2. la commune de Woluwe-Saint-Pierre,

ayant élu domicile chez

Mes Olivia Van der KINDERE & Félicie HENRY, avocats, Avenue Lloyd George 16

1000 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 30 juin 2017, Carlo Pinto, Paula Arnauts et Elly Bens demandent la suspension, selon la procédure d’extrême urgence, de l’exécution (et l’annulation) «des articles 2 et 3 de l'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 11 mai 2017 relatif au recours au Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale introduit par la commune de Woluwe-Saint-Pierre contre la décision du fonctionnaire d'octroyer un permis d'urbanisme à la s.a. Soprinvest tendant à construire deux villas à appartements, avenue Alfred Madoux, 53, à 1150 Bruxelles».

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II. Procédure devant le conseil d’Etat

Une ordonnance du 30 juin 2017, notifiée aux parties, a fixé l'affaire à l'audience de la XVe chambre du 6 juillet 2017.

La s.a. Soprinvest et la commune de Woluwe-Saint-Pierre ont introduit chacune une requête en intervention le 5 juillet 2017.

La partie adverse a déposé le dossier administratif et une note d’observations.

M. Imre KOVALOVSZKY, président f.f., a fait rapport.

Me Aurélie TRIGAUX, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, Me Jean-Paul LAGASSE, avocat, comparaissant pour la partie adverse, Me Frédéric DE MUYNCK, avocat, comparaissant pour la première partie intervenante, et Mes Olivia Van der KINDERE & Félicie HENRY, avocats, comparaissant pour la seconde partie intervenante, ont été entendus en leurs observations.

M. Michel QUINTIN, premier auditeur chef de section, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Les faits

Les requérants exposent comme suit les faits de la cause:

1.- Depuis une quinzaine d'années, les spéculations abondent autour d'un pittoresque cottage des années 1920 situé avenue Alfred Madoux, 53, à 1150 Bruxelles (« le Bien »):

[…] 2.- Ce bien est inscrit dans le périmètre de la zone de protection du Manoir d'Anjou […] auquel il a toujours été historiquement lié et dont les abords sont également classés comme site:

[…] 3.- Il est par ailleurs situé à moins de 30 mètres d'une zone de parc au P.R.A.S. qui correspond également à une zone Natura 2000:

[…] 4.- En 2007, une première demande de permis de lotir visant à diviser le Bien en deux lots est refusée, notamment au motif qu'un tel lotissement ne

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mettrait pas en valeur la qualité du site arboré (et désormais classé) de même qu'il modifierait de manière trop importante les caractéristiques urbanistiques du quartier. 5.- En 2009, une deuxième demande de permis de lotir est introduite par l'a.s.b.l. «Les Fraternites Du Bon Pasteur» visant à la création de trois lots.

[…]

Cette demande de permis de lotir fait également l'objet d'un avis défavorable de la Commission de concertation et d'un refus de permis du Collège des Bourgmestre et Echevins de la commune de Woluwe-Saint-Pierre[…], notamment pour les motifs suivants: • Dérogation inacceptable mettant en péril les données essentielles du P.P.A.S. à cet endroit; • Non-intégration du projet avec l'environnement bâti et voisin (gabarit, zone de construction); • Obstruction de la perspective depuis le domaine d'Anjou; • Gabarits et densité trop imposants; • Modifications des caractéristiques urbanistiques trop importantes par rapport au cadre environnant; • Perte de qualité du site arboré inscrit à l'inventaire légal; 6.- Nonobstant, la spéculation immobilière persiste à battre son plein et la s.a. Soprinvest introduit une demande de permis d'urbanisme le 28 octobre 2013 visant la démolition du cottage existant et la construction de deux villas à appartements.

[…] À la demande est joint un rapport d'incidences sur l'environnement […]. 7.- En raison de sa localisation dans la zone de protection du Manoir d'Anjou, l'autorité délivrante sollicite l'avis de la Commission Royale des Monuments et des Sites, rendu le 12 mars 2014 […], lequel dispose notamment que:

" La demande porte sur la démolition du cottage construit au début des années 1920 dans la partie nord du domaine, et sur la construction de deux “villas à appartements” de sept unités chacune. Elles seraient équipées d'un parking souterrain de 27 emplacements, qui s'étend sous l'ensemble des deux immeubles.

