Décision judiciaire de Conseil d'État, 22 février 2017

Date de Résolution22 février 2017
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 237.452 du 22 février 2017

A. 214.586/XIII-7204

En cause : MAENHOUT Thierry, ayant élu domicile chez Me Alain LEBRUN, avocat, place de la Liberté 6 4030 Grivegnée,

contre :

  1. la Commune de Flémalle, ayant élu domicile chez Mes Michel DELNOY et Renaud SMAL, avocats, rue Simonon 13 4000 Liège,

  2. la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, rue de Nieuwenhove 14 A 1180 Bruxelles.

    Partie intervenante :

    NEYENS Martial, ayant élu domicile rue des Cytises 47 4400 Flémalle.

    ------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

    Par une requête introduite le 29 décembre 2014, Thierry MAENHOUT demande l'annulation du permis d'urbanisme délivré le 17 octobre 2014 par le collège communal de Flémalle aux époux NEYENS-LEMAIRE pour la construction d'une terrasse couverte à l'arrière de leur habitation située rue des Cytises 47, à Flémalle, cadastrée 8ème division, section B, n° 710 r 7.

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    II. Procédure

    Par une requête introduite le 10 mars 2015, Martial NEYENS demande à être reçu en qualité de partie intervenante.

    Cette intervention a été accueillie par une ordonnance du 10 avril 2015.

    Le dossier administratif a été déposé.

    Les mémoires en réponse, en réplique et en intervention ont été régulièrement échangés.

    Mme Valérie MICHIELS, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

    Le rapport a été notifié aux parties.

    Les parties ont déposé un dernier mémoire.

    Par une ordonnance du 20 décembre 2016, l'affaire a été fixée à l'audience du 26 janvier 2017 à 09.30 heures.

    M. Michel PÂQUES, conseiller d'État, a fait rapport.

    Me Renaud SMAL, avocat, comparaissant pour la première partie adverse, et Me Célia HECQ, loco Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, comparaissant pour la seconde partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

    Mme Valérie MICHIELS, auditeur, a été entendue en son avis conforme au présent arrêt.

    Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

    III. Faits

    1. Le 27 avril 2010, M. et Mme NEYENS-LEMAIRE introduisent une demande de permis d'urbanisme auprès de la commune de Flémalle pour la

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    construction d'une terrasse couverte à l'arrière de leur habitation, située rue des Cytises, 47 à Flémalle.

    Ce bien est situé en zone d'habitat au plan de secteur de Liège du 26 novembre 1987.

    Le projet est repris en zone de cours et jardins au plan communal d'aménagement (P.C.A.) n° IV, dit "Quartier de la Xhavée", approuvé par arrêté royal du 1er août 1956.

    La demande est notamment accompagnée de la notice d'évaluation préalables des incidences sur l'environnement, de plans, de photographies et d'un rapport présentant les actes et travaux projetés, les options d'aménagement et le parti architectural du projet.

  3. Le requérant est le voisin mitoyen du projet litigieux. Les habitations du requérant et des bénéficiaires du permis attaqués sont en effet configurées en "trois façades".

  4. Une enquête publique est réalisée du 10 au 28 juin 2010. Elle ne suscite qu'une seule réclamation, émanant du requérant.

  5. Le 3 septembre 2010, le collège communal de Flémalle émet un avis favorable.

  6. Le 30 septembre 2010, le fonctionnaire délégué émet un avis favorable conditionnel sur la dérogation sollicitée.

  7. Le 15 octobre 2010, le collège communal octroie conditionnellement le permis d'urbanisme sollicité par les époux NEYENS-LEMAIRE.

  8. Par une requête du 20 décembre 2010, le requérant à la présente cause introduit un recours en annulation et en suspension, référencé sous le A. 198.561/XIII-5751, à l'encontre de ce permis. Par un arrêt n° 212.804 du 27 avril 2011, le Conseil d'Etat l'annule, pour violation des articles 113 et 114 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine et de l'énergie (CWATUPE).

  9. Le 5 décembre 2011, les époux NEYENS-LEMAIRE introduisent une nouvelle demande de permis d'urbanisme auprès du collège communal de Flémalle.

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    9. Une enquête publique est organisée du 20 mars au 3 avril 2012. Le requérant adresse une lettre de réclamation le 30 mars 2012.

  10. Le 22 juin 2012, le collège communal émet un avis favorable conditionnel, de même que le fonctionnaire délégué en date du 8 août 2012.

  11. Un permis d'urbanisme est délivré le 23 août 2012, également attaqué par un recours en annulation et en suspension du requérant, référencé sous le nº A. 207.004/XIII-6420.

  12. Le 7 décembre 2012, le permis est retiré par le collège communal, de sorte que, par un arrêt n° 224.815 du 25 septembre 2013, le recours précité est déclaré sans objet.

