Décision judiciaire de Conseil d'État, 14 mars 2017

Date de Résolution14 mars 2017
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRÉSIDENT DE LA XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 237.655 du 14 mars 2017

A. 215.724/XIII-7298

En cause : MAILIER François, ayant élu domicile chez Me Annabelle VANHUFFEL, avocat, rue de Bruxelles 51 1400 Nivelles,

contre :

la Commune de Montigny-le-Tilleul.

Parties intervenantes :

  1. DEWEZ Alex, 2. SELS Karine, ayant tous deux élu domicile chez Me Olivier JADIN, avocat, rue Jules Destrée 72 6001 Marcinelle.

    ------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

    Par une requête introduite le 30 avril 2015, François MAILIER demande, d'une part, la suspension de l'exécution du permis d'urbanisme délivré par le collège communal de Montigny-le-Tilleul le 27 février 2015 à Alex DEWEZ et Karine SELS, ayant pour objet la "régularisation du volume construit avec permis d'urbanisme cassé par le Conseil d'État après sa construction, la création d'un toit audessus de ce dernier, en prolongation avec le volume du bâtiment principal pour éviter la dérogation, la mise en œuvre d'une brique sur toute la façade à rue, comme autorisé le 18 octobre 2009", sur un bien sis à Montigny-le-Tilleul, rue de Gozée, n° 309, cadastré section A, n° 135p10 et, d'autre part, l'annulation de celui-ci.

    XIII - 7298 - 1/35

    II. Procédure

    Un arrêt n° 232.318 du 24 septembre 2015 a accueilli la requête en intervention introduite par Alex DEWEZ et Karine SELS, rejeté la demande de suspension de l'exécution de l'acte attaqué et réservé les dépens.

    Une demande de poursuite de la procédure a été introduite le 6 octobre 2015 par la partie requérante.

    La partie requérante a déposé un mémoire ampliatif et la partie intervenante un mémoire en intervention.

    M. Raphaël BORN, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

    Le rapport a été notifié aux parties.

    Les parties requérante et intervenantes ont déposé un dernier mémoire.

    Par une ordonnance du 21 décembre 2016, l'affaire a été fixée à l'audience du 25 janvier 2017 à 9.30 heures et les parties ont été informées que celleci serait traitée par une chambre composée d'un magistrat.

    Mme Simone GUFFENS, président de chambre, a exposé son rapport.

    Me Emmanuel ANTOINE, loco Me Annabelle VANHUFFEL, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Caroline DELFORGE, loco Me Olivier JADIN, avocat, comparaissant pour les parties intervenantes, ont été entendus en leurs observations.

    M. Raphaël BORN, auditeur, a été entendu en son avis conforme.

    Il a été fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

    III. Faits

    Il est renvoyé à l'exposé des faits contenu dans l'arrêt n° 232.318 du 24 septembre 2015.

    XIII - 7298 - 2/35

    Pour rappel, le permis d'urbanisme attaqué est motivé comme suit :

    Considérant qu'au plan de secteur de Charleroi approuvé par arrêté royal à la date du 10 septembre 1979, le projet se situe en zone d'habitat;

    Considérant que le bien est situé dans le périmètre du plan communal d'aménagement n° 1A;

    Considérant que le bien n'est pas repris dans le périmètre d'un lotissement;

    Considérant que la demande vise :

    • la régularisation du volume construit avec permis d'urbanisme cassé par le Conseil d'État après sa construction;

    • la création d'un toit au-dessus de ce dernier, en prolongation avec le volume du bâtiment principal pour éviter la dérogation;

    • la mise en œuvre d'une brique sur toute la façade à rue, comme autorisé le 18 octobre 2009;

    Considérant que la présente demande a fait l'objet d'un premier permis d'urbanisme en date du 28 novembre 2014 mais à la suite du recours auprès du Conseil d'État par les consorts MAILIER - JAKUBOWSKI, voisins directs des demandeurs de permis, le collège communal a décidé de retirer ce premier permis par délibération du 27 février 2015 et a décidé, lors de la même réunion, d'octroyer à nouveau un permis d'urbanisme pour les travaux ci-dessus, avec cependant une motivation plus complète pour répondre à la jurisprudence du Conseil d'État;

    Considérant que le dossier comprend une notice d'incidence[s];

    Considérant qu'au vu de ladite notice, et au regard de l'ensemble des critères de sélection pertinents visés à l'article D.66, § 2 du Code de l'environnement tel que modifié par le décret du 10 novembre 2006 précité, le projet n'est pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement, qu'une étude d'incidence n'est donc pas requise;

    Considérant que le projet n'a en effet pas d'impact sur la faune et la flore, le sol, l'eau, l'air, le climat et le paysage, les biens matériels et le patrimoine culturel;

    Considérant que le seul effet potentiel identifié est la possible perte d'ensoleillement et/ou de luminosité invoquée par les consorts MAILIER -JAKUBOWSKI, voisins directs, pour laquelle les demandeurs ont cependant déposé un rapport descriptif des modifications de l'ombrage créé par l'immeuble de Monsieur et Madame DEWEZ en fonction des modifications sur sa volumétrie et sur l'immeuble de leurs voisins de droite appartenant à Monsieur et Madame MAILIER, et rédigé par Madame l'Architecte NOVIS;

    Considérant que le collège communal dispose donc de tous les éléments lui permettant de prendre position en pleine connaissance de cause :

    HISTORIQUE

    Les demandeurs de permis ont déposé une demande relativement similaire (à l'exception de la toiture) le 02 décembre 2008.

