Décision judiciaire de Conseil d'État, 15 février 2017

Date de Résolution15 février 2017
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRÉSIDENT DE LA XIIIe CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

A R R Ê T

nº 237.385 du 15 février 2017

A. 220.125/XIII-7767

En cause : 1. VERVOORT Maria, 2. DURIEUX Hugo, 3. POLLEUR isabelle, 4. LIVET Patrick, 5. GALLEMAERS Joe, 6. GONAY Cécile, 7. l'Association sans but lucratif ASSOCIATION POUR LA GESTION DURABLE DES FORÊTS

ET DE L'ENVIRONNEMENT, en abrégé A.G.D.F.E.,

8. la Société anonyme GENAM, ayant tous élu domicile chez

Mes Luc MISSON et

Aurélie KETTELS, avocats, rue de Pitteurs 41 4020 Liège,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez

Me Pierre MOËRYNCK, avocat, avenue de Tervueren 34/27 1040 Bruxelles.

Partie intervenante :

la Société anonyme EDF LUMINUS, ayant élu domicile chez

Mes Ivan-Serge BROUHNS et Guillaume POSSOZ, avocats, chaussée de La Hulpe 178 1170 Bruxelles.

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I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 26 août 2016, Maria VERVOORT, Hugo DURIEUX, Isabelle POLEUR, Patrick LIVET, Joe GALLEMAERS, Cécile GONAY, l'association sans but lucratif (A.S.B.L.) ASSOCIATION POUR LA GESTION DURABLE DES FORÊTS ET DE L'ENVIRONNEMENT(A.G.D.F.E.), et la société anonyme (S.A.) GENAM demandent, d'une part, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 23 juin 2016 du Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire, de la Mobilité et des Transports, et du Bien-être animal, qui accorde à la S.A. EDF LUMINUS, un permis unique visant à implanter et exploiter un parc éolien de 6 éoliennes dans un établissement situé Chemin d'Odrimont à Lierneux et d'autre part, son annulation.

II. Procédure

Par une requête, introduite par la voie électronique, le 19 septembre 2016, la S.A. EDF LUMINUS demande à être reçue en qualité de partie intervenante.

La note d'observations et le dossier administratif ont été déposés.

M. Luc DONNAY, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'État.

Le rapport a été notifié aux parties.

Par une ordonnance du 5 janvier 2017, l'affaire a été fixée à l'audience du 1er février 2017 à 10 heures.

Mme Anne-Françoise BOLLY, conseiller d'État, président f.f., a exposé son rapport.

Me Aurélie KETTELS, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, Me Pierre MOËRYNCK, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Mes Ivan-Serge BROUHNS et Guillaume POSSOZ, avocats, comparaissant pour la partie intervenante, ont été entendus en leurs observations.

M. Luc DONNAY, auditeur, a été entendu en son avis conforme au présent arrêt.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

1. Le 10 mars 2015, la S.A. EDF LUMINUS introduit une demande de permis unique tendant à la construction et à l'exploitation d'un parc de 6 éoliennes, d'une cabine de tête ainsi qu'à l'aménagement du chemin d'accès, des aires de montage et la pose de câbles électriques souterrains sur un bien situé à Lierneux, chemin d'Odrimont.

Au plan de secteur, le bien concerné par cet établissement figure en zone forestière.

  1. Après avoir réceptionné des documents complémentaires produits par la demanderesse de permis, les fonctionnaires délégué et technique informent celleci que sa demande est complète et recevable, le 10 septembre 2015.

  2. Du 28 septembre au 29 octobre 2015, une enquête publique se tient sur le territoire des communes de Lierneux, Trois-Ponts et Vielsalm. Elle suscite le dépôt de 46 réclamations.

  3. En cours de procédure, de nombreuses instances sont consultées : ELIA (avis favorable conditionnel du 18 septembre 2015), du conseil wallon de l'environnement pour le développement durable (CWEDD) (avis défavorable du 29 septembre 2015), de la commission régionale d'aménagement du territoire (CRAT) (avis défavorable du 29 octobre 2015), du département de la nature et des forêts (D.N.F.) de la direction générale opérationnelle de l'agriculture, des ressources naturelles et de l'environnement (DGO3) du Service public de Wallonie (S.P.W.) (avis favorable conditionnel du 30 octobre 2015), de la direction de la protection des sols de la DGO3 (avis favorable conditionnel du 2 décembre 2015), des collèges communaux de Trois-Ponts (avis favorable du 28 octobre 2015), de Vielsalm (avis favorable du 4 novembre 2015 ) et de Lierneux (avis favorable conditionnel du 19 décembre 2015).

  4. Par un courrier du 26 janvier 2016, les fonctionnaires délégué et technique informent la demanderesse de permis qu'en application de l'article 92, § 5, du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement, le délai de notification de leur décision est prolongé de 30 jours.