  13. Une nouvelle enquête publique est organisée du 1er juillet 2014 au 15 juillet 2014, au cours de laquelle le requérant introduit une réclamation. Une étude d'ombrage complémentaire est mise à la disposition du public.

  14. Le 29 septembre 2014, le fonctionnaire délégué émet un avis favorable conditionnel et propose au collège d'accorder la dérogation à titre exceptionnel.

  15. Le 17 octobre 2014, le collège communal octroie le permis d'urbanisme, sous conditions, à Martial NEYENS. Il s'agit de l'acte attaqué. Il a été notifié au requérant le 29 octobre 2014.

    IV. Premier moyen.

    IV.1. Thèse de la partie requérante

    Le premier moyen est pris de la violation des articles 107, § 1er, alinéa 2, et 114, alinéa 2, du CWATUPE, et de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs.

    Première branche

    Dans une première branche, le requérant dénonce une contradiction dans la motivation de l'avis du fonctionnaire délégué : dans son avis du 29 septembre 2014, le fonctionnaire délégué énonce que le bien ne se trouve pas dans le périmètre d'un lotissement dûment autorisé alors qu'à la page suivante du même avis, il énonce

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    que "le bien est repris dans le périmètre du lotissement n° 2-Mons approuvé avant la loi".

    La motivation de cet avis est d'autant plus importante lorsque le fonctionnaire délégué statue sur une demande de permis dérogatoire à un P.C.A., sur la base de l'article 114, alinéa 2, du CWATUPE.

    Le vice de la motivation de l'avis du fonctionnaire délégué entraîne l'illégalité de la procédure dérogatoire et la violation de l'article 114.

    Dans le mémoire en réplique, l'intérêt de la motivation de l'avis du fonctionnaire délégué est mis en avant. Si le fonctionnaire délégué s'est mépris sur la situation, un doute subsiste face à deux affirmations divergentes et la formalité de la motivation ne produit donc pas pleinement ses effets vis-à-vis des tiers. Un travail administratif "bâclé" est dénoncé. L'avis du fonctionnaire délégué n'a manifestement pas préparé la réflexion de la commune qui en a conclu erronément que le "périmètre du lotissement" était périmé. On se trouve donc face à un avis du fonctionnaire délégué qui ne tire aucune conclusion de ce constat, ce qui rend la motivation incompréhensible pour les tiers et donc incomplète et insuffisante, mais surtout qui n'envisage nullement le contenu de cet accord de lotissement. L'article 107, § 2, alinéa 2, du CWATUPE est méconnu, en ce que l'avis du fonctionnaire délégué n'est pas correctement motivé. Dans la mesure où cette motivation est obligatoire à la bonne exécution de l'article 114, cette disposition est violée par voie de conséquence.

    Seconde branche

    Dans une seconde branche, le requérant critique l'affirmation qu'un permis de lotir délivré avant la loi organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme du 29 mars 1962 est périmé. La critique porte sur l'absence de motivation formelle et sur le fond: un permis délivré avant la loi organique du 29 mars 1962 n'est pas nécessairement périmé et son existence vis-à-vis des personnes qui ont acquis un lot dans ce lotissement ne peut être "gommée d'un trait de plume".

    Dans le mémoire en réplique, il précise que si l'auteur de l'acte attaqué n'est pas lié impérativement par le contenu de cet accord de lotissement, il n'est pas pour autant dispensé d'en prendre connaissance et d'examiner s'il ne fallait pas en tirer quelque conséquence et, à défaut, de dire pourquoi. Force est de toute façon de constater que l'acte attaqué est basé sur une erreur, en ce qu'il déclare que cet accord

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    de lotissement est périmé. On ne peut suivre la première partie adverse en ce qu'elle considère que cette erreur n'a pu exercer aucune influence sur la décision prise. À défaut de pouvoir déterminer avec certitude si l'auteur de l'acte attaqué ne s'est pas fourvoyé, on devra bien considérer que l'article 14, § 1er, alinéa 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat n'est pas applicable.

    Dans le dernier mémoire, le requérant ne peut admettre que ses critiques soient sans intérêt. Des garanties formelles ont été transgressées. De ce défaut de sérieux découle un manque de confiance qu'il peut dénoncer et invite le Conseil d'Etat à la sévérité face à ce type d'errements.

    IV.2. Examen

    Première branche

    Les parties s'accordent à reconnaître que les deux premiers motifs de l'avis du fonctionnaire délégué du 29 septembre 2014, précisant qu'il n'existe pas, pour le territoire où se trouve situé le bien, ni de P.C.A., ni de lotissement dûment autorisé, relèvent d'une erreur purement matérielle, les "considérants" ultérieurs de cet avis ne laissant planer aucun doute sur le fait que le fonctionnaire délégué avait pleinement conscience de l'existence d'un P.C.A. et d'un ancien lotissement, pour le territoire où se trouve le bien litigieux.

    Cette erreur matérielle n'a aucune incidence sur la légalité de l'avis du fonctionnaire délégué ni sur celle de...

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