    Après un avis défavorable du fonctionnaire délégué, le collège communal a refusé ladite demande le 27 mars 2009.

    XIII - 7298 - 3/35

    " [...]

    Après recours des demandeurs de permis et avis favorable de la commission d'avis sur les recours, le Ministre régional a octroyé le permis d'urbanisme le 24 août 2009.

    Les demandeurs de permis ont construit la rehausse au-dessus de leur garage, conformément audit permis.

    Le collège a octroyé aux demandeurs de permis l'autorisation le 18 octobre 2009 d'apposer une brique de parement sur toute la façade à rue, en vue d'uniformiser celle-ci avec la rehausse.

    Il reste à ce jour à poser la brique de parement sur une partie seulement de celleci, les travaux ayant, semble-t-il, été interrompus par le recours auprès du Conseil d'État des consorts MAILIER - JAKUBOWSKI, contre le permis du 24 août 2009.

    Le Conseil d'État a annulé le permis délivré par le ministre le 27 février 2013 (n° 222.659).

    Le 20 septembre 2013, les consorts MAILIER- JAKUBOWSKI ont lancé citation contre les demandeurs de permis en vue de les voir contraindre de démolir la rehausse construite sur base du permis du 24 août 2009, finalement annulé.

    La présente demande vise donc à régulariser la situation actuelle, sous réserve de la modification de la toiture qui serait à double versants, en lieu et place de la toiture plate actuelle.

    DEROGATIONS

    Les demandeurs de permis vantent deux dérogations, dont la deuxième n'est soulevée cependant qu'à titre conservatoire et subsidiaire.

  2. Contrariété au P.C.A. n° 1A :

    La rehausse dont la régularisation est sollicitée se trouve en zone de recul (R) et en zone de voirie (VR).

    Le P.C.A. n° 1A précise notamment :

    1.1.4. Il est défendu de donner à une parcelle de terrain une affectation qui ne correspond pas à celle de la zone où elle est située.

    Toutefois les travaux d'entretien peuvent être autorisés dans ce cas.

    2.6. Zone de recul (R) :

    Sauf les clôtures et les accès, toutes constructions ou installations fixes ou mobiles aux termes de l'article 41 de l'arrêté de l'exécutif régional wallon du 14 mai 1984 sont interdites dans ces zones, qui doivent être aménagées avec un maximum de verdure (pelouse et plantations) et de décoration florales.

    Ces zones sont entretenues régulièrement et maintenues en parfait état de propreté.

    2.12. zone de voirie affectée à la route (VR) :

    Est incluse dans ces zones, la surface des terrains destinée à l'établissement de la voirie proprement dite, des trottoirs et tous les équipements nécessaires

    .

    XIII - 7298 - 4/35

    Il ressort du plan joint audit P.C.A. que la majeure partie de l'immeuble des demandeurs de permis se trouve en zone de recul (teinte verte) et que la partie en décrochage se trouve en zone de voirie (et plus particulièrement l'avant de leur garage concerné par la présente demande).

    A suivre les prescriptions du P.C.A. reprises ci-dessus, les demandeurs de permis ne pourraient construire leur projet, raison pour laquelle ils sollicitent de pouvoir y déroger.

    Il ressort du reportage photographique produit par les demandeurs de permis que leur immeuble (et notamment le garage) est en décrochage de 2,54 m par rapport aux autres immeubles sis à droite en regardant de la voirie et plus particulièrement par rapport à l'immeuble des consorts MAILIER -JAKUBOWSKI, seuls plaignants dans le cadre de l'enquête publique.

    Cette situation existe manifestement depuis des lustres et en tout cas préexiste au P.C.A. n° 1 A, qui reprend en effet ce décrochage sur ces plans.

    Il s'agit d'un élément historique à prendre en compte, contrairement à ce qui s'était fait dans le cadre de la première demande d'urbanisme de 2008, dans la mesure où le rehaussement sollicité prend place au-dessus du garage de l'immeuble des consorts DEWEZ, qui est en décrochage dans la zone de voirie et pour le surplus en zone de recul, sans aucune emprise supplémentaire au sol.

    Dans cette mesure, les prescriptions litigieuses du P.C.A. n° 1A ne doivent pas s'appliquer avec la même rigueur, sauf à empêcher les consorts DEWEZ d'améliorer leur immeuble, alors que la situation est antérieure audit P.C.A. qui n'a pu manifestement prendre en compte les spécificités de cet immeuble ou qui aurait dû déboucher à l'époque sur une expropriation.

    La situation est encore plus flagrante par rapport à la zone de recul dans la mesure où la majeure partie de l'immeuble des consorts DEWEZ s'y trouve, en ce compris le garage pour la partie qui...

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