Décision judiciaire de Conseil d'État, 6 avril 2017

Date de Résolution 6 avril 2017
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRÉSIDENT DE LA VIIIe CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

A R R Ê T

nº 237.908 du 6 avril 2017

A. 221.815/VIII-10.432

En cause : KNOCKAERT Michel, ayant élu domicile chez

Mes Anne FEYT et Martin JOACHIM, avocats, rue de la Source 68 1060 Bruxelles,

contre :

la commune de Watermael-Boitsfort,

représentée par son collège des bourgmestre et échevins, ayant élu domicile chez

Mes Michel KAISER et Catherine JIMENEZ, avocats, boulevard Louis Schmidt 56 1040 Bruxelles.

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I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 31 mars 2017, Michel KNOCKAERT demande la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de "la décision du mardi 21 mars 2017 du Conseil communal de la Commune de Watermael-Boitsfort de le démettre d'office".

II. Procédure

Par la même requête, Michel KNOCKAERT demande le bénéfice de la procédure gratuite.

Par une ordonnance du 31 mars 2017, l'affaire a été fixée à l'audience du 6 avril 2017.

La partie adverse a déposé une note d'observations et le dossier administratif.

M. Jacques VANHAEVERBEEK, président de chambre, a exposé son rapport.

Me Martin JOACHIM, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Mes Michel KAISER et Catherine JIMENEZ, avocats, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

M. Alain LEFEBVRE, premier auditeur au Conseil d'État, a été entendu en son avis contraire.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Procédure gratuite

Au vu des documents produits par la partie requérante, et en application des articles 676 du Code judiciaire, 78 à 80 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État et 1er et 2 de l'arrêté royal du 18 décembre 2003 déterminant les conditions de la gratuité totale ou partielle du bénéfice de l'aide juridique de deuxième ligne et de l'assistance judiciaire, elle apparaît, prima facie, remplir les conditions pour l'obtention de l'assistance judiciaire.

Il y a lieu de la lui accorder dans la procédure en suspension d'extrême urgence.

IV. Faits

1. Le requérant est un agent de rang E1 de la partie adverse. Il est actuellement affecté au service Propreté.

  1. Le 12 octobre 2016 le requérant remplit une déclaration d'accident du travail dans laquelle il indique que le jour de l'accident était un jeudi et la date le "06.10.2016 ± 14 heure 30 min".

  2. Le même jour, le requérant consulte le Docteur DE BAST au Centre médical d'urgence et de traumatologie "Malou", qui atteste de son incapacité de travail du 12 au 16 octobre 2016 en raison d'un "accident - survenu : le 06/10/2016". Le 14 octobre 2016, celui-ci complète le certificat médical modèle B (accident du

    travail). Il y atteste que le requérant souffre d'une "contusion-déchirure musculaire flanc g".

  3. L'incapacité de travail du requérant est prolongée à deux reprises (le 14 et le 21 octobre 2016) par son médecin traitant, le Docteur ETIEN. Le certificat du 14 octobre mentionne également un "accident survenu le 06/10/2016". Il reprend ses fonctions le 31 octobre 2016.

  4. Le 10 novembre 2016, le requérant complète un "questionnaire à renvoyer à Ethias" concernant l' "accident du 06/10/16" dont il a été victime.

  5. Le 24 octobre 2016, la directrice des ressources humaines de la partie adverse adresse le courriel suivant au secrétaire communal :

    " […]

    Suite à une déclaration d'accident de travail de Mr KNOCKAERT qui nous paraissait suspecte, Philippe DE SOUSA a mené une «enquête interne»,

    Je t'en livre les résultats,

    La déclaration de Mr KNOCKAERT a été établie 12.10.2016 par rapport à des faits qui se seraient produits le 06.10.2016 vers 14.30. (jeudi). Cet accident a entraîné une absence pour raisons médicales jusqu'au 23.10.2016.

    Il se serait blessé en retenant un collègue par la taille afin que celui-ci ne soit pas percuté par une voiture. (déchirure musculaire)

    Il mentionne comme témoins Mrs EL BOUBKARI et CORDEMANS. Il était en congé le vendredi (déménagement ou préparation de déménagement).

    Il n'a averti personne de cette blessure avant le mardi soir. Le lundi et le mardi, il a été affecté à l'enlèvement des poubelles de rue. Ce travail est physiquement éprouvant. Les poubelles sont lourdes et plus particulièrement cette fois puisque des briquaillons y avaient été déposés.

    Mr KNOCKAERT était affecté au glouton le 06.10 dans le secteur n° 2 […]. Le lieu de l'accident est en bordure de cette zone.

    Il s'est présenté à cette même date à la visite médicale à la source à 13.20.

    Son collègue, Mr VANDERPERRE l'a récupéré à 14.00 et ramené au Dépôt.

    Mr EL BOUBKARI a fait une déclaration comme quoi, il ne se souvenait pas de faits. Que de plus, il ne travaillait pas avec Mr KNOCKAERT à cette date.

    Cette déclaration est confirmée par Mr CAUCHIE, qui affirme sur base de son carnet de travail, qu'ils étaient affectés ensemble au suivi de la balayeuse Avenue VAN BECELAERE et ce jusque 14.45. (la rue était très sale).

