Décision judiciaire de Conseil d'État, 29 juin 2017

Date de Résolution29 juin 2017
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

VIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 238.728 du 29 juin 2017

A.216.972/VI-20.571 A.217.314/VI-20.627 A.218.310/VI-20.708

En cause : LENOBLE-VARLET Laurence,

ayant élu domicile chez

Mes Pierre HENRY et Thierry WIMMER, avocats, rue du Palais 64 4800 Verviers,

contre :

l'Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaine Alimentaire, en abrégé AFSCA.

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I. Objet des requêtes

Par une requête déposée sur le site internet du Conseil d'Etat le 19 octobre 2015, Laurence LENOBLE-VARLET demande l'annulation de "la décision de prolongation de saisie conservatoire, lui notifiée le 14 septembre 2015, et opérée sur un troupeau d'alpagas et de caprins au lieu sis alpagas du maquis, Bois des Tailles, 1 à 5560 Houyet depuis le 14 août 2015" (Affaire A.216.972/VI-20.571).

Par une requête déposée sur le site internet du Conseil d'Etat le 19 octobre 2015, Laurence LENOBLE-VARLET demande l'annulation de "la décision adoptée par l'AFSCA en date du 6 octobre 2015 ayant pour objet l'ordre d'euthanasie et mesures de protection dans le cadre d'une suspicion de tuberculose, lui notifiée en date du 6 octobre 2015" (Affaire A.217.314/VI-20.627).

Par une requête déposée sur le site internet du Conseil d'Etat le 8 février 2016, Laurence LENOBLE-VARLET demande l'annulation de "la décision adoptée par l'AFSCA en date du 10 décembre 2015 ayant pour objet la prise de mesures sanitaires" (Affaire A.218.310/VI-20.708).

II. Procédure

Un arrêt n° 232.307 du 23 septembre 2015 a rejeté la demande de suspension d'extrême urgence de l'exécution de l'acte attaqué dans l'affaire A.216.972/VI-20.571. Il a été notifié aux parties.

Les dossiers administratifs ont été déposés.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

M. Denis DELVAX, premier auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties ont déposé des derniers mémoires.

Par des ordonnances du 2 mai 2017, les affaires ont été fixées à l'audience du 31 mai 2017 à 10 heures.

Les droits visés à l'article 70 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État ont été acquittés.

M. Serge BODART, conseiller d'État, a exposé son rapport.

Me Pierre HENRY, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Thierry DE RIDDER, loco Me Murielle VAN DER MERSCH, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

M. Denis DELVAX, premier auditeur, a été entendu en son avis partiellement conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

1. La requérante exploite avec son mari un élevage d'alpagas, connu sous le nom des "Alpagas du Maquis", situé à Houyet.

Dans le cadre de son activité, qui comporte aussi notamment un atelier de filature de laine et une ferme éducative, la requérante acquiert des alpagas et les revend. Elle a notamment acquis des alpagas d'une exploitation située en Grande-Bretagne, dont l'un a été revendu à Madame CHEVALIER.

Il n'est pas contesté par les parties que cet alpaga, portant le numéro 527, est mort à la fin du mois de juillet 2015 et qu'une forte suspicion de tuberculose fut alors envisagée.

  1. Le 10 août, le chef vétérinaire de la partie adverse adresse un courrier électronique à son homologue britannique (chief veterinary officer) pour l'informer, d'une part, de la survenance d'un cas de tuberculose chez un alpaga et lui demander, étant donné que la Grande-Bretagne a déjà connu de tels cas, des conseils sur la meilleure manière de gérer ce problème et, d'autre part, du fait que l'animal provenait de Grande-Bretagne et qu'une demande d'informations plus poussée lui serait officiellement adressée.

  2. Le même jour, le chef vétérinaire de la partie adverse adresse un courrier électronique au Centre d'Étude et de Recherches Vétérinaires et Agrochimiques (CERVA) pour l'interroger sur la fiabilité des tests de tuberculination sur les alpagas.

  3. Par un courrier électronique du même jour, un agent du CERVA répond au chef vétérinaire de la partie adverse que la littérature est partagée en ce qui concerne la sensibilité de la tuberculination pour les alpagas mais que tous les auteurs s'accordent pour dire qu'il n'est pas possible d'exclure la tuberculose sur le seul vu d'un test dermatologique négatif et qu'il faut effectuer plusieurs tests (par exemple un test sérologique) à l'échelle du troupeau.

  4. Le 11 août, l'homologue britannique du chef vétérinaire de la partie adverse répond à ce dernier que le test de tuberculination n'est que faiblement fiable pour les camélidés mais qu'il est utilisé en cas de suspicion de tuberculose bovine, que les autorités travaillent avec l'industrie pour finaliser des procédures prévoyant des tests dermiques et sanguins à cette fin et que les propriétaires sont encouragés à

    effectuer ces doubles tests lors de l'exportation d'animaux en-dehors du Royaume-Uni.