    6. Par un courrier du 19 février 2016, le D.N.F. rend un avis complémentaire qui est favorable conditionnel.

  5. Le 26 février 2016, les fonctionnaires délégué et technique refusent d'octroyer le permis unique sollicité.

  6. Par un courrier recommandé du 17 mars 2016, la demanderesse de permis forme un recours administratif à l'encontre de cette décision.

  7. Par un courrier du 2 mai 2016, le D.N.F. émet un nouvel avis favorable conditionnel.

  8. Par un courrier du 3 mai 2016, la cellule Bruit de la DGO3 donne un avis favorable conditionnel.

  9. Le 27 mai 2016, les fonctionnaires technique et délégué transmettent leur rapport de synthèse sur recours dans lequel ils proposent au Ministre de ne pas accorder le permis sollicité.

  10. Par un arrêté du 23 juin 2016, le Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire, de la Mobilité et des Transports, et du Bien-être animal décide d'infirmer la décision de première instance et d'octroyer le permis. Il s'agit de l'acte attaqué.

    IV. Recevabilité

    IV.1. Thèse des parties

    A. Exception soulevée par la partie intervenante

    La partie intervenante considère que les parties requérantes n'ont pas d'intérêt au recours en faisant valoir que l'impact paysager du projet éolien n'est pas démontré.

    En particulier, elle dénie l'intérêt à l'action de l'A.S.B.L. A.G.D.F.E. qui "semble avoir été constituée uniquement pour les besoins de la présente procédure" ainsi qu'à la S.A. GENAM laquelle, à son estime, "n'apporte pas la preuve de l'impact du parc éolien sur ses propres activités ou son patrimoine, d'autant plus […] que l'impact du projet éolien sur le patrimoine immobilier n'est pas sensible".

    B. Thèse des parties requérantes

    Les personnes physiques, résident à environ un kilomètre de l'éolienne la plus proche. Elles produisent une carte permettant de visualiser l'implantation de leurs habitations par rapport au parc éolien projeté. Elles précisent résider dans une "zone d'influence visuelle particulièrement marquée en raison du relief du sol" du parc d'éoliennes projeté.

    L'A.S.B.L. A.G.D.F.E. conteste essentiellement l'atteinte au paysage, à la zone forestière et à la faune et flore présentes sur le site concerné. Elle soutient que cet intérêt entre bien dans son objet social qui est de veiller à la protection du patrimoine paysager mais également à la protection et la restauration de zones forestières.

    La S.A. GENAM écrit regrouper les propriétés de la famille GENDEBIEN dans la région de Lierneux notamment, parmi lesquelles se trouve le château d'Ancômont, situé à proximité du projet, ainsi qu'un autre bien mis en location.

    IV.2. Examen

    Tout riverain a normalement intérêt au bon aménagement de son quartier, ce qui implique la possibilité de contester tout projet susceptible de modifier son environnement ou d'affecter son cadre de vie;

    Les parties requérantes, personnes physiques, habitent à proximité du site éolien (entre 950 et 1300 mètres). Outre la carte produite, l'étude d'incidences sur l'environnement situent leurs habitations dans la zone de visibilité partielle ou totale des éoliennes. De plus, elles exposent qu'en raison du relief, les éoliennes litigieuses pourront être aisément perçues. Ces éléments justifient l'intérêt personnel et direct des parties requérantes, personnes physiques, à contester l'acte attaqué.

    Il en est de même de la S.A. GENAM, propriétaire du château d'Ancômont, lequel est, lui aussi, situé à environ un kilomètre de l'éolienne la plus proche et qui figure également en zone de visibilité partielle ou totale des éoliennes.

    En ce qui concerne l'A.S.B.L. A.G.D.F.E., l'article 3 de ses statuts indique que celle-ci "a pour but de mieux faire connaître, faire comprendre, protéger, restaurer et améliorer les diverses composantes de l'environnement et du patrimoine culturel". L'article 4 de ces statuts qui explicite cet objet social ne précise aucun champ d'action territorial assigné à cette association. Au terme d'un examen

    prima facie, et au vu des éléments précités, il n'apparaît pas que l'A.S.B.L. A.G.D.F.E., septième requérante, justifie d'un intérêt suffisamment individualisé au recours.

    V. Premier moyen

    V.1. Thèse des parties requérantes

    Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation des articles 36 et 127 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine et de l'énergie (CWATUPE), de l'erreur manifeste d'appréciation, du défaut de motivation formelle, de la violation des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, du défaut de motifs suffisants, adéquats et pertinents, de la violation du principe selon lequel l'autorité doit prendre sa décision en connaissance de cause, de l'erreur et de la contradiction dans les motifs, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation.

    Elles reprochent à l'auteur de l'acte attaqué d'avoir considéré que le projet s'appuie sur une ligne de force de paysage constituée par une ligne à haute tension alors que, explicitant la condition émise à l'article 127, § 3, du CWATUPE, le Cadre éolien...

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