La CRMS estime la démolition de ce cottage fort regrettable. Malgré quelques transformations qui ne nuisent aucunement à son esthétique pittoresque, le bâtiment a conservé son caractère et présente un bon état général de conservation. Le cottage et son jardin s'intègrent parfaitement dans le gabarit de l'avenue Alfred Madoux tout comme dans le traitement paysager du site protégé. A cet égard, il faut souligner que le parc revêt une forme très caractéristique d'entonnoir et que le cottage voué à la démolition constitue précisément, avec l'entrée du site et sa petite chapelle, le point d'amortissement de cette forme et le point focal naturel des regards. Le jardin planté d'arbres à haute tige constitue un rappel végétal du site du Manoir depuis l'espace public. La suppression de cet ensemble constituera dès lors une perte tant sur le plan patrimonial que sur le plan urbanistique et paysager.

À tout le moins, le projet devrait préserver autant que possible le caractère planté aux abords des constructions de manière à s'inscrire adéquatement dans son contexte patrimonial et urbanistique particulier. Tel que présenté, le projet n'offre pas les qualités requises à cet égard en raison de l'implantation des deux immeubles qui est préconisé ainsi que du parti adopté pour l'aménagement de leurs abords. Le projet devrait donc être adapté et amélioré notamment sur les points suivants :

- Éloigner les parties construites par rapport à l'entrée du site et la petite chapelle qui font partie du site classé et augmenter la zone plantée entre ceux-ci et les nouvelles constructions,

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- Adapter les plans pour garantir le maintien dans de bonnes conditions des arbres indiqués comme “à préserver”, selon les plans, certains des sujets en question se situeraient à moins de 3 m des zones à creuser (parking, rampe de parking et égouts), leur conservation ne semble donc pas garantie, - Aménager l'accès du parking à l'avant des immeubles de manière à conserver les grands arbres qui existent actuellement à front de l'avenue, au lieu de demander une dérogation a l'article 6 du PPAS 1X/6 pour pouvoir implanter la rampe de parking latéralement.

Ces remarques rejoignent les remarques formulées par le rapport d'incidences qui préconise d'apporter une attention particulière à l'impact du chantier sur le site classé ainsi que sur le chemin d'accès et sur la petite chapelle située à front de rue". 8.- Une enquête publique est organisée du 25 août au 8 septembre 2014, au cours de laquelle une pétition de 517 signatures et 5 courriers de réclamations ont été introduits, lesquels portent principalement sur les éléments suivants: • L'irrégularité de l'enquête publique (délai, avis et composition de la demande de permis); • L'absence de permis de lotir préalable; • L'absence d'intégration du Projet initial au sein du bâti environnant; • L'irrégularité de la construction projetée (non-respect des prescriptions du R.R.0 et du P.P.A.S. n° IX/6 relatives à la hauteur, au taux d'emprise, à la toiture, aux façades, à la zone de cour et jardin, aux terrasses, aux lucarnes, aux caractères et à l'architecture de l'immeuble); • L'irrégularité de l'implantation (non-respect des prescriptions du R.R.0 relative aux constructions hors sol, en sous-sol ainsi que des prescriptions du P.P.A.S. n° IX/6); • Le mauvais aménagement des lieux; • L'atteinte à la tranquillité du quartier et du voisinage; • La création de jours et de vues; • Les pertes d'ensoleillement générées; • L'atteinte aux espaces verts; • L'atteinte à la zone Natura 2000 et le non-respect des articles 57 et 60 de l'ordonnance du 1er mars 2012 relative à la conservation de la nature; • La densification du bâti; • La démolition du cottage datant de 1920; • L'atteinte au périmètre en voie de classement; • Les risques d'inondations et les risque liés à la stabilité du terrain; • L'augmentation du charroi et du risque d'accident. 9.- Le 18 septembre 2014, la Commission de concertation rend un avis défavorable unanime, notamment pour les motifs suivants:

" Considérant: que le projet prévoit la démolition du bâtiment présent sur la parcelle et la construction de 14 logements et 27 parkings répartis en 2 immeubles 4 façades;

(…) que le bien est situé à moins de 60m de la zone Natura 2000 du "Manoir d'Anjou" et de son parc; que le projet déroge aux articles suivants du titre I du Règlement Régional d'Urbanisme:

8 §1 : hauteur d'une construction isolée; 11 : aménagement des zones de recul; 12 : aménagement des zones latérales et de cours et jardins; que le projet déroge aux articles suivants du Plan Particulier d'Affectation du Sol: 2.5: toiture;

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2.5.b matériaux de toiture; 6.1 : zone de cours et jardins; que ces...

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