  5. Le 11 août 2015, à la demande du mari de la requérante, eu égard aux circonstances particulières du décès d'un alpaga de son troupeau portant le numéro 644, le laboratoire ARSIA en effectue l'autopsie.

    Le rapport d'autopsie, établi le 17 août, qui examine de très nombreux organes de l'animal et relève, à propos des poumons et de la plèvre viscérale, un "œdème hémorragique généralisé ; présence de plages légèrement granuleuses blanchâtres de 5 mm évocatrices de parasitisme respiratoire", conclut à l'"Absence de lésions spécifiques. Parasitisme chronique possible".

  6. Le 11 août 2015 également, un inspecteur vétérinaire de la partie adverse adresse à Madame CHEVALIER un courrier l'informant que diverses mesures de sécurité sanitaire doivent, conformément à la loi du 24 mars 1987 relative à la santé des animaux, être appliquées dans son exploitation, où sont encore détenus 5 alpagas, à savoir la mise sous contrôle de l'inspecteur vétérinaire, l'isolement du troupeau des alpagas suspects d'être atteints et des alpagas atteints de tuberculose, l'interdiction de tout contact direct ou indirect des alpagas avec d'autres animaux, l'interdiction d'introduction d'un ou plusieurs animaux dans le troupeau et de départ d'un ou plusieurs animaux, l'obligation de nettoyer et désinfecter régulièrement les étables, locaux, installations, récipients et tout matériel utilisé pour les alpagas, le stockage distinct et le traitement selon les instructions des inspecteurs vétérinaires du fumier, purin et lisier provenant des abris, étables et autres locaux où les animaux du troupeau sont logés, l'interdiction d'utilisation du colostrum ou du lait provenant d'alpagas atteints de tuberculose comme aliment pour animaux, l'interdiction d'utiliser les produits issus des alpagas du troupeau (lait, laine…), l'information de l'inspecteur vétérinaire lors de chaque naissance, mortalité ou abattage de nécessité d'un alpaga, et l'interdiction des visites à but pédagogique.

  7. Le 12 août 2015, un agent de la partie adverse adresse à un agent du CERVA un courrier électronique demandant, d'une part, s'il est possible de proposer une approche diagnostique permettant d'évaluer le statut sanitaire des alpagas présents dans le foyer et les alpagas/élevages ayant été en contact avec l'animal infecté et, d'autre part, si le CERVA serait en mesure de procéder aux tests sérologiques.

  8. Le 13 août 2015, un agent du CERVA adresse au chef vétérinaire de la partie adverse le courrier électronique suivant :

    " Marcella a eu un contact téléphonique avec le CRL en Espagne et leur recommandation va dans le sens de celle du CVO anglais càd le SIT en combinaison avec une sérologie 15 jours après (peut-être fait à 30 jours aussi, mais mieux à 15). Ils confirment que le test interféron s'avère peu sensible chez l'alpaga. En résumé, SIT et sérologie en individuel donnent une Se de 50 %-60 % chacun. Une combinaison de ces 2 tests fait augmenter la sensibilité à 70 %-80 %. Il reste quand même une marge de 20-30 % de faux négatifs.

    Définition d'un cas nég : négatif en SIT ET sérologie Définition d'un cas pos : positif en SIT ET/OU en sérologie

    Le CRL met en garde contre une différence de performance dans les kits proposés par les anglais et fera parvenir la liste des kits commerciaux disponibles et validés pour la sérologie chez l'alpaca (Vicugna pacos). Ils sont aussi prêts à confirmer nos résultats sérologiques.

    Donc, en réponse à vos questions : 1) Nous conseillons une SIT suivie d'une sérologie après 15 jours. Il faudra bien avertir le propriétaire que le résultat définitif ne sera obtenu qu'après le deuxième test (stt si toutes les SIT sont négatives !)

    2) A priori, nous devrions pouvoir faire les ELISA au CERVA si les kits sont disponibles. Nous nous renseignons dès que nous recevons les références du CRL. En cas de problème, le CRL peut (re)faire les tests.

    Dans le cas de l'exploitation positive, nous recommandons également une sérologie après 15 jours et un re-test après 3 à 5 mois (recommandé par CRL aussi)".

  9. Le 14 août 2015, ce même agent adresse à la requérante un procès-verbal de saisie conservatoire en vue d'un examen ou d'une analyse, fondé sur l'article 6 de l'arrêté royal du 22 février 2001 organisant les contrôles effectués par l'Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne alimentaire et modifiant diverses dispositions légales.

    L'annexe à ce procès-verbal vise 26 alpagas, un bouc et une chèvre et mentionne, comme motif de la mesure, une "suspicion de tuberculose".

  10. Le 14 août 2015 également, une tuberculination de ces différents animaux est effectuée, dont les résultats constatés le 17 août 2015 s'avèrent tous être négatifs.

    Le 31 août 2015, un prélèvement sanguin est effectué sur les 26...

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