    Mr CORDEMANS affirme avoir été témoin des faits vers 13.30. Cette heure est impossible puisque Mr KNOCKAERT était à la visite médicale.

    Mr CORDEMANS explique que la balayeuse ainsi que les suiveurs étaient sur le secteur 2 afin d'évacuer un tas de feuille suite à un appel téléphonique de Mr KNOCKAERT.

    Ceci est impossible puisque la balayeuse ne peut quitter la zone à laquelle elle est affectée, qu'une fois le travail terminé. (pose de statifs)

    Sur base du timing de Mr KNOCKAERT: il aurait dû quitter le dépôt avec le glouton vers 14.10, aller rue du Col vert, appeler les collègues à la rescousse, qu'ils arrivent. Le tout en 20 minutes.

    Mr CORDEMANS était affecté à la balayeuse avec Mr LEMAITRE. Ce dernier n'a pu être interrogé pour cause de maladie.

    Il est de notoriété publique que Mr KNOCKAERT était en cours de déménagement. Il ne lui restait plus de congés et se trouve en position de mise en disponibilité en cas de maladie.

    À toi de voir si ces éléments justifient le suivi d'une procédure disciplinaire ...".

  6. Le 17 novembre 2016, le secrétaire communal rédige le rapport disciplinaire suivant à charge du requérant :

    " […]

    Ces faits doivent être analysés dans leur contexte. Selon des sources qui n'ont pu être vérifiées, Monsieur Michel KNOCKAERT était en cours de déménagement. Il ne lui restait plus de congés et en cas de maladie, il se serait trouvé en position de mise en disponibilité car son quota de maladie est épuisé.

    Plusieurs éléments de ce dossier indiquent que la déclaration d'accident faite par Monsieur Michel KNOCKAERT le 12 octobre 2016, soit 6 jours après les faits, ne correspond pas à la réalité :

    - Les déclarations de Monsieur EL BOUBKARI, pourtant cité par lui comme témoin, et de Monsieur Michel CAUCHIE, contredisent sa version des faits. - La déclaration en sa faveur de Monsieur Luc CORDEMANS, qui prétend avoir été témoin des faits entre 13h00 et 13h30, ne peut être retenue dans la mesure où elle est elle-même contredite par les faits, à savoir la présence de Monsieur Michel KNOCKAERT à la visite médicale le 6/10 à 13h20.

    […]

    Tout semble indiquer que Monsieur Michel KNOCKAERT a voulu couvrir son absence du 12/10 au 30/10/2016 par une déclaration (tardive) d'accident de travail plutôt que par un certificat médical dans le seul but d'éviter de se trouver en position de mise en disponibilité (60 % du traitement brut) et de perdre ainsi son traitement complet. [...] Il ressort en effet des informations transmises par le service du personnel que Monsieur KNOCKAERT a actuellement épuisé les jours de congé maladie auxquels son ancienneté lui donne droit.

    Suivant les éléments dont je dispose, la déclaration d'accident de travail de Monsieur Michel KNOCKAERT constitue une fausse déclaration. Celle-ci constitue un manquement grave aux devoirs d'intégrité et de loyauté à l'égard de l'employeur. La confiance indispensable à la relation professionnelle s'en trouve dès lors sérieusement affectée. La jurisprudence considère généralement les dissimulations, fausses déclarations et d'autres formes de tromperies comme autant de fautes graves rendant immédiatement et définitivement impossible la poursuite de la relation professionnelle et pouvant justifier un licenciement immédiat du travailleur sans paiement d'indemnités. […]".

  7. Le 18 novembre 2016 la compagnie d'assurance ETHIAS informe le requérant qu'elle refuse d'intervenir et notifie cette décision à la partie adverse. Cette décision est notamment fondée sur une attestation sur l'honneur d'Ali EL BOUBKARI adressée à EHIAS le 9 novembre 2016 laquelle est rédigée comme suit :

    " Je soussigné Ali EL BOUBKARI [...] atteste ne pas avoir été témoin ni présent lors des faits dont Michel KNOCKAERT prétend avoir été victime le 6 octobre 2016. Aussi, j'atteste ne pas avoir travaillé avec ce dernier à la date susmentionnée".

    9. Le 27 novembre 2016, le requérant est convoqué à comparaître devant le collège des bourgmestre et échevins le 13 décembre 2016 pour s'expliquer sur les faits précités.

  8. À la suite de cette audition, le secrétaire communal procède à des mesures d'instruction complémentaires dont le résultat est consigné dans le rapport complémentaire du 27 décembre 2016, dont les conclusions sont les suivantes :

    " Les explications données par Monsieur Michel KNOCKAERT lors de son audition par le Collège, le 13/12/2016, ne sont étayées d'aucune preuve. Au contraire, elles sont contredites par plusieurs collègues présents sur les lieux au moment où l'incident se serait produit. Le seul collègue ayant témoigné en sa faveur a reconnu qu'il n'avait pas été personnellement témoin de l'incident.

    Par ailleurs, Ethias nous a communiqué le 18/11/2016 que l'accident de travail n'était pas établi vu l'absence de preuve